mardi 30 septembre 2014

La réforme territorale enterre-t-elle la démocratie de proximité ?

Tel est le thème du prochain café radical, qui se tiendra JEUDI 2 OCTOBRE A 18 H 30, quelques jours après l'élection sénatoriale
Une première version du redécoupage des régions. Elle a été, depuis revisitée
et le redécoupage lui-même sera de nouveau modifié lors du débat
parlementaire. Le redécoupage des régions n'est cependant qu'un aspect du
projet gouvernemental. que deviendront nos communes, nos départements, nos
intercommunalités, nos élus et le rapport des citoyens avec l'action publique
locale ? C'est tout l'enjeu du débat à venir.
 
Patrice Yung, membre de l'association des communautés de France, ex-président de l'agglomération Seine-Eure, animera le café radical sur ce sujet brûlant, qui sera le premier sujet soumis aux nouveaux sénateurs.
Si l'actualité s'est focalisée sur la création de nouvelles Régions, et en particulier d'une grande région normande, le projet gouvernemental ne s'arrête pas là. C'est tout le vieil équilibre du découpage de la Nation qui est remis en cause, entre Régions, départements, intercommunalités et communes.
Pour l'instant, l'argument majeur du gouvernement est celui de la nécessité d'une meilleure gestion de l'argent public. 
N'est ce pas un peu juste ? 
Cette approche peut-elle avoir pour conséquence de fouler aux pieds la révolution introduite par les lois de décentralisation de 1982, qui ont transformé la vie des collectivités locales en redonnant du pouvoir aux élus. 
En supprimant les départements, qu'en sera-t-il du rapport entre l'élu et la population ? Enfin, quels seront les territoires du futur et quelles seront leurs pertinences ? Faut-il diminuer le nombre des communes ? Renforcer le poids des intercommunalités ? Élire leur président au suffrage universel ? Supprimer les départements ?
Patrice Yung, président de la Case, lors de la visite ministérielle
d'Anne Marie Escoffier. Déjà s'esquissait une réforme en
en profondeur des collectivités. Ci-dessous, la vidéo de son
intervention à l'aube du projet de réforme.
Toutes ces questions seront débattues en présence de Patrice Yung. L'ex-président de la Case suit depuis 2 ans l'évolution des débats au sein de l'assemblée des communautés de France. Une expertise indispensable pour suivre un débat essentiel à l'évolution de la politique de proximité.
Rendez vous jeudi (et non vendredi comme à l'habitude) 2 octobre, 18h30, brasserie : le jardin de Bigards, 39 rue du Quai à Louviers.


 


jeudi 25 septembre 2014

Les partis politiques sont ils encore utiles ? premier café radical au Havre

Organisé par le cercle du Havre, Mickael Baron a animé le premier café
radical à la Caza de Wael. Un débat bon niveau qui en appelle d'autres.
J'ai eu l'honneur de parrainer le premier café radical organisé au Havre. Le thème " les partis politiques sont ils encore utiles ?" sera repris le samedi 18 octobre, lors du forum républicain organisé par le parti radical de gauche.
Je vous livre le texte de mon intervention qui a servi d'ouverture au débat.  
 
