jeudi 19 décembre 2019

Fantaisie Lovérienne, politique et policière

C'est pour changer, et comme on entre dans une période un peu particulière, je livre à mes lecteurs un roman produit il y a un peu plus d'une année. J'ai un peu actualisé l'ouvrage au fur et à mesure de l'actualité, mais pas trop. Par exemple, il y a des gilets jaunes, ce qu'en septembre 2018, personne ne pouvait prévoir. Et pourtant, à l'usage, je pense qu'il y avait beaucoup de phénomène annonciateur de ce qui allait se passer. 
Forcément, dans un roman, on invente de l'actualité pour mieux la cerner. On se sert d'éléments existants, que l'on bricole. Il y a dans le roman de nombreux bouts de personnages que j'ai rencontré, à droite à gauche et à qui je fais jouer des rôles qui sont parfois à contre-emploi. Comme toujours certains se reconnaîtront, voire croiront se reconnaître, dans des personnages qui ne sont pas eux, même si quelques traits de caractères leur ont été volé. Certains éléments ont terriblement anticipé l'actualité et la géographie. Il n'y a pas que les gilets jaunes... mais ça, je laisse les lecteurs le découvrir. Bref, les personnages sont inventés, la géographie aussi, même si ça se passe à Louviers, parce que c'était finalement le plus simple de partir de ce que je connaissais le mieux ... mais ce roman n'est pas l'histoire de Louviers, même si Louviers m'a passionnément inspiré.
Je n'en dis pas plus. 
Je m'engage à publier sur ce blog un chapitre par jour. L'avantage de ce feuilleton, c'est que vous n'aurez aucun mal à en retrouver les épisodes. 
Je vous souhaite une bonne lecture et n'hésitez pas à faire des commentaires ...
                                   






 LES ENFANTS SAGES
 

1ère partie : L’ENVAHIE

1er chapitre : Rue du Canal

Vous ne demandez pas pardon
Quand ils vous laissent le passage
Vous ne connaissez pas leur nom
Ils font partie du paysage,

Les enfants sages



-          « Oh l’aut’ ! la gueule … »

Il était là Kevin, plus couillon que jamais.
Depuis dix minutes, il râlait contre les gens. Il râlait contre tous ceux qui étaient incapables de mettre les vieilles publicités dans le sac poubelle obligeamment mis à disposition par la collectivité et qui l’obligeaient au petit matin à courir derrière les papiers. La pluie avait laissé la place à un petit vent qui avait séché les prospectus et surtout les avait disséminés. Et ça y allait, et ça y allait, y en avait partout, la rue était hourdée.
En plus, si les gens étaient moins cons, ils sauraient. Ils sauraient que ça ne se met même pas dans les sacs jaunes qu’il ramassait le lundi. Ça se met dans les containers. Voilà.
Voilà ce qu’il se disait. Pendant ce temps là, y avait Mehdi au camion qui l’engueulait parce qu’il trouvait que ça allait  bien comme ça à courir derrière les papiers. C’était pas leur boulot, merde. Ils étaient là pour ramasser des sacs, pas pour balayer les rues. Il en faut pour tout le monde.
Sauf que quand il a vu Kevin scotché comme ça, du côté de la cascade… Même, s’il était de dos, dans la clarté glauque du jour qui se levait, il sentait bien qu’il se passait quelque chose.
Au bas de la cascade, dans les tourbillons et dans les prospectus dont les
couleurs vives commençaient à percer malgré l'obscurité encore présente,
il y avait un corps qui se renversait sans cesse, comme dans une machine à
laver. C’était une femme, a priori. C’était une morte. Il n’en voyait pas plus
Au bas de la cascade, dans les tourbillons et dans les prospectus multicolores qui perçaient la pénombre, il y avait un corps qui se renversait sans cesse, comme dans une machine à laver. C’était une femme, a priori. C’était une morte. Il n’en voyait pas plus.
Mehdi était descendu de camion et regardait à son tour le corps en secousses. Pour essayer de faire une blague il lança au collègue :
-          «  Ben dis donc ! C’est pas de la truite, c’est au moins un silure ! Pas sûr que tu sois pas mis hors-concours. 
La référence aux concours de pêche du comité d’entreprise n’avait pas de quoi détendre le Kevin, qui, de toute façon n’entendait rien.
-          La police ! Faut appeler la police … »

