mercredi 27 février 2013

Ce que nous devons à Henri Caillavet

La vie est pleine de hasards, la mort aussi. Aujourd'hui, peu après la nouvelle de la mort de Stéphane Hessel, j'ai appris le décès d'Henri Caillavet, autre figure du siècle. Tous deux fauchés en pleine jeunesse, l'un à 93 ans, l'autre à 99 ... ils auront marqué leur époque par leur soif d'agir et une liberté d'esprit que bien des jeunes générations sont encore loin d'atteindre.
La France, la République, notre France républicaine doit beaucoup à Henri Caillavet même si elle ne le sait pas.
Je livre ici ces quelques rappels en forme d'hommage :

  • En juin 46, jeune député, radical et franc maçon, il refuse de liquider le passé de ceux qui après avoir collaboré avec le régime de Pétain, venait quémander l'indulgence 
  • Défenseur de l'Europe dès l'origine, il se lance dans la défense d'une agriculture moderne dans le cadre d'un projet européen. C'est la Pac
  • Rappporteur de la Loi Veil au Sénat
  • Défenseur de la loi par consentement mutuel
  • Inventeur de la loi sur les greffes d'organes, qui porte son nom
  • Promoteur de la dépénalisation de l'homosexualité (c'est lui et ça date de 1982 ... un pas immense rappelé à l'heure du mariage pour tous ... mais c'est la gauche qui a dépénalisé l'homosexualité il y a 30 ans)
  • Défenseur du droit de mourir dans la dignité
  • réforme de l'internement psychiatrique

Voilà un échantillon de ce que nous lui devons et pour reprendre une belle formule de mon ami Gery :

Fier d'être radical

Stéphane Hessel ne nous a pas quitté

For ever yung
J'ai découvert Stéphane Hessel il y a 7, 8 ans à l'occasion d'une bataille perdue, celle pour le traité constitutionnel Européen ... un moment clef et une défaite qui continue de peser lourdement sur notre pays et sur l'Europe.
Il était là, alors que je m'étais associé à un appel de socialistes sentant qu'un vent mauvais était en train de tourner. J'avais remarqué Stéphane Hessel parce qu'il était impossible de ne pas le remarquer. On était une quarantaine, dans une petite salle de l'Assemblée Nationale, Il était dans l'assistance, vaillant, rigolard, et puis, espacé de deux rangées de Bernard Kouchner, il s'était lancé avec lui dans un concours de poésies !
Quelques années plus tard, Stéphane Hessel a lancé son "indignez-vous !" un succès national sur le plan éditorial, mais un succès mondial sur le plan des idées. Formidable qu'un traité d'une trentaine de pages devienne en quelques mois la référence d'un mouvement général de Wall street aux rues de Madrid, en passant par l'Amérique du Sud ...
Mais surtout, à la faveur de son succès, je me suis rendu compte que Stéphane Hessel faisait partie de ma vie depuis toujours. J'ai appris récemment qu'il était le fils d'Helen, héroïne du roman Jules et Jim, racontant les amours de sa maman avec un français et un allemand, une préfiguration de l'Europe ! Hessel était célèbre avant d'être né.
L'Europe, il en savait tout. Né en 1917, il avait subi l'horreur des camps, l'héroïsme de la résistance, et les arcanes de la carrière diplomatique ... mais toujours avec l'engagement chevillé au corps.
C'est cet engagement qu'il a rappelé dans l'ouvrage qui lui a permis d'atteindre à 90 ans une notoriété mondiale. Pas de vie sans engagement ! Pas d'engagement sans capacité d'indignation !
Sa vie est une ode magnifique à la jeunesse. Elle se poursuit bien au delà de son passage parmi nous.

mardi 26 février 2013

Leçon d'italiens ... et des raisons d'espérer.

Dans la cuisine italienne, out ne se mange pas. Dans certains
plats, il faut en laisser au bord de l'assiette.
  
Toutes les conditions sont à présent réunies pour faire de l'Italie, cette grande puissance européenne, un pays ingouvernable. Premièrement, il n'y a pas de majorité claire.
Certes le Parti démocrate, de Pier-Luigi Bersani, qui réunit l'ensemble de la gauche de gouvernement, dispose d'une large majorité à la Chambre. Mais elle n'a obtenu que 0,4 % des voix en plus que Berlusconi, son successeur immédiat. La majorité à la chambre n'est dûe qu'à une loi qui permet à la liste arrivée en tête d'avoir une large majorité., un peu  à la façon des municipales en France.
Pour le Sénat, c'est une autre histoire. Bien que bénéficiant d'un écart supérieur la gauche a obtenu le privilège d'arriver en tête après vérification en nombre de siège mais, on est loin de la majorité absolue. Or le Sénat a un rôle bien plus important en Italie qu'en France. Disons-le, il est impossible de gouverner sans l'accord des deux chambres sur l'essentiel.
On attendait de ces élections que l'Italie se débarrasse de ses vieux démons : berlusconisme, maffia, corruption, reste de fascisme, au lieu de cela, cette élection n'a fait que mettre à jour les attentes  et les contradictions de la société italienne. Les résultats ne satisfont personne !
Rapide état des lieux en partant des situations des diverses personnalités, c'est passionnant :
Saint Mario Monti, l'institutionnel s'est
 présenté aux élections avec un fort  taux
de popularité. En 3mois il s'est balladurisé.
 
Commençons par Mario Monti.
Certes, on ne saurait lui reprocher d'avoir le regard triste après une telle défaite. Mais il faut avouer qu'au faîte de sa gloire, il y a encore 3 mois, il avait la même tête.
Les Italiens l'aimaient (parce qu'ils l'aimaient) parce qu'il était l'anti-Berlusconi. Il 'aimaient parce qu'il tenait un autre discours, le discours de la Raison. Il a fait avaler aux Italiens ce que personne n'avait réussi à leur faire avaler : des hausses d'impôts, de la rigueur. Il a redressé l'économie Italienne, après des années de gestion berlusconienne qui l'avait mise à genoux.
Il a rendu l'honneur à l'Italie et à la droite. appelé au pouvoir par une droite en lambeaux, il a été soutenu par la gauche dans son approche technique de la crise. Il a quitté le pouvoir à l'aube des élections, faisant savoir au plus tard qu'il s'y présenterait. Il a fait peur à tout le monde. Aujourd'hui, il ne fait plus peur à personne. Il a ramené le score du centre à son niveau d'étiage : 10 %. En fait, la leçon à tirer de l'expérience Monti c'est qu'un bon ministre ne fait pas un bon candidat. Une popularité ne fait pas un score électoral, que ce soit en France ou en Italie. La tristesse et la rigueur ne font pas un programme politique.
Poursuivons par l'incroyable Berlusconi. Tout le monde est bluffé par ce type infect, milliardaire libidineux, méprisant, prêt à tout pour retrouver un pouvoir notamment nécessaire pour arranger ses affaires personnelles ... capable de mettre en péril la Justice l'une des institutions les plus respectables de la justice Italienne, pour se préserver ... (Attention, la Justice, en Italie, ce n'est pas rien, l'institution tient tête à la maffia !) Berlusconi qui a démontré qu'il était capable de tout, sauf du meilleur, propriétaire de la majorité des chaînes de télé, capables de choisir les colistières de son parti aux régionales en fonction de leur sex-appeal et de leur participations aux soirées bonga bonga... Un truc dingue, rejeté par les italiens dans les sondages ... mais, voilà, la fascination poru le diable a progressivement opéré et l'énergumène est passé de 10 % en début de campagne à près de 30 %, frôlant la victoire d'un cheveu. En fait, sons core jouait à la balançoire avec celui de Monti. Il est monté quand celui-ci descendait ... et paradoxalement, Berlusconi a réussi à se montrer comme s'opposant à l'institution, tournant en dérision le travail de Monti, qui venait de remettre sur pied l'économie Italienne mise à terre par Berlusconi.

