jeudi 9 octobre 2008

La crise, jusqu'où ?

La crise jusqu'où ?

Tel est le thème du prochain café radical ... mais, justement, vu que c'est la crise, je ne peux vous donner précisément la date. Ce devait être le 17 octobre, c'est reporté. Ce sera autour de la fin octobre. Nous vous tiendrons informé dès que possible.



En attendant, je vous propose l'intervention d'Yvon Collin, notre parlementaire radical de gauche qui préside du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).




Il s'agit d'un éclairage original, volontairement optimiste sur les nouvelles perspectives et pour l'économie et pour la politique. Ne jouons pas les Cassandre. Il y aura des moments difficiles, mais l'humanité doit rester acteur de son destin. Ci-joint le texte bref et riche. De quoi alimenter les réflexions avant le débat





La pensée économique libérale, hier si arrogante, si sûre de détenir la vérité incontestable, semble découvrir aujourd’hui un mot qu’elle rejetait avec dédain jusque-là : régulation. La crise financière a au moins un mérite, celui d’avoir fait vaciller un dogme, celui de l’établissement probable d’une démocratie universelle fondée sur un marché libre et sans entrave. Les causes de la situation actuelle, nous les connaissons tous.


La première est indiscutablement la déconnexion totale entre l’activité financière et l’économie de production.


Une autre cause est à rechercher dans l’organisation de pénuries factices. Quand le calcul froid autorise des acteurs financiers à organiser, pour leur seul intérêt à court terme, la raréfaction de biens aussi essentiels que les ressources naturelles, les sources énergétiques ou les produits alimentaires de base, l’économie n’a plus aucune colonne vertébrale de morale. Et ces causes n’ont pu jouer que grâce à un abandon politique général : nous avons consenti au retrait quasi total de la puissance publique du champ économique. Je dis bien nous car la gauche, notamment européenne, s’est montrée parfois aussi empressée que la droite à se prosterner devant le marché-roi, limitant alors son projet à une redistribution sociale à la marge.


Alors oui, il faut réguler : le système de Bretton-Woods doit être totalement repensé. Les marchés de bourse doivent être encadrés. Il faut imposer aux institutions financières de nouvelles règles de responsabilité quant à leurs risques et à leurs liquidités. Enfin, il est impératif que la puissance publique rassure les épargnants, affolés par l’imprévoyance –peut-on dire l’incompétence ?– de spécialistes réputés. Mais quand nous aurions fait tout cela, nous aurions finalement échappé à l’essentiel du diagnostic : quand l’économie, la technique, l’emportent sur la politique et la culture, quant l’argent vaut plus que l’homme, il ne s’agit plus d’une crise financière mais d’une crise de civilisation.
Alors que faire si l’on ne se contente pas du rôle de Cassandre ?


Premièrement, revenir à l’économie réelle.
Dans le plan d’urgence esquissé par le gouvernement français, chacun voit que la préoccupation essentielle va vers les banques avec le souci de rassurer les particuliers. Même si je ne compte pas pour rien l’annonce du rachat de 30.000 logements ni celle d’une ligne de crédit en faveur de l’investissement des PME, il m’apparaît que c’est bien peu à côté de la garantie donnée aux risques bancaires. Or, nous ne rééquilibrerons pas le système sans changer cette disproportion. Je vois aussi venu le temps d’une grande initiative européenne
inspirée, disons-le, du keynésianisme et non plus de la stricte orthodoxie monétaire dont chacun peut mesurer les effets.Un programme européen de grands travaux, aussi bien pour l’Europe elle-même que pour le monde en développement, pourquoi pas ?Pourquoi pas aussi un Fonds européen de développement ayant pour double objectif de soutenir le regroupement des entreprises européennes en les aidant à faire face à la concurrence extérieure et particulièrement à celle des pays émergents en forte croissance, mais également en forçant à la constitution de pôles européens de développement industriel et de services à forte valeur ajoutée ?C’est aussi une nouvelle éthique du rapport entre le pouvoir politique
et le pouvoir économique que la crise doit nous aider à concevoir.
Demain, comme l’exemple des entreprises mondiales les plus performantes le montre déjà,
l’aide publique ne sera utile que si elle est assortie de critères environnementaux, de conditions sociales et d’un impératif démocratique, dans les pays de production comme à l’intérieur des unités de production. Inventons et tâchons d’exporter un nouveau modèle de civisme d’entreprise.


Et l’on me permettra enfin de poser une question précise au Gouvernement : puisque le dogme du marché et de la concurrence sacro-sainte s’écroule, est-il encore temps de
faire du dogmatisme ?Je ne prendrai qu’un seul exemple puisqu’il est dans l’actualité, celui de La Poste pour laquelle l’expression «ouverture du capital » cache mal l’objectif véritable de privatisation. A l’heure où même les Etats-Unis volent au secours d’institutions privées avec de l’argent public, à l’heure où l’Angleterre nationalise une banque aussitôt prise d’assaut par les épargnants rassurés, à l’heure où Mme Merkel renonce à son libéralisme pour sauver « sa » banque, à cette heure-là, est-il bien raisonnable de démanteler un service public qui garantit la solidarité entre nos territoires et la proximité avec les personnes les plus faibles ? C’est au contraire le temps de réhabiliter le service public et de plaider pour de grand services publics européens (l’eau de l’Europe, les trains de l’Europe, la poste de l’Europe…) qui feraient enfin vivre concrètement l’idée européenne aux yeux et au cœur de nos concitoyens.


Je suis, comme la plupart d’entre vous, un militant engagé, c’est-à-dire un optimiste pour qui le pire n’est jamais certain. Vous avez tous en mémoire la formule consacrée « Vive la crise ». Grâce à elle, ce que nous hésitions à faire pour l’environnement, pour le droit social, pour l’homme plus généralement, la crise va nous forcer à l’entreprendre. Alors, au-delà des querelles stériles ou des clivages partisans, en avant !

Car la résignation creuserait la dépression. Seule l’action politique résolue permettra de la surmonter.

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