Mehdi vivait ça comme une catastrophe ! Avec tout ça, il n’en avait pas fini avec sa tournée. La fin de la tournée commençait avec l’agitation de la ville. Déjà, les voitures commençaient à klaxonner pour signaler que l’immobilité du camion-poubelle les emmerdait sérieusement. Un joggeur passa, droit devant, ne remarquant quasiment rien, le regard fixé sur son gps et son cardio-fréquence mètre. Une jeune cycliste s’arrêta préférant s’affairer sur un spectacle rare plutôt que de se rendre à son travail. Une dame à chiens s’approcha pour profiter du spectacle en se disant qu’elle avait là  l’occasion de marquer sa journée d’un souvenir inoubliable. Quelques klaxons impatients  brisaient une sorte de consensus. Il suffisait de quelques instants sur place pour se rendre compte qu’il se passait quelque chose de profondément insolite. L’attroupement se fit de plus en plus pressant et l’on regardait avec distance et fascination le mouvement du corps balloté avant que finalement le premier pimpon ne se fasse entendre. C’était quelques secondes avant la sirène de la police.
Entre la découverte du corps et l’intervention policière, il ne s’était pas passé plus d’un quart d’heure. Maintenant, la route allait être coupée et ça serait le bordel à Louviers jusqu’à la moitié de la matinée.  
Le commandant Rossignol arriva très rapidement. Il gueulait un peu. Il demanda aux policiers de relever toutes les identités des badauds avant de leur demander de s’éloigner. Ça leur apprendrait.
-          « Le maire est là  ?
-          Non, non, comme d’habitude ! Il doit être à Paris ou je sais-t’y …
-          Bon, et il y a quelqu’un de la mairie ?
-          Ben oui, il y a l’autre, là …  Libertario Garcia
-           Faites-le venir ! »

Le commandant donna ses directives :

-          « Bon, excusez-moi, nous ferons les présentations plus tard mais il y a trop de monde ici. Il faudrait bloquer la circulation au moins pour la matinée. Faire un arrêté et tout ça. Vous pouvez vous en charger ?
-          Ben, pas vraiment non ?
-          Comment ça ? Vous n’êtes pas de la mairie ?
-          Ben, désolé … J’étais de la mairie. Je ne le suis plus. J’ai été directeur de cabinet de l’ancien maire. C’est fini depuis cinq ans. Mais je vais vous chercher mes anciens collègues. Moi, vous savez, je suis juste candidat contre le maire aux prochaines élections, c’est déjà assez prenant.
-          Tiens, c’est marrant ça ! Bon, alors cherchez-moi un responsable. 
-          Ok »

Aliénor Le Coz rejoignit le commissaire. Elle lui remit sa carte de directrice générale des services tout en l’assurant que tout serait mis en œuvre pour procéder aux premières constations.
Le corps était encore là, tout en bas. Des pompiers tournaient autour, sous les ordres contradictoires des policiers.
-          «  Pour la scène de crime, c’est déjà un peu niqué, non ? 
Le commissaire regardait celle qui venait de lui adresser la parole. Avec son appareil photo en collier, elle devait être journaliste.
-          « Qu’est ce qui vous dit que c’est une scène de crime ? 
-          Ben, je sais pas moi, votre air paniqué, le bordel généralisé, et puis, il y a quand même un mort …
-          Une morte, soyons précis.
-          Ouais, merci du scoop.
-          Pour le reste, pas de panique. On ne sait pas si elle est tombée toute seule, si elle s’est suicidée, alors, pour parler de scène de crime, vous allez quand même un peu vite.
-          Ouais, vous avez raison, chacun son boulot. On saura quand ?
-          Quand je vous le dirai.
-          Ben, d’accord. Merci pour votre obligeance.
 Et elle lui remit sa carte. Florence Tournage, journaliste pigiste à La Dépêche.
-          Tiens, La Dépêche vient jusque là ?
-          Non, La Dépêche d’ici, c’est une petite. Juste l’hebdomadaire historique. Rien à voir avec La Dépêche du Midi. Rien à voir.
Il la laissa repartir. Puis la rappela.
-          Vous faites de la photo, vous aimez ça ?
-          Ben oui, enfin pas plus que ça. Pourquoi ?
-          Ben, votre harnachement, là, c’est que vous aimez la photo, non ?
-          Pourquoi ?
-          Bien, je ne sais pas moi, avec les portables, les appareils photo, comme ça, en bandoulière, c’est pour montrer que vous êtes journaliste, non ? À l’heure des smartphones, il n’y en a pas vraiment besoin, non ?
-          C’est vrai, c’est encombrant, mais c’est un cadeau. Et puis, je ne suis pas douée en photo, mais j’apprends à m’en servir. Pour le reste, c’est vrai que les journalistes n’ont pas d’uniforme. Mais dans la presse locale, on n’a même pas besoin de brassard. Tout le monde se connaît.

                                                 



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