Les partis politiques sont-ils encore utiles ?
Il s’agit là d’une question provocatrice. Les partis politiques, quand bien même ils ont de plus en plus tendance à constituer l’exutoire de nos difficultés, font partie de notre vie politique et sociale. Ils sont inscrits dans notre constitution. J’en rappelle l’article 4 :
Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er (La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.) dans les conditions déterminées par la loi.
La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
La question posée de leur utilité, voire de leur existence, n’est donc pas anodin. En un an, deux ouvrages sont parus au sein de la gauche française. Celui de Robert Hue « les partis politiques vont mourir, mais ils ne le savent pas », ainsi que celui de Daniel Cohn-Bendit : pour supprimer les partis politiques ?!
Ils relaient le malaise dont sont victimes les partis politiques, répercussion d’un malaise qui touche la vie politique dans son ensemble. A mon avis on ne peut répondre à la question de l’utilité des partis qu’en reprenant leur histoire.
Elle n’est pas si ancienne. Elle est en tous les cas beaucoup moins ancienne que l’histoire de la politique. Elle correspond précisément à l’organisation d’un système politique républicain et démocratique.
Entre la révolution française de 1789 et la création parti radical en 1901, le premier parti politique en France, il se passe quand même plus de cent ans. Pendant ces cent années, il se passe beaucoup de choses. Citons en vrac la révolution, la terreur, les guerres, les guerres napoléoniennes, la restauration, la naissance de la 3e république, le second empire, bref, une période très agitée sur le plan des idées et de l’action politique à laquelle j’ajouterais un sujet qui me parait fondamental : la naissance de l’idéologie communiste.
De ce point de vue, l’une des premières apparitions du mot parti arrive en 1844 avec le manifeste du parti communiste écrit par Karl Marx. C’est un événement qui va bouleverser la politique même si la conception et du mot communiste et du mot parti vont considérablement évoluer.
Le mot parti  n’a rien à voir avec ce qu’il est devenu actuellement, et en particulier avec la vision la plus achevée qui correspond à celle que le parti communiste a précisément porté au cours des décennies. Le parti est alors une vision, une idée qui portée par le monde en marche. Il n’est pas question d’un parti avec des cellules, des dirigeants, des militants ou d’écurie visant à promouvoir des champions électoraux. Il s’agit juste pour les auteurs du manifestes comprendre et de s’intégrer dans un processus révolutionnaire jugé inéluctable.
Le vrai parti communiste, je veux dire celui qui va marquer la vie politique française pendant 70 ans, n’existera réellement qu’à la suite de la première guerre mondiale en s’inscrivant en rupture avec le parti socialiste au congrès de Tours en 1920, et en adhérant à la 3e internationale créée par les nouveaux détenteurs du pouvoir en Russie.
Pourquoi s’attarder sur l’histoire du parti communiste, aujourd’hui devenu marginal dans la vie politique française, et pourquoi ne pas accorder plus d’importance par exemple au parti radical de gauche ou aux autres structures politiques françaises ?
Pour deux raisons essentielles.
·      La première est que c’est sans doute ce mouvement qui a été le plus loin dans la notion même de parti. Il a même été tellement loin qu’il est mort de ses excès.
·      La seconde est que sans doute, de par cet excès même, de par l’importance qu’il a donné à la politique et à l’espoir que l’on pouvait mettre en elle, il a sans doute une large part dans la désillusion qui marque la vie politique française.
Il ne s’agit pour moi de distinguer les bons et mauvais aspects liés au poids du parti communiste dans notre société. Le modèle n’en est plus un. Il a correspondu à une époque dont il a en même temps modelé et imprégné les motivations. Ce qui est sûr toutefois c’est qu’il a largement contribué à une passion française pour la politique, cette passion qui n’a guère eu d’équivalent qu’en Italie, qui a été le pays d’Europe occidentale ou le parti communiste a été le plus fort.
Je ne pense pas que ce soit un hasard. En donnant à la lutte des classes la clef de l’évolution de la société, il a fait fausse route, mais il a créé dans les quartiers, dans les communes, dans les lieux de travail, un clivage et une adhésion solidaire qui n’a pas d’équivalent. Il a aussi, et j’en ai connu de multiples exemples, ouvert au monde et donné à de nombreux militants une ouverture au monde une soif de savoir, un désir d’apprendre et un dévouement sans équivalent. 