 Grillo,  le vainqueur sans victoire. Il
a réussi un score inespéré en tournant
en dérision les turpitudes de son pays.
Mais ça ne fait pas un programme ! 
Et voilà, nous arrivons à Grillo, l'atypique. Il aime à se comparer à Coluche, certains le comparent à Dieudonné, on pourrait peut-être le comparer à Bigard. Il est sans doute un peu de cela, et en tous les cas, comme toutes les figures comiques il est prodondément ancré dans une culture nationale, au coeur de l'identité italienne. Il a derrière lui des personnalités aussi brillantes que le prix nobel Dario Fo avec de vagues raisonnements issus de l'extrême gauche et du mouvement écologiste ... Il ne faut pas oubliler qu'il doit largement son succès à Berlusconi, qu'il a contribué à ridiculiser à une époque où la gauche en quête de respectabilité n'osait pas l'aborder de front. Il a créé le Vaffanculo-day (la journée va-te-faire-foutre !), dont la dénomination fait penser, c'est vrai, aux enfoirés de Coluche. Et surtout, Giuseppe Grillo a créé ex nihilo des listes de députés complètement neufs qu'il a plongé dans le bain politiques. Parmi 54 sénateurs dont l'attitude sera déterminante, et dont personne ne sait comment il vont se déterminer, devant certes leur siège à Grillo, mais envers qui ils n'ont aucun devoir d'obéissance. Qui plus est, Giuseppe ne sera pas parmi eux, il est inéligible suite à une condamnation.
Giuseppe a donc réussi à cristalliser, profitant de la défiance engendrée par Berlusconi lui-même vis-à-vis des institutions, emporté par le bonheur de la négation absolue, par un besoin d'identité qui trouve écho en France auprès du Front National, au Nord de l'Italie dans le parti de la Ligue du Nord momentanément en perte de vitesse.
Reste le cas de Bersani, celui qui s'était imposé sur un programme mendésien dans une primaire de gauche. Il n'a caché à personne que l'Italie était dans une situation difficile, qu'elle ne pouvait faire sans l'Europe. c'est un discours qui n'a guère  a tout juste permis d'emporter la chambre.
Reste que, les résultats quels qu'ils soient ne cachent pas la réalité. Ce week end, les Italiens n'avaient pas envie de la voir en face. Ils avaient envie d'être des enfants, fascinés par le spectacle puissant d'une contestation absolue. Ils n'empêche, comme disait l'autre, les faits ont la tête dure.
Les résultats des élections vont précisément renforcer les pires aspects de la politique, les tractations, les compromissions, les accords de couloir, parce qu'il va bien falloir que le pays tourne et ne pas jeter les populations à la ruine.
On dit que les Italiens ont voté contre l'Europe. C'est faux ! Ils ont voté contre tout, et en grande partie contre eux-mêmes. C'est dommage, mais il reste que la démocratie est toujours là ... et que tôt ou tard, lesItaliens devront eux-mêmes trouver les solutions.








 


Italie, résultats définitifs ... un cauchemar ?

Bersani, probable futur premier ministre italien, face à
une situation impossible
Dernières modifications en date de ce jour 26 février à midi
La gauche est majoritaire à la chambre et est en tête au Sénat ... mais que les résultats sont serrés !

  • Parti démocratique Bersani : 29,5 % 340 sièges
  • P d l Berlusconi : 29,1 % 124 sièges
  • Mouvement ***** 25,5 % 104 sièges
  • Mouvement de Mario Monti : 10,5 % , 45 sièges


Bizarrement, pour les élections sénatoriales, la gauche est plus nettement en tête mais arrive en 2e position en terme de sièges :


  • Bersani : 31,6 % : 120 sièges
  • Berlusconi : 30,7% : 117 sièges
  • Grillo : 23,8 % : 54 sièges
  • Monti : 9,1 % : 18 sièges


Où l'on voit qu'il n'y a pas de majorité au Sénat, et que les alliances pour impossibles qu'elles soient sont indispensables ....
La question essentielle, à mon avis : que va faire Grillo, le comique enthousiaste qui est tout sauf un chef de parti. Va-t-il favoriser la gauche institutionnelle qu'il a tant tourné en dérision, ou faire alliance avec la droite de Berlusconi, contre qui Grillo s'est forgé en créant le vaffanculo day (la journée va te faire foutre !)
Ou va-t-il rester dans une situation de critique absolue mettant sous pression la majorité du Sénat, au risque de voir progressivement se déliter ses troupes... et qui sont ses troupes, fraîches et récentes ?
Ci-après, le lien avec la Repubblica 

Pour ma part, bien que passionné par ce qui va se faire pour se sortir dans une crise où elles'est elle-même plongée, je veux justemetn revenir sur ce qui s'est passé ce week-end. On a toujrous tendance en politique à oublier très vite les comportemetns de l'électorat ... et pourtant, c'est là la matière essentielle quand on a le bonheur de vivre en démocratie.
Pourvu que ça dure !

lundi 25 février 2013

Anarchie en Italie ...

Dernières nouvelles pour le Sénat en nombre de sièges, projection à presque minuit : 
Berlusconi : 114
Bersani : 113
Grillo : 58
Monti : 13
En gros, Grillo a le pouvoir ... soit il se tire des flutes, soit il soutient Bersani, soit il soutient Berlusconi et à quel prix pour l'un ou pour l'autre .... et à quel prix pour l'Italie ?


 et à minuit pour la chambre. en attendant, voici l'annonce à la une de
 ....
derniers chiffres sur la chambre, repris sur  la Repubblica à 23 heures 45 :

Bersani  : 29,6 %.
Berlusconi : 29 %,
Grillo  : 25,5 %,
Monti :10,6 %.

