Quand Alain MINC et Jacques DELORS débattent de l'Avenir de l'Europe, ça ne peut pas laisser indifférent surtout si c'est à quelques mois des élections européennes et à quelques jours du café radical (je plaisante !!!) ... et même si ça se passe sur LE FIGARO ... enfin, ça été repris sur le blog "sauvons l'Europe"
L'essayiste Alain Minc publie mardi, chez Grasset, «Dix jours qui ébranleront le monde». Au lendemain du Conseil européen, il débat avec l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors des grands sujets qui animent le Vieux Continent.
Le Figaro Alain Minc, dans votre livre, vous évoquez les défis qui attendent l'Europe. Notamment la faiblesse démographique, la crise du savoir et le danger de balkanisation. Ne pêchez-vous pas par excès de pessimisme ?
Alain Minc - Les événements fictifs que je décris dans mon livre sont plausibles. L'indépendance de l'Écosse : il y a des chances que l'on voie des choses plus imprévues. Le fait, en matière de savoir et de recherche, qu'un jour les prix Nobel soient tous attribués à des Asiatiques : on peut imaginer plus provocant. Quant à la faiblesse démographique de l'Europe, elle est flagrante, à l'exception de la France. Notre pays a deux atouts : il épargne et fait des enfants, ce qui constitue un avantage considérable. Je ne suis pas si pessimiste : ce que nous vivons nous incite à plus de solidarité entre Européens. Que serait l'Europe sans la monnaie unique ? Qu'auraient été les plans d'adaptation de chacune de nos économies sans elle ? Pour autant, nous vivons dans une Europe bizarre. De Gaulle connaît une victoire posthume : l'Europe est unie, non à travers une instance communautaire, mais à travers le colloque spontané de ses dirigeants. Il y a une convergence européenne, mais j'aurais préféré un système institutionnel pour l'assurer.
Jacques Delors - Alain Minc met en évidence la montée de la Chine, de l'Inde et de la Russie et il souligne l'érosion de la rente américaine de domination. Il rappelle aussi le fait que l'Europe est un «objet politique non identifié », formule que j'avais utilisée il y a quinze ans. De fait, je suis un peu malade quand je vois chaque chef de gouvernement européen aller devant Medvedev et Poutine faire la danse du ventre à propos de l'énergie. D'où l'importance de créer une communauté européenne de l'énergie. Si on attend que les vingt-sept membres soient d'accord pour injecter du dynamisme, on n'y arrivera pas. Nous n'aurions jamais fait l'euro dans ces conditions-là. L'Europe apparaît gênée aux entournures, bien qu'elle soit la première puissance commerciale du monde. Ce que l'on recherche aujourd'hui, c'est une Europe des intérêts communs plutôt qu'une Europe commune. Il faut des institutions qui pensent tous les jours à l'Europe. C'est une question de Meccano institutionnel.
Le Figaro Alain Minc évoque le renversement du rapport de force démographique entre l'Allemagne et la France. Quelles conséquences faut-il en tirer ?
Jacques DELORS - L'Union européenne représente actuellement 6 % de la population mondiale, en 2050 elle en représentera 3 %. Alors qu'elle comptait 15 % de la population mondiale il y a un demi-siècle. Dans ce cadre, la démographie la plus dynamique est celle de la France. Il y a aussi un réveil en Grande-Bretagne, en Suède, en Norvège et ailleurs. En revanche, l'Allemagne reste faible, ainsi que l'Italie et l'Espagne. Une démographie dynamique est un facteur de confiance. Mais cela ne suffira pas à changer les rapports de force entre les deux pays : cela accroîtra le quota de voix dont disposera la France dans les votes au niveau du Conseil des ministres, ce qui est loin d'être négligeable. Il faut comprendre qu'on est passé de l'Allemagne de Bonn à celle de Berlin. On n'a pas assez compris que ce pays était dans une position clé entre les membres de l'est et ceux de l'ouest de l'Europe. Le changement démographique pèsera si nous, Français, savons gérer les problèmes intergénérationnels, les retraites, l'accès au travail des jeunes et améliorer notre compétitivité.
