lundi 6 avril 2009

Katyn, le massacre d'une Nation


Andrzej Wajda, l'un des plus grands cinéastes polonais aura mis 80 ans avant de réaliser son film, le film de la Pologne, le film de la mémoire et de la vérité.
Le film commence par la débâcle Polonaise ou plutôt par ses conséquences. La France sait ce qu'est une défaite militaire, et ce qu'elle pèse sur la vie d'une Nation. On mesure notramment à quel point la France n'a pas encore totalement digéré après 60 ans la noire période de la collaboration.
Pourtant, toute proportion gardée, la tragédie Polonaise l'efface dans sa brutalité.
La Pologne est prise en étau entre l'Allemagne nazie et la russie bolchévique qui se partagent le territoire par une attaque conjointe en septembre 1939.
Du côté bolchévique, les officiers polonais vaincus seront maintenus prisonniers avant d'être systématiquement assassinés, un à un d'une balle dans la nuque.
Il s'agit d'une organisation planifiée, minutieuse et discrète. Le massacre a lieu à des milliers de kilomètres, au delà du Bélarus, en Russie, dans la forêt de Katyn ou l'on enfouira les corps de 22.500 officiers.
Mais ce n'est que le premier épisode de l'horreur.
Deuxième épisode : rupture du pacte germano-soviétique. Les Allemands attaquent la Russie, qui recule et délaisse le terrain du massacre aux Nazis. Ceux-ci sont naturellement informés et sont trop heureux de pouvoir dénoncer les monstruosités bolchéviques.
Troisième épisode : l'Allemagne recule à son tour, perd la guerre. La vérité soviétique reprend le dessus : "Les propos tenus par la propagande Nazie ont caché des massacres Nazis. Ce sont eux qui ont fait ça !"
Il s'agit d'un mensonge éhonté, couvert par les puissances occidentales qui ont trop besoin de l'allié soviétique pour remettre en cause la fausse version.
Et la Pologne, dans tout cela ? Elle est morte. Aux abonnés absents. Le massacre de Katyn ne s'explique que par la volonté soviétique de soumettre absolument toute une Nation, en se débarrassant des éléments qui pouvaient la relever tout en imposant la terreur. On voit que parallèlement au massacre de l'élite de l'armée (composée pour majorité de civils engagés), on envoie dans les camps les universitaires polonais.
Quand arrive la paix, la Russie profite de la passivité de l'Occident vis à vis de ce qui peut se passer à l'Est de l'Europe. Le régime communiste totalitaire impose le mensonge d'Etat et la confiscation de la mémoire.
Ce n'est qu'en 1989, après la chute du mur, que la Russie ouvre ses archives. Gorbatchev admet les faits et Boris Eltsine un peu plus tard demandera pardon au peuple polonais.
Il va de soi qu'au nom de l'Europe, au nom de l'Occident, nous avons aussi notre part de responsabilité. Wajda aussi, en quelque sorte, dont le père est mort à Katyn et qui, toute sa vie a été incapable de rendre cet hommage, et a même représenté la vitrine la plus intéressante de ce que le cinéma des pays de l'Est pouvait offrir de mieux.
La presse est partagée sur la qualité du film. C'est sans doute un aspect secondaire. Et pourtant ! Osons le dire, ce film présenté dans trois salles à Paris, et dans 6 salles en province va bien au delà du simple témoignage.
C'est un chef d'oeuvre ! Aussi grand qu'il est insupportable.
Une oeuvre d'art mûrie pendant 65 ans, une fleur magnifique poussée sur le charnier de l'histoire. La fleur fine et indomptable de l'avenir de l'humanité renaissant sur nos hontes et nos humiliations. La scène finale du film, qui dévoile pratiquement les conditions de l'assassinat est de ces cérémonies mortuaires, où l'indispensable confrontation à la réalité nous permet seule de faire le deuil.

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