Il reste encore 2.520 bureaux à dépouiller sur 61.446 ! Les sondages accordent la victoire à la Chambre pour Bersani ... mais il vaut mieux être prudent ... 
Qui peut dire vers où va l'Italie ? J'en reparlerai très bientôt

Ci dessous, mes propos de 17 heures ...

Les sondages sorties des urnes s'avèrent faux, il en est finalement des voix de Giuseppe Grillo, comme de celles du Front National en France... c'est un vote honteux et le dépouillement laisse apparaître un score bien supérieur pour celui qui aime à se faire appeler le Coluche italien et qui pourtant n'a pas grand chose à voir avec lui.
On s'achemine vers le vote le plus inquiétant dans l'Europe démocratique de l'après guerre...
Le comique fait un carton ! Il aurait plus de 25 % des voix et du coup place en tête le parti de Berlusconi ... Nous voilà vers une Italie ingouvernable !
Un cauchemar pour l'Italie, pour l'Europe et pour tout le monde ...


Italie, premiers chiffres ... et comment les interpréter

L'Italie Juste, où la politique dit la vérité. On croirait du Mendès, mais
c'est le programme de la gauche italienne, menée par Pier Luigi Bersani,
probable futur chef du gouvernement
Avec les précautions d'usage : les premiers chiffres, sortie des urnes (c'est à dire on interroge les gens, mais les bulletins sont tous en cours de dépouillement). Les résultats définitifs sont à venir et on a déjà eu bien des surprises en ce domaine.
Pour suivre en direct, cliquer sur le lien avec La Repubblica.

Mais enfin, ça a l'air plutôt bon... je corrigerai moimême au fur et à mesure des résultats.




Déclaration de Bersani à 15h30 : les résultats sont clairs ... On a tourné la page de l'ère de la droite.

Sortie des urnes à 15 heures

Chambre :
PD (gauche) : 34,5 %
PDL (droite berlusconienne) : 29
5 étoiles (Grillo) : 19 %
Sc civica ( Monti) 9, 5
Extrême gauche : 3,5 %

Sénat :
PD : 37
Pdl : 31
5 étoiles : 16,5 %
Monti : 9
Ext gauche : 3

Premières constatations :
la gauche est en tête, nettement, et la montée Berlusconienne, sensible dans les derniers sondages s'est tassée !
OUF ...

maintenant, disons que les partis de gouvernement, la gauche de Bersani et le centre de Monti vont probablement faire alliance, sous la pression des populistes de gauche (Grillo et Ingroia) et de droite (Berlusconi et les léghistes du Nord).
On devrait avoir échappé au pire.
Même si l'Italie reste dans une situation difficile, elle tient debout et l'Europe avec elle.
Bien sur tout cela est à confirmer dans les heures qui viennent : résultats et commentaires.

Italie, quelques informations supplémentaires

Quel sera le nouveau visage de l'Italie ? (photo reprise du blog
photo des lecteurs de Libération)

Affluence en forte baisse ! ...
-7, 38 %

En attendant le résultat des urnes cet après midi, quelques informations pour tenter du juguler l'impatience ...

50 millions d'électeurs appelés aux urnes.
Hier soir à 22 heures 55,18 % d'entre eux s'étaient déplacés (contre 62,55 % il y a 5 ans).
Dans certaines zones (Lombardie, Latium, et Sicile perte de 8 à 10 points (la Sicile est une terre où le movuement de Beppe Grillo avait fait une poussée dans une élection partielle, et où ils sont à la gestion).
Parmi les causes invoquées pour cette désaffection : le mauvais temps (terrible c'est vrai dans le sud de l'Italie)
Croissance de 10 % du nombre des électeurs pour les gouverneurs de Lombardie et du Latium ...  baisse dans le Molise ...
Telles sont les données transmises sur le site de la Repubblica !
On comprend mal que le mauvais temps soit la cause de tout quand il amène une basse très forte du nombre d'électeurs pour les parlementaires (Sénat et Assemblée nationale) en Lombardie et Latium et une montée du nombre d'électeur pour les gouveneurs...
Cherchez l'erreur ... on comprendra peut-être mieux dans l'après-midi ...
A suivre !

dimanche 24 février 2013

Où va l'Italie, où va l'Europe ?

Berlusconi, ou comment s'en débarrasser !
Il rigole et  l'Italie pleure. C'était déjà le slogan  en 2008 ... 
Curieux comme en Italie, les comiques font trembler. 
Je ne parle pas seulement de Beppe Grillo, qui prend plaisir à se comparer à Coluche, mais aussi de Silvio Berlusconi, le vieillard libidineux, qui colmate ses vacuités politiques à coups de blagues à deux euros.
L'Italie tremble et l'Europe retient son souffle.
Demain, sans doute, nous en saurons un peu plus sur l'avenir de l'Italie, mais nous ne serons peut-être pas fixé entre cauchemar, incertitude prolongée et le soulagement ...
Le cauchemar absolu, ce serait le retour de Berlusconi.Ce serait un peu comme dans le film  alien, ce monstre embarqué dont on espère s'être débarrassé définitivement et qui revient de nulle part. Avec Berlusconi, l'homme qui a plombé l'Italie au point que l'on a dû s'en débarrasser, le pays risque de connaître bien au delà d'un retour en arrière. Au delà de l'attitude répugnante de l'individu, se profile une immense incertitude qui serait déjà bien inquiétante dans une situation stabilisée, mais l'Italie dont j'ai déjà beaucoup parlé n'a pour l'instant réussi à résister aux mafias et aux faiblesses du pouvoir politique sous Berlusconi que grâce à ses institutions et notamment à ses juges, ennemis jurés de l'ancien chef du gouvernement. Pour l'instant, Berlusconi est mal placé dans les sondages, à quelques points de Bersani, le candidat du centre gauche, auquel toute la gauche ou presque s'est ralliée. Mais Berlusconi est parti d'un retard terrible qu'il semblait pouvoir être en mesure de combler. Catastrophe !  