Alain MINC - En 2023, la France retrouvera pour la première fois, depuis 1870, un ascendant démographique sur l'Allemagne. S'y ajoutera l'avantage d'une population nettement plus jeune, donc avec un fardeau moins lourd à porter. De là une dynamique meilleure de notre côté. J'ajoute que l'Europe vit avec un énorme problème : celui du rapport de l'Allemagne à l'énergie nucléaire. Il ne peut y avoir d'Europe de l'énergie que le jour où ce pays revient à l'énergie nucléaire. Le Royaume-Uni vient d'y revenir, l'Italie aussi, l'Espagne va le faire. Plus généralement, l'Europe illustre par trop le mot que de Gaulle avait utilisé : «L'Europe est le levier d'Archimède de la France.» Cela ne marche pas mal en période de crise, mais dans une période de prospérité, cela marcherait moins bien. La solidarité européenne est plus que jamais nécessaire et il faut insister sur le succès de l'euro. Même Berlusconi, qui avait prôné le retrait de l'euro et le retour de la lire, est un militant de l'euro !
Et puis il y a le cas des Anglais. Ceux-ci vont peut-être perdre l'Écosse, mais ils ne peuvent pas perdre la place de Londres. Ils ne peuvent être durablement le centre financier d'une zone avec une devise faible. S'ils rejoignent l'euro, ils le feront par empirisme. Les Anglais n'ont pas encore mesuré les effets massifs que va induire la dépréciation de la livre.
Jacques DELORS - Notre pessimisme sur les handicaps de l'Europe doit être corrigé par le fait qu'historiquement l'Europe a toujours progressé durant les crises. Exemple, quand la France et la Grande-Bretagne ont connu un échec cinglant durant la crise du canal de Suez en 1956. C'est à cause de cela que six pays (et non la Grande-Bretagne) ont décidé de faire le traité de Rome. Ils n'y arrivaient pas ! La crise peut stimuler les Européens, les amener à des positions communes et à un meilleur fonctionnement institutionnel (Parlement-Conseil des ministres-commission…) pour les propositions et la prise de décision, leur exécution et la cohérence de l'action. Mais c'est revenir à l'Europe communautaire et non poursuivre dans l'Europe des États.
Alain MINC - En 2023, la France retrouvera pour la première fois, depuis 1870, un ascendant démographique sur l'Allemagne. S'y ajoutera l'avantage d'une population nettement plus jeune, donc avec un fardeau moins lourd à porter. De là une dynamique meilleure de notre côté. J'ajoute que l'Europe vit avec un énorme problème : celui du rapport de l'Allemagne à l'énergie nucléaire. Il ne peut y avoir d'Europe de l'énergie que le jour où ce pays revient à l'énergie nucléaire. Le Royaume-Uni vient d'y revenir, l'Italie aussi, l'Espagne va le faire. Plus généralement, l'Europe illustre par trop le mot que de Gaulle avait utilisé : «L'Europe est le levier d'Archimède de la France.» Cela ne marche pas mal en période de crise, mais dans une période de prospérité, cela marcherait moins bien. La solidarité européenne est plus que jamais nécessaire et il faut insister sur le succès de l'euro. Même Berlusconi, qui avait prôné le retrait de l'euro et le retour de la lire, est un militant de l'euro !
Et puis il y a le cas des Anglais. Ceux-ci vont peut-être perdre l'Écosse, mais ils ne peuvent pas perdre la place de Londres. Ils ne peuvent être durablement le centre financier d'une zone avec une devise faible. S'ils rejoignent l'euro, ils le feront par empirisme. Les Anglais n'ont pas encore mesuré les effets massifs que va induire la dépréciation de la livre.
Jacques DELORS - Notre pessimisme sur les handicaps de l'Europe doit être corrigé par le fait qu'historiquement l'Europe a toujours progressé durant les crises. Exemple, quand la France et la Grande-Bretagne ont connu un échec cinglant durant la crise du canal de Suez en 1956. C'est à cause de cela que six pays (et non la Grande-Bretagne) ont décidé de faire le traité de Rome. Ils n'y arrivaient pas ! La crise peut stimuler les Européens, les amener à des positions communes et à un meilleur fonctionnement institutionnel (Parlement-Conseil des ministres-commission…) pour les propositions et la prise de décision, leur exécution et la cohérence de l'action. Mais c'est revenir à l'Europe communautaire et non poursuivre dans l'Europe des États.
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