dimanche 3 juillet 2016

Plus qu'un homme d'Etat

Michel Rocard était plus qu'un homme d'Etat. 
Bien sur, il a été un Premier Ministre remarquable, réussissant à amener une paix durable en Nouvelle Calédonie, alors que ce territoire s'engageait dans une crise sanglante, imposant le principe d'un revenu minimum. Il a fait tout ça et bien plus encore. 
Mais ce qu'il faut retenir de lui, et ce message doit etre transmis aux nouvelles générations, c'est que cet homme qui a tout donné à la politique, était porteur de toute sa génération, voulait de la politique qu'elle change le monde, mais refusait de sortir d'un discours de vérité, refusait la posture, si chère aux démagogues de tout poil et a toujours poursuivi la reflexion, lors meme que celle-ci ne pouvait plus rien lui apporter personnellement. 
Il faut retenir de son engagement, celui qu'il a mené pour l'indépendance de l'Algérie, dans une gauche, et en particulier du coté des socialistes, alors engoncés dans un discours incompatible avec ses pratiques. 
Cette meme capacité à analyser le monde et son évolution, et y inscrire son action, l'a poussé, avec Pierre Mendes France à se mettre aux cotés de la jeunesse qui allait faire sauter les verrous d'une société bloquée en mai 68. 
Rocard aux cotes de Mendes a Charlety en mai 68
Il était porteur de la deuxième gauche, parce que la première était vouée à disparaitre en n'étant plus capable que de se replier sur des acquis sans offrir de perspective. 
Il était porteur de la deuxième gauche, parce qu'il savait que les discours ne devaient jamais s'affranchir du réel ni de la reflexion. 
Il était porteur de la deuxiéme gauche parce qu'il savait que derrière les postures se cachent les pires mensonges et parfois les pires catastrophes. 
Il était porteur de la deuxième gauche parce qu'il savait qu'il fallait inventer, réinventer toujours, pour ne jamais se soumettre au poids des conservatismes ni des puissants. 
Comme il était ce qu'il était, il a fini par intégrer le parti socialiste, pensant avec juste raison que la prise de pouvoir passait par là. Il se trouve que les tenants de la premiére gauche ne lui en ont guère laissé la possibilité. Au moment meme ou Michel Rocard a pris enfin la tete d'un parti socialiste en capilotade, François Mitterrand allié avec Bernard Tapie et les radicaux de gauche ont signé sa mort politique. C'est un  reproche que les radicaux doivent se faire, meme si on ne refait pas l'Histoire. 
Mais ce qu'il y a de remarquable avec Michel Rocard, c'est que, meme mort politiquement, il continuait d'éclairer la vie politique. 
Je ne prendrais pour exemple que la prophétie qu'il avait faite tout en appelant à voter pour le Oui à la constitution européenne en 2005. Il expliquait que, quand bien meme le projet n'etait pas parfait, il fallait éviter tout recul ... parce qu'on était dans une ascension et qu'en matiére d'alpinisme celui-ci aménerait la dégringolade. 
Le brexit semble lui donner tragiquement raison.