Beppe Grillo, inventeur du Vaffanculo
day ... de moins en moins drôle
Hélas, si le pire n'est jamais sûr,  le moins pire ne serait pas complètement rassurant. 
C'est qu'en embuscade, derrière les deux premiers candidats, arrive Beppe Grillo, créateur du mouvement des 5 étoiles. Grillo a fait rigoler l'Italie pendant plusieurs années, éclaboussant de ses critiques acerbes, la droite berlusconienne et la gauche qu'il trouvait trop timide. Effectivement, le pays a été heureuse de rire à ses saillies, mais beaucoup se mettent à rire de plus en plus jaune. L'apôtre de la dérision a pris la ville de Parme lors des dernières municipales. Certes le maire s'éloigne de Beppe Grillo ..., comme de nombreux cadres du parti, mais notre comique national s'en fout. Il est dans la dérision, et ... ça marche ! Les foules se déplacent à ses spectacles transformés en meetings électoraux. Beppe Grillo est en mesure de faire les rois, et d'empêcher la stabilité du pouvoir à venir. Il prône la fin des institutions, la sortie de l'Europe et de l'Euro, façon Berlusconi et Front National ... et personne ne sait quelle va être son attitude à la suite des résultats, quels que soient les résultats !
Reste Mario Monti, l'anti-Grillo, triste sire, sérieux comme un pape, qui a appliqué à l'Italie, les recettes de la banque centrale européenne avec rigueur. L'Europe et même l'Italie a encensé son travail à la tête de l'Italie, dont il a pris la tête à la suite d'un consensus national à la recherche d'un technicien de génie. 
Partant de ce constat, Mario Monti, après avoir remis l'Italie sur pieds, a considéré qu'il pouvait démissionner. Il l'a fait, et, dans la foulée, poussé par le centre-droit, il s'est présenté aux élections et s'est révélé un très mauvais candidat. 
Reste Bersani, que je ne connais pas, mais au vu de ce que j'ai pu lire, a la réputation d'un politique sérieux et triste, porteur de la gauche de responsabilité...
Alors, que va devenir l'Italie, pays fondateur de l'Europe, l'une de ses puissances financières et industrielles majeures ? Nous en saurons plus demain après-midi, à l'heure des premiers sondages sortie des urnes. L'Italie a peur, l'Europe tremble. En cas de catastrophe, la France ne pourra en sortir indemne.



jeudi 21 février 2013

Cohn Bendit : fin de parti ?

Cohn Bendit a beau annoncer sa retraite
de la vie politique, il sait aussi ce qu'il
lui doit  ! l'important n'est pas tant dans
 le titre que dans la ponctuation qui suit.
Cohn-Bendit,  notre enfant gâté de la politique, vient enrichir les rayons des libraires de son dernier brûlot : Pour supprimer les partis politiques !? 
Malgré tout l'admiration que j'ai pour le personnage, je ne suis pas prêt de rendre ma carte du parti radical de gauche.
Nous pouvons faire avec Daniel Cohn-Bendit, la liste de tous les défauts des partis politiques. Il privilégie l'action face à la réflexion, ils sont d'abord groupes de pression avant d'être porteurs d'un projet. Ils privilégient les ambitions personnelles quand il faudrait définir un projet collectif...

Pas faut que tout cela ! Après tout, les partis politiques sont les enfants de la démocratie, et la démocratie est bien, pour reprendre la formule de Churchill : le pire des systèmes à l'exception de tous les autres.
La vie politique, celle qui frustre notre ami Cohn-Bendit, est régie par les partis... quand les choses se passent pour le mieux.

Jeune à jamais, Cohn-Bendit est toujours
resté  l'anarchiste utile de la République
et de l'Europe. Depuis qu'il s'est mis à agir
politiquement, tout lui a toujours réussi.

Lorsqu'elles ne sont pas régies par les partis, la vie politique est régie par les administrations, par des gens qui ne demandent rien à personne, ou par des militaires. Bien sur, il y a beaucoup d'ambitions personnelles dans les partis, comme partout d'ailleurs.
Au risque de surprendre, je puis affirmer que les partis parlent un indispensable langage de vérité vis à vis du pouvoir que l'on ne retrouve ni dans les lobbies, ni dans les associations, ni dans aucun groupe de pression. Si les partis structurés ne s'occupent pas de politique, qui s'en occupe alors ? Le pire est à craindre .... d'autant que les luttes de pouvoir se manifestent dans toutes les organisations humaines, au moins au sein des partis, existent-il des règles.  

une erreur manifeste

Édition originale du Manifeste du
parti communiste. Il s'est aussi
appelé manifeste communiste, mais
qu'importe ! Le terme de parti n'a pas
le sens qu'on lui donne aujourd'hui. 
Je voudrais revenir sur la notion de parti. Il nous semble évident, en ce 21e siècle, à l'aune de notre expérience de la vie démocratique que les partis ont existé de tout temps. C'est bien sur une erreur. Nous avons fêté en 2001 le centenaire du plus vieux parti politique de France, le parti radical, dont est issu le parti radical de gauche. Il est né avec la loi sur les associations de 1901, qui ont institué la République moderne. Ce n'est après tout pas si vieux.
Lorsque les sans-culottes se battent pour la République et contre les tyrans, il y a des clubs, des associations, mais pas de parti, ou alors la notion de parti a un tout autre sens;
Je citerai pour exemple l'un des ouvrages qui a marqué l'Histoire de la vie politique mondiale : le manifeste du parti communiste. Voilà un titre qui sonne carré ! ... surtout à la lumière de ce qu'est devenu le communisme, et même l'histoire des partis communistes ...
sauf qu'à l'époque le communisme n'existe pas, et le parti au sens moderne du terme existe encore moins.
Il faut comprendre le parti au sens de parti pris, ou collectif humain. jamais dans le sens d'un parti avec un président, des vice-présidents, structure qui ne naîtra que quelques décennies plus tard. Il ne s'agit en tous les cas pas de jeter les bases d'un parti léniniste, outil de conquête du pouvoir, qui  est complètement absente.
L'ouvrage a d'ailleurs fait l'objet d'un complet contresens auprès des générations de militants communistes. Cela pourrait n'apparaître à présent que comme un détail touchant...
 

Pour un parti moderne

... mais, il y a quelque chose, je pense, qui reste de cette notion de parti-là.
Ce parti porteur de message, porteur d'espoir. Ce parti qui doit aussi d'ailleurs trouver son prolongement dans des partis au sens d'associations structurées pour peser sur les décisions publiques, un parti pouvant prendre le pouvoir.
Je ne puis m'empêcher précisément de penser que Daniel Cohn-Bendit a été et reste encore le parti de sa génération, celle qui, au delà des exigences républicaines absolues de liberté, d'égalité et de fraternité, travaillait à l'épanouissement de l'individu dans le respect de son environnement, au rejet des pudibonderies dans un projet universel.
Ce parti, c'est vrai, a été porté par les Verts, mais il est actuellement porté par les radicaux. Peu importe le nombre, toujours insuffisant, forcément de membres encartés. 
Le parti radical de gauche a montré qu'il était déterminant dans les grands choix de la gauche. Les derniers exemples sont flagrants : défense du fédéralisme européen, primaires à gauche, mariage homosexuel, politique menée par Christiane Taubira au ministère de la justice et demain : droite de vote des étrangers aux élections locales, légalisation du cannabis ...
C'est qu'effectivement, là où Daniel Cohn Bendit à raison, les partis doivent  être autre chose qu'un agrégat d'ambitions personnelles ou pire un syndicat de défense des prébendes.
Notre parti, c'est le projet Républicain.
 
 
 
 







mardi 19 février 2013

la fin du canton ?