Parallèlement, par son comportement, par son invasion dans le monde politique, par son omniprésence dans la société française, il a créé et un mouvement de critique qu’il n’a pas su assimiler et surtout un rejet profond qui s’est traduit par une déchéance électorale qui n’est en fait que la conséquence d’une inadéquation entre la doctrine communiste et le monde réel.
Alors, voilà ! Les gens sont déçus. Ils sont déçus par la politique et ils sont déçus par les partis politiques. En fait, de mon point de vue, ils sont forcément déçus par eux-mêmes. Quand on s’est illusionné, on a naturellement tendance à rechercher un responsable.
Le corps électoral, la société, a admis qu’on ne pouvait pas changer le monde d’un coup, quelle que soit l’importance de la colère que l’on porte en soi. Ça n’empêche pas d’être en colère quand il faut, mais les scores du parti communiste et de Mélenchon sont la marque de cette désillusion.
En politique aussi, le noir et blanc n’intéresse plus. Le monde est coloré, la zapette nous ouvre un choix démultiplié d’images, reflet de la complexité du monde et l’individu a du mal à s’y faire entendre. Mais peut-on pour autant se passer des partis politiques ?
Je ne le crois pas. J’adhère aux radicaux de gauche depuis près de vingt ans et je milite depuis plus longtemps encore. La politique, l’action publique m’a apporté une qualité de relations, une réflexion, des échanges, une générosité et des vues sur le monde que je ne trouverais nulle part ailleurs. Bon c’est un point de vue personnel, voire égoïste, mais je ne vois rien dans ce qui se passe autour de moi et jusque dans l’éreintement permanent des partis et de l’action politique qui pourraient me faire changer d’avis. Je me réfère à la fameuse phrase de Churchill : « la démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ». C’est la démocratie moderne qui a créé les partis tels qu’on les connaît actuellement. Si l’on veut se passer des partis politiques, il faut se préparer à être gouvernés par des ordinateurs ou par des militaires. Les ordinateurs génèrent les plus graves erreurs de gestion s’ils ne bénéficient pas de la critique des hommes. C’est le cas Kerviel et la panique économique de 2008. Les dictatures militaires génèrent non seulement des abominations en terme rapports humains, mais en plus, elles renforcent précisément les pires défauts des systèmes politiques, telle la corruption par exemple.
Les partis sont des affaires humaines, ils font voisiner ambition et générosité, vision collective et ambitions personnelles, soif de pouvoir et besoin d’empathie, trahison et confiance. Cette dimension n’a rien d’original. On la retrouve dans toute œuvre collective et humaine, dans les associations, les entreprises et même les familles. Mais les partis sont indispensables. Grâce à eux la vie démocratique existe, les problèmes sont mis à jour, et on se confronte à la réalité de l’action publique, bien loin du rêve.
On peut se dire qu’à cause de cela la vie politique est de plus en plus complexe. C’est pas faux. Il était toujours plus simple de s’illusionner. Mais qui peut s’occuper de nous, qui peut s’occuper du sort de la planète, de nos enfants et de nos petits-enfants ? À chaque fois que nous faisons cela, nous faisons de la politique. Et n’est-il pas mieux de le faire à l’intérieur des partis ? De confronter nos désirs et nos contradictions à celles des autres ? Un parti politique n’est rien d’autre au fond. Gramsci, une grande figure politique italienne à qui son engagement a valu des années de prison sous le fascisme, parlait du parti comme d’un intellectuel collectif. Encore faut-il le construire ce collectif. Je finirais en vous racontant une anecdote. A un collègue de travail qui critiquait les syndicats, j’avais demandé s’il était lui-même syndiqué. Il m’avait répondu que non. Je lui ai alors dit qu’il ne pouvait se permettre de critiquer les syndicats. S’ils ont tous ces défauts, c’est précisément à cause de leur faiblesse, du fait qu’ils aient de moins en moins d’adhérents et qu’ils sont de moins en moins représentatifs. Il en est de même pour les partis politiques. Si les partis politiques sont éloignés du peuple, c’est qu’ils n’ont pas assez d’adhérents. Plus ils seront faibles, plus ils seront éloignés de la réalité et plus ils seront critiquables en s’ouvrant à toutes les dérives, type Guérini ou Bygmalion... Qu’on ne compte pas sur moi pour les affaiblir encore en stigmatisant les dérives individuelles, et me mettre à côté d’une presse en difficulté, prête à scier la branche sur laquelle elle est assise en se lançant dans le bashing de la politique et des institutions.
La politique a besoin de critique, elle a besoin de pensées mais la politique ne doit jamais se défausser de l’esprit de responsabilité. C’est ce que nous devons à nos contemporains et aux générations futures.