vendredi 17 novembre 2017

Panique au Comité Directeur

Il y avait beaucoup d'attente autour du comité directeur du parti radical de gauche. Convoqué pour le 15 novembre, d'une manière on ne peut plus statutaire, il était la première réunion des instances depuis le speed dating de Montpellier[1], où l'on avait fait se rencontrer les deux branches du radicalisme, frères ennemis depuis un demi-siècle, c'est à dire depuis la naissance de l'union de la gauche en 1972. 

Le chaos, le ko et le cahot.


Après le chaos des présidentielles, lorsque tout le monde était K.O., les radicaux ont proposé cet ultime cahot ; réunir les deux familles radicales, séparées depuis 50 ans.
Michel, réveille-toi ! Ils sont devenus flous.
Formidable ! Proposer enfin quelque chose de positif dans un monde politique décomposé. Après tout, les radicaux valoisiens n’étaient pas si méchants. Peu importe leur passé, le fait qu’ils aient soutenu les pires politiques de droite sans sourciller, qu’ils se soient rangé selon le sens du vent du côté des sarkozystes, des chiraquiens, voire des fillonnistes. Après tout, il fallait regarder l’avenir et suivre la mode du « et à droite, et à gauche ».  
C’était là une manière d’acter la victoire de Macron et de se frayer un chemin dans le marais centriste.

Le seul problème c’est que les radicaux de gauche sont de gauche. Ce qui est emmerdant avec les militants, c’est pas tellement qu’ils se trompent, après tout ça arrive à tout le monde, non, le problème c’est qu’ils croient à ce qu’ils disent et à ce qu’ils font. Et tout ceux qui ont pris leur carte au parti radical de gauche, l’ont prise par ce qu’ils étaient à gauche. Parce que, malgré les divergences légitimes qui pouvaient exister, les radicaux de gauche défendaient l’idée d’une gauche de gouvernement avec toutes les déclinaisons locales que cela suppose.
La pilule est effectivement difficile à faire passer et l’on comprend que la direction du prg ait préféré mener discrètement les négociations visant à la fusion des deux branches radicales plutôt que d’en parler aux militants.

Les militants sont à gauche et ... à gauche

Ainsi, alors que le prg ne proposait rien de moins que sa propre mort, a-t-il évité tout déballage et tout débat entre direction et militants.
Le comité directeur réunit les représentants de chaque fédération avec la direction et les élus. Ce 15 novembre était l’occasion unique de se faire entendre avant une fusion prévue début décembre.
La direction avait joué classiquement le coup en laissant les opposants à la fusion s’exprimer avant de passer à autre chose et notamment à un vote où ils seraient marginalisés. Mais les choses ne se sont pas passées exactement comme ça.
La faute tout d’abord aux valoisiens et aux déclarations publiques de leurs dirigeants assurant que dans la future formation la double appartenance serait possible. Cette double appartenance a un sens tout à fait particulier chez les radicaux de droite. Cela veut dire tout bêtement rester à l’Udi tout en adhérant au nouveau parti.
On sait que les valoisiens ne sont pas des enfants de chœur. Il n’empêche qu’affirmer la nécessaire affiliation politique à l’Udi à quelques semaines de la fusion est plus qu’une incorrection vis-à-vis des radicaux de gauche.
A Montpellier, en septembre, lors de discours touchants, les valoisiens disaient souhaiter la fusion pour s’émanciper de l’Udi.
Il y a deux raisons qui peuvent expliquer l’apparent retournement de veste des dirigeants valoisiens, et qui ne sont pas contradictoires. La première c’est que la pression politique entre centristes et valoisiens est si forte que ces derniers doivent rassurer leurs troupes et les intérêts particuliers de leurs représentants. La deuxième est que, devant la faiblesse de la direction du prg[2], les valoisiens peuvent avancer en parfait cynisme et mépris des opposants.
Et justement, à propos de faiblesse, il y a eu lors de ce fameux comité directeur, un épisode pour le moins inattendu avec l’affirmation d’une divergence de taille.
Ainsi, Guillaume Lacroix, premier vice-président, soumettait-il au vote une remise en cause de l’actuelle présidence du parti tout en se défendant de vouloir faire un coup d’état.
... Mort de rire !

Même pas drôle

 Enfin, tout le monde ne rigolait pas. À vrai dire Jean-Michel Baylet, qui avait installé la présidence actuelle pour lui succéder, voyait l’édifice s’ébranler, et Sylvia Pinel sentait le danger. À la tribune, les deux adversaires côte à côte se donnaient du vouvoiement et du Monsieur le vice-président et du Madame la Présidente … Pour dire, on était en toute fraternité radicale !
Il y eut donc un vote qui donna à une courte majorité le maintien de la présidence actuelle, une présidence divisée, affaiblie, qui affronte dans les pires conditions la fusion entre les radicaux.

Alors, alors, on en aurait presque oublié l’essentiel du débat. Les radicaux de gauche, le radicalisme va-t-il mourir ? Va-t-il mourir après une absorption de la gauche par la droite radicale qui après se trouvera elle-même absorbée par l’Udi ?

Du droit de mourir dans la dignité

On peut, on doit craindre le pire, même si la crainte n’évite pas le danger. Il y eut un autre vote lors du comité directeur, qui donna une large majorité à la proposition de fusion qui devra être officialisée …

La fusion signifiera non seulement la fin de l'idéal porté
par les radicaux de gauche, mais la fin du radicalisme
lui-même. Lorsque les valoisiens qui ont fait du radicalisme
un paillasson, défendent le principe de double-appartenance,
c'est à dire de rejoindre l'udi, ils pratiquent déjà la violence
conjugale. La direction du prg ne réclame même plus pour
elle-même le droit de mourir dans la dignité.   
Une large majorité, certes, mais pas une quasi-unanimité, comme Guillaume Lacroix s'est empressé de le dire après avoir loupé son coup. Surtout que rapidement quelqu'un a transformé la quasi-unanimité en unanimité tout court. Bon, soyons sérieux il y a eu 1/4 à plus d'1/3 des participants à voter contre la fusion, ce qui fait une forte minorité. Pourquoi une telle imprécision ? Tout bonnement parce la direction n'a pas voulu compter les opposants. Quel dommage !
On sait aussi, lorsqu’on est sur le terrain, que soit les adhérents rejettent la fusion, soit ils s’en vont … et l’on peut penser que le départ des militants fasse partie du calcul de la présidence actuelle du parti. Quelle misère pour un parti qui a fait du droit de mourir dans la dignité une de ses principales revendications.  
Il n'empêche, le congrès début décembre doit se prononcer pour ou contre la réunification. Or, comme l'ont démontré la présidentielle et tous ses préliminaires, en matière de démocratie, rien n'est joué. En votant contre la fusion, on peut encore sauver le radicalisme. C'est tout l'enjeu !







[1] Les journées d’été du radicalisme ont eu lieu en septembre à Montpellier. Il s’agissait de faire se rencontrer dans une ambiance policée et aimable les deux familles radicales. On a fait ça très vite et très rapidement pour éviter les débats inutiles et, hors des débats qui fâchent, chacun en a gardé un bon souvenir.
[2] Qui, du prg ou des valoisiens a proposé le rabibochage entre les deux formations ? Et si c’était le prg, en état de faillite financière, qui l’avait proposé, se rendant ainsi pieds et poings liés à leurs adversaires d’hier ? On comprend que dans cette situation, qui n’est qu’une hypothèse, on ne se place pas dans la meilleure des situations pour négocier.