Fin du canton, rassurons-nous, ce n'est pas la fin du cantonnier !
Le projet de loi soumis cet après midi à l'Assemblée nationale sur l'élection des conseillers départementaux met fin au principe des conseillers territoriaux qui devaient représenter Département et Région. Il enterre aussi la notion de canton bien que défendant une logique de circonscription électorale départementale.


De quoi s'agit-il ?

Nicolas Sarkozy, notre ancien chef d'Etat, avait voulu s'attaquer aux départements en instituant les "conseillers territoriaux". Il voulait ainsi s'attaquer à ce qu'on nomme le mille-feuille administratif de la société française, si typique de notre Histoire. Disons que la révolution française a institué l'Etat, le département et la commune, système génial, d'ailleurs hérité de l'organisation éclésiastique et de l'empire romain... mais je ne vais pas non plus remonter à l'antiquité.
Le canton, poursuivait la logique départementale, permettant un maillage plus fin de l'intervention de l'Etat. Dans cette logique, chaque canton une commune de référence : le chef lieu de canton.
Ainsi, rien ne pouvait échapper à l'Etat dans ce territoire parfaitement maillé.
Ce système, à l'image d'un Etat hyper centralisé, a fini par évoluer. Le maillage administratif a laissé progressivement la place à un fonctionnement en réseaux. La France s'est urbanisée et le besoin de démocratie a amené la décentralisation et avec elle la transformation des régions, départements et communes en collectivités territoriales.
Ce premier pas vers la modernité et la démocratie est bien insuffisant à présent.


Louviers est une commune culturellement attachée au canton,
mais ce n'est pas la seule.
Nicolas Sarkozy avait eu l'intention de mettre à mort les départements.  Il a voulu limiter leurs compétences, et faire en sorte que les élus du département soient aussi des élus régionaux. C'était la naissance du conseiller territorial.
On sait aujourd'hui ce qu'il en est advenu. Les élus locaux ont mal pris la chose. Le Sénat est passé à gauche pour la première fois de son histoire. C'était avant que la gauche gagne les élections présidentielles. L'un des premiers actes de la gauche a été de mettre fin à ce système hybride qui avait pour principal défaut de fabriquer des assemblées régionales boursoufflées.
Et donc, nous voilà revenu avec un drôle de système inventé par on ne sait qui et annoncée par Françosi Hollande dans son discours de Dijon.
Il s'agit donc d'une invention franco-française, un système hybride dont j'ai été très long à concevoir toute la finesse. En gros,, on prend deux cantons pour n'en faire qu'un seul ... mais il n'est pas sur qu'il conserve le nom de canton ... ne serait-ce que parce qu'avec la circonscription nouvelle disparait la notion de chef lieu de canton. Mais l'originalité du système est de proposer au vote l'élection d'un couple d'élu, une femme et un homme afin de s'assurer de la parité de la représentation.
Les avantages sont les suivants :
  • on assure la parité
  • on reste sur une logique de liste (même réduite)
  • on maintient l'ancrage local
Le problème est qu'il est difficile d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Les électeurs vont voter pour un couple : un homme, une femme, élus sur une même liste. Rien ne dit  que ce couple puisse s'entrendre, même s'ils sont de bords sensiblement proches (ça, c'est le meilleur des cas, le couple sera souvent le fruit d'alliance politique d'autant qu'on aura pour chacun un suppléant de l'autre sexe, on aura donc une vraie petite liste  (par exemple à gauche, entre radicaux, communistes, socialistes, verts et personnalités locales, et on risque d'avoir la même configuration à droite) entre droite dure, molle, centristes etc... ).
Pour parler clair, le système est hybride non seulement en ce qu'il est sexuellement paritaire, mais aussi en ce qu'il est censé marier ancrage local et scrutin de liste. Le problème est précisément celui-là : qui sera légitime pour représenter le territoire nouveau, le territoire redessiné ?
Car le territoire sera redessiné. C'est légitime d'ailleurs. Les territoires évoluent et avec eux les enjeux, les populations qui arrivent ou qui délaissent tel ou tel secteur. Il faut bien revoir ça de temps en temps. Les territoires ont aussi beaucoup évolué du fait de l'intercommunalité qui a relié des communes anciennement rurales à des villes-centre, comme c'est le cas dans la communauté d'agglomération Seine-Eure. Bref, il faut redefinir les territoires et les découpages électoraux ... et l'on ne connaît pas d'exemple où quiconque se soit livré à cet exercice sans se faire accuser de charcutage électoral.
Là n'est pas le plus grave ! 
Le plus grave est que nous avions un choix à faire. Ce choix avait été timidement avancé par Sarkozy. Or, sur ce point, le gouvernement recule timidement poursuivant la logique de bricolage permettant de composer avec une organisation obsolète du territoire. Ainsi nous conservons nos 36.000 communes, elle-même reliées (toutes ou quasi) à une structure intercommunale (dont le mode de représentation ne change pas), un département, une région (mal découpée ... à l'exemple de la Normandie) et un Etat mal calibré qui n'a toujours pas pris la mesure des pouvoirs locaux, alors que lui-même en a de moins en moins.
Le pouvoir local doit être modernisé, s'adapter à l'Europe, vivifier la démocratie locale, ce sont là des impératifs en passe d'être manqués ...
Dommage !
  






 
Le candidat Hollande avait déclaré dans son discours de Dijon qu'il souhaitait mettre fin aux conseillers territoriaux instaurés par Nicolas Sarkozy.

mercredi 13 février 2013

pour une internationale laïque

L'assassinat de Choukri Belaid donne toute son actualité au
combat pour la laïcité. Des deux côtés de la Méditerranée,
le besoin de liberté est indispensable à la construction d'une
république moderne.   
La laïcité n'est plus ce qu'elle était. Elle apparaissait comme le débat d'arrière-garde d'une bande d'anti-calotins obsessionnels, s'attaquant à une église qui s'était mise hors jeu de la société. Maintenant, pour diverses raisons, on se rend compte que rien n'est plus actuel, rien n'est plus universel que le combat pour la liberté de culte, pour la séparation entre les églises et les Etats. Comme Pierre Mendès-France a fondé le principe d'une République moderne il y a une cinquantaine d'années, il faut asseoir les bases d'une laïcité moderne. Il s'agit d'une mission radicale par excellence.
La séparation, un sacré moment de
notre Histoire. Les jalons posés tiennent
toujours en place, en dépit du choc
provoqué à l'époque. La modernisation
de la laïcité,  un chantier radical

Il faut redéfinir la laïcité.

Bien sur, depuis quelques années,  l'actualité nous donne chaque jour des images glaçantes de l'intégrisme religieux, qu'il s'agisse des abrutis de Civitas, ou des sordides islamistes qui se soulagent de leurs frustrations en faisant endurer aux plus faibles les conséquences de leurs lubies qu'ils transforment en loi divine.
Nous avons eu le foulard en 90, la burqa, les manifestations contre les spectacles jugés irrespectueux pour la religion. Tout cela est bien-sûr inacceptable et le droit au blasphème est intrinsèquement lié à la liberté de penser, à notre histoire et à notre culture.
Libération de ce jour (qui suit l'annonce de la démission du Pape Benoît XVI) réclamait la démission de Dieu en affirmant "ses troupes et ses prêtres ne cessent de diminuer, pourtant l'Église catholique, comme l'islam, cherche de plus en plus à peser sur le débat public et imposer des idées réactionnaires.
La burqa est une insulte. Une insulte aux
institutions, à la condition de la femme, à
la République, il s'agit toutefois d'une
provocation marginale. Le vrai combat
pour la laïcité se passe ailleurs. 
Pour insupportable que cela soit, cela n'est pas vital. Bien sûr, les concessions faites sous la pression des groupes confessionnels ou d'individus mal emmanchés concernant la présence de porc dans les aliments, les tenues vestimentaires etc. sont autant de sujets de frictions. Elles sont d'autant plus énervantes lorsqu'elles sont relayées par des groupes d'extrême droite, s'insurgeant au nom d'une laïcité qu'ils combattu jadis.
Mais voilà, lorsque la laïcité est défendue par l'extrême droite, c'est bien la preuve que ce combat-là est gagné. On a pu voir aussi que la mobilisation de l'église contre le mariage homosexuel n'a pas fait bouger l'état de l'opinion française sur le sujet, si ce n'est en sens inverse. La mobilisation religieuse a provoqué en retour l'affirmation dans la société française du refus de se retrouver soumis à une influence de type religieuse.
Burqa, mariage homosexuel, porc dans les cantines, viande hallal, provocations de Charlie hebdo, tous ces débats sont intéressant parce qu'ils nous permettent de mesurer le niveau de notre République laïque, prise entre l'affirmation des valeurs de liberté, d'indépendance vis à vis des religions, et de la tolérance, y compris vis à vis des intolérants. C'est un sujet sur lequel, personnellement, je choisis de me prononcer au coup par coup, en fonction de mes principes et de l'analyse des évolutions sociétales qui imposent à mon sens la nécessité d'une modernisation des principes de la laïcité.
café radical sur le port de la burqa. Beaucoup de monde, un
débat passionné, un très beau souvenir 
La laïcité du début du 20e siècle met fin à des siècles d'emprise d'une religion sur le pouvoir. La laïcité s'impose après les combats menés par les révolutionnaires de 1789 contre la religion catholique toute puissante. Et la laïcité s'impose tellement qu'elle fera partie des attributs de l'État Français dans sa toute puissance politique et militaire.
Tout ceci a heureusement été remis en cause par ce qu'on a appelé le printemps arabe et qui est une complète remise en cause de l'organisation du monde.



La réponse militaire ne peut pas être satisfaisante. Le soutien
international aux laïques doit d'abord être politique. La laïcité
doit être portée par la société civile, et être la condition du
soutien international
Le printemps arabe est plus que le révélateur de notre propre histoire, il en est la continuation.  Souvenons-nous des propos abominables de Michèle Alliot-Marie proclamant à l'assemblée nationale que la France allait envoyer des CRS à Ben Ali pour montrer comment mâter une rébellion sans faire trop de morts. Il y avait dans ces propos toute la suffisance de l'ancienne puissance coloniale. Quoi d'étonnant alors qu'apparaisse un désir d'identité, s'appuyant notamment sur les pratiques religieuses. Sauf que le printemps arabe n'était pas que cela. Il était le la fenêtre ouverte d'une société étouffée, qui ne supportait plus la langue de bois de la dictature de Ben Ali, lui-même dans la soumission à la France et aux puissances occidentales, sans que cela n'apporte rien d'autre que la pérennité du désespoir. 
hier, aujourd'hui, demain, la laïcité
Or, la Tunisie n'a été que le théâtre des prémices de ce qui est en train de bouleverser le sud méditerranéen et africain.  Jouant sur l'hostilité envers l'ancienne puissance coloniale, l'islamisme se développe militairement, et pèse de tout son poids idéologique. A ce titre, si l'intervention militaire se révèle parfaitement justifiée, en ce qu'elle assiste notamment une population en danger, elle en saurait constituer une réponse. Et la réponse, elle était clamée par les Maliens libérés après des mois de cauchemars sous la tutelle des intégristes : nous voulons la laïcité. 
Le présent, l'avenir, c'est la laïcité. En sortant des tutelles dictatoriales, néo-coloniales, la question de la laïcité vient inéluctablement sur le devant de la scène politique. La laïcité   est le contraire de la poursuite de la domination idéologique de l'occident, elle est le moyen de la modernisation et de l'autonomie des nations. Les républicains doivent tenir toute leur place dans ce combat. Nous sommes attendus. Nous n'avons pas le droit de décevoir les populations en quête d'émancipation, face aux dangers réels qui les guette. 
En France, en Tunisie, en Turquie, sur le pourtour méditerranéen, mais aussi en Pologne où le poids de l'église pèse sur toute la société, la laïcité c'est le présent et l'avenir. Les radicaux doivent être au coeur de ce combat.
Ci-après, le discours de Moncef Marzouki, le jour même de l'assassinat de Choukri Belaid devant le parlement européen, plein de raison et d'émotion. L'avenir de la Tunisie comme des peuples africains et arabes est dans la démocratie. Vous pouvez y avoir accès en cliquant .








jeudi 7 février 2013

Le vert dans le fruit ?

2013 est décidément une année à surprise ! Voilà que c'est au tour des verts de faire une crise d'identité.
Dans la Dêpeche on apprend que les Verts se sont rencontrés dans la salle Pierre Mendès France et ont décidé de mener une liste autonome aux municipales à Louviers. Voilà qu'ils décident que Franck Martin ne mène pas une politique assez écologiste après des années de collaboration. le plus étrange d'ailleurs étant que certains des candidats se sont rencontrés pendant le défi "familles à énergie positive", initiative précisément lancée par la Case présidée par Franck Martin.
S'il ne s'agissait que d'un aspect marginal et gadgétisé de la politique de Franck Martin !... Mais il suffit d'aller sur le site de la Case pour voir que l'écologie est au coeur de toutes les pratiques politiques impulsées sous la présidence de Franck Martin. La Case vient de recevoir  à Grenoble le label Cit'énergie, conséquence d'un effort constant, validé par des services organisés notamment autour d'un service de politiques publiques durables. Il suffit d'aller sur l'onglet "respecter l'environnement" pour mesurer tout ce que la Case fait en matière de tri sélectif, respect et entretien des milieux naturels, traitement de l'eau et assainissement, et jusqu'au politique sur le climat et l'énergie qui sont parmi les plus innovantes nationalement et que je me garderais de décrire par peur de lasser l'auditoire.
Alors quoi ? Franck Martin n'est pas encarté chez les Verts ? C'est vrai ! Il ne partage pas toutes leurs idées ? C'est encore vrai ! Il dit quand il n'est pas d'accord, c'est toujours vrai, mais il le fait avec tout le monde et c'est pour ça qu'il est respecté.
Signalons au passage que ses divergences avec les Verts ne l'ont jamais empêché de leur laisser présider et agir diversement au sein commissions ...  jusqu'à la présidence du Scot laissée à Jérôme Bourlet de la Vallée,   personnalité régionale pourtant rejetée par son maire dans la commune de Saint Pierre du Vauvray ?

Quel intérêt alors de partir seul, de faire une liste de Verts solitaire  ?
Les Verts s'opposent au nucléaire ? Bien ! Franck Martin ne les suit pas sur ce point. Il y a des divergences aussi sur l'opportunité de construction de l'aéroport de Notre Dame des Landes  ! Plus sérieusement et plus proches de nous, c'est vrai qu'il y a des divergences sur les grands projets d'Etat, liaison A28/A13 et ligne de chemin de fer entre Louviers et Evreux. Mais ce sont là des choses qui nous dépassent, des projets dont l'avenir ne dépend pas du territoire, et jamais Franck Martin n'a interdit quiconque d'exprimer ses divergences ... A vrai dire, ça ne lui viendrait même pas à l'idée !
Alors pourquoi ? Pourquoi présenter une liste. Les Verts, ils le savent ne peuvent gagner seuls ! Quel intérêt de se compter à Louviers, où ils risquent de faire moins de 10 %, surtout s'il y a une liste d'extrême gauche, une liste socialiste, une liste centriste, une liste ump et une liste front national opposé à la liste de la municipalité sortante dont ils ont fait partie pendant 18 ans ! Il ne faut pas oublier qu'au total, quelque soit le bout par le quel on la prend, la totalité des voix devra faire 20 %. Si les Verts font plus de 5 %, ce sera un exploit ! Ils se feront rembourser leur campagne ! ... mais ils auront perdu toute possibilité de se maintenir et d'avoir des élus capables d'agir ... sans compter le fait qu'ils priveront la municipalité et les lovériens de leur savoir faire. N'oublions pas non plus que s'ils n'ont plus d'élus à Louviers, ils n'en auront pas non plus à la Case.
Voilà un comportement bien incompréhensible à première vue, mais je n'ai peut-être pas tout compris, d'autant que d'autres alliances sont possibles sur le reste du territoire.

mercredi 6 février 2013

Christiane Taubira, plus grand ministre de la Justice depuis Badinter ?

Le choix de Christiane
J'aime Christiane Taubira depuis le premier jour. C'était en 2002, elle était parfaitement inconnue du monde politique et sa candidature avait fini par s'imposer à la suite d'une série de hasard et d'hésitations. J'avais décidé de déployer toute mon énergie à défendre la candidature de la première femme de couleur à la présidence de la République.
La candidature radicale avait fini par s'imposer à la suite d'une erreur stratégique de Lionel Jospin. Celui-ci, souhaitant garder un réservoir de voix important pour le deuxième tour, avait laissé s'imposer une candidature verte (Noël Mamère), une candidature communiste (Robert Hue) et la candidature de Chevènement. Il ne restait pas d'autre choix pour les radicaux que de présenter leur propre candidat.
Ce fut une candidate. Elle était députée, elle était connue des parlementaires, mais à part ça, personne ne la connaissait.Elle avait été députée européenne, élue sur une liste radicale, mais n'avait pas sa carte. Le choix Christiane avait fini par s'imposer à la suite de nombreuses hésitations. Je me souviens encore de l'article de Thierry Jeantet paru dans "Le Monde" à quelques jours du dépôt officiel des 500 signatures : il faut sauver le soldat Taubira et mon ami Gery Brasseur, me rappelait la semaine dernière le dépôt de ces 500 signatures au Conseil Constitutionnel, sous les crachats et les insultes des militants mégrétistes venant déposer les signatures de leur candidat, et accueillant la première candidature d'une femme de couleur à la présidence de la République Française. A ce demander dans quel pays nous vivions !
Et d'ailleurs, après une si sale campagne, où justement Christiane avait su défendre la voix de la liberté face à tant de candidats ayant peur de leur ombre et de celle de l'intolérrance, la France a  connu le plus grand cataclysme électoral de l'histoire de la 5e république, avec un duel entre Chirac et Le Pen, la gauche étant éliminée au 2e tour... (Que n'y eût il les primaires à l'époque !). C'était le 21 avril 2002.
Or, une grande partie de la gauche a eu tendance depuis lors à faire porter le chapeau de cette catastrophe aux radicaux en général et à Christiane en particulier.
Photo souvenir lors de l'inauguration de la rue Aimé Césaire
Christiane Taubira avec Franck Martin et Michel Champredon,
les maires radicaux de Louviers et d'Evreux
Comme cette histoire peut sembler lointaine. Comme elle m'est proche encore. Je me souviens de sa venue à Louviers, dans la salle du Moulin qui venait d'être restaurée, de l’enthousiasme créé par sa candidature et des quelques fois où j'ai eu l'occasion de la revoir lors des congrès radicaux et lorsqu'elle a inauguré la rue Aimé Césaire à Evreux.
Lorsque Jean-Marc Ayrault l'a nommée ministre de la Justice, il s'est sans doute agi de la plus grosse prise de risque dans la composition du gouvernement et bien peu, même ceux à qui cette nomination faisaient plaisir, ne s'attendaient à ce choix. Christiane Taubira est radicale dans l'esprit, mais sa totale indépendance a fait que même au parti radical de gauche,  parti recordman de la largesse d'esprit, on n'a pas pu la garder. Elle a donc été nommée ministre sans pression, sans le filet d'un parti pour la défendre, juste dit-on par la confiance de Jean-Marc Ayrault qui a pris ce risque.
Le débat sur le mariage pour tous a permis de rappeler la
classe phénoménale de Christiane Taubira. Sans doute un
effet inattendu de l'argumentation lamentable de la droite.

Certes, après les terribles choix de la droite en matière de garde des sceaux dont on aurait dit qu'on les choisissait tout exprès pour qu'ils s'effacent devant toute chose et en particulier devant les choix sécuritaires ... (exception faite de Rachida Dati envers qui tout le monde a pu tout reprocher mais pas de passer inaperçue). Entre Pascal Clément, Michel Mercier, et même Michèle Alliot-Marie, autant de ministres insipides ... ou ne prenant pas leur mission au sérieux.
Or depuis sa nomination, Christiane Taubira travaille, défend les libertés, pèse son poids face à personnalité très forte et populaire qu'est Manuel Valls, et défend avec intelligence tous ses dossiers.
Le domaine de la justice est l'un de ceux qui a le plus progressé depuis le changement de gouvernement, même si Christiane Taubira, du fait qu'elle n'était soutenue par aucun parti ni aucun courant semblait la plus menacée du gouvernement.
Et puis, nous avons eu le débat parlementaire sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, un projet de loi contre laquelle la droite avait décidé de faire un tir de barrage, déposant plus de 5.000 amendements et contraignant les parlementaires à un débat interminable de plusieurs jours et de plusieurs nuits.
Or, sans doute grâce à la bêtise de la droite, grâce à son acharnement à défendre une cause perdue d'avance, grâce à sa mauvaise foi, grâce à sa technique d'harcèlement, grâce à la vulgarité de l'opposition, Christiane Taubira a pu faire éclore ses extraordinaires qualités humaines, son intelligence, sa culture, son humour, son talent, sa grâce. Christiane Taubira s'est envolée.
Amoureuse des mots et de la poésie, le ministre de la justice s'est appuyé sur les muses pour démontrer la petitesse des argumentations et donner à la République et à la défense de la Justice la grandeur de sa mission.  Descendante d'esclaves, fille d'une femme de ménage, ministre de la justice et enfant de la République.Elle fait découvrir des auteurs à la France entière. Elle est celle qui porte, celle qui diffuse en la coloriant, la République universelle du savoir et de la liberté.

En cadeau, après cet article louangeur, l'un des moments les plus beaux de ses interventions : le fou rire plein de grâce et d'humanité de la Ministre au parlement ... de la couleur dans la vie politique.




dimanche 3 février 2013

Lincoln

Lincoln est un film désarçonnant, mais nécessaire. Il permet 
de s'approprier un pan essentiel de l'histoire de l'Humanité.
 Lincoln est une figure sacrée de l'Histoire. Pour autant, on n'en sait pas grand chose, surtout si l'on est français.
Spielberg a su prendre de nombreux risques cinématographiques et entrepreneuriaux. Avec ce film, on se demande son oeuvre pourrait avoir un grand succès en dehors des Etats Unis. Il s'agit pourtant d'un film passionnant.

Ce que ce film a de supérieur à nombre de films politiques, c'est la question du temps. Comment reproduire la vie d'un président des Etats Unis  au moment des décisions importantes ? Comment se prennent les décisions importantes ? Comment traduire les pressions auxquelles sont soumis les décideurs politiques, comment ils arrivent à s'en défaire , et comment eux mêmes font pression sur leur environnement. 
Tous les cinéastes tombent dans ce piège. En fait, je me dis que depuis Shakespeare, on n'a pas su traiter le temps politique. Mais sans doute cela est il moins difficile au théâtre qu'au cinéma. 
Le film raconte un élément clef pour l'histoire de l'humanité : l'abolition de l'esclavage aux Etats Unis le 6 décembre 1865. 
Pourquoi revenir là-dessus ? 
Henri Wallon, l'homme de l'amendement.
Le vote instituant la République a été
adopté avec une seule voix d'écart le 30
janvier 1975. Amusant de voir comment
des décisions majeures, sur lesquelles
il est impossible de revenir en arrière, se
prennent sur le fil du rasoir.
L'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis c'est un peu comme la République en France : une évidence intemporelle et universelle. Or le film montre à quel point, sans l'intuition et la volonté politique d'Abraham Lincoln, l'histoire aurait pu tourner tout autrement. Cela rappelle, référence pour référence, que l'amendement Wallon, qui instaurera définitivement la République en France en 1875, s'est imposé d'une seule petite voix à la suite d'un débat houleux à l'assemblée nationale. 
Dix ans avant, aux Etats-Unis, en décembre 1965, personne dans le monde politique ne pense à l'abolition de l'esclavage. Personne ou presque. Cette mesure nécessite un amendement à la constitution. Cela veut dire une majorité des 2/3 qui semble impossible à obtenir. Elle est dans la tête des radicaux, la majorité est républicaine (c'est à dire à gauche ... à l'époque, les démocrates représente la droite états-unienne) mais la priorité est à la fin de la fratricide guerre de sécession. 
Or celle-ci est sur le point d'être gagnée par les nordistes légitimistes. Les sudistes sont à bout, demandent à négocier alors que la puissance militaire du Nord s'impose définitivement. Lincoln vient d'être réélu et c'est dans la période précédant son investiture qu'il sent l'opportunité politique de mettre fin à l'esclavage. Cela fait penser d'ailleurs à l'antienne toujours présente de la passivité en politique : ce n'est pas la priorité. On entend cela par exemple sur "le mariage pour tous"... mais en politique, toujours, ce qui peut être fait doit être fait. 
Abraham Lincoln
Son 
assassinat à achevé de
 faire de 
lui une figure de
  l'Histoire de l'humanité
Or Lincoln veut l'adoption du 13e amendement. Personne d'autre que lui ne comprend pourquoi. Même ceux qui le veulent depuis toujours, ne comprennent pas le temps politique. En fait dans cette lutte terrible, qui se passe sur fond de guerre civile, de massacre, de crise familiale le calme de Lincoln s'impose étrangement. Parfois il fait des blagues que personne ne comprend. On sent la tension monter dans une assemblée où les clans se forment, où les débats politiques sont terribles, où les insultes sont permanentes. Au passage cela permet de mesurer à quel point ceux le débat politique actuel où le moindre battement de sourcil passe pour de la violence verbale, est largement pacifié. 
L'Histoire donnera raison à Lincoln. En attendant il faut convaincre les parlementaires réticents. Il en faut 17, on a réussi à en renverser 12, et encore, il y en a un qui revient sur sa décision. Argument majeur de Lincoln vis à vis de ses collaborateurs qui lui disent qu'il faudra sans doute renoncer : je suis quand même président des Etats-Unis ! 
Et à force persuasion, de pressions, de corruption, voilà que l'amendement finit par s'imposer dans la douleur. 
On ne comprendra vraiment la raison de l'entêtement de Lincoln que par la suite. Très rapidement. Les sudistes, prêts à capituler, ne demandent qu'une chose dans la négociation ; le renoncement à ce 13ème amendement Cela veut clairement dire que si, comme de nombreux républicains lui demandaient, il mettait fin à la guerre, jamais le 13e amendement n'aurait pu être voté. Les Etats Unis auraient alors renoncé à être une nation moderne, appelée à devenir la première des nations du monde, et bien sûr le sort du monde en aurait été changé. 
Quelques semaines après ce vote, Abraham Lincoln a été assassiné. Pour les assassins sudistes, il était trop tard. En assassinant Lincoln, ils en faisait le créateur de l'Amérique moderne, le vainqueur du combat pour la dignité de l'Homme contre les oppresseurs esclavagistes.