lundi 25 août 2014

Concordance des temps

J'ai eu 60 ans le 3 août. Jusque là, rien d'extraordinaire. A signaler d'ailleurs qu'il est arrivé la même chose, à quelques jours près à notre président normal.ça se passe au cœur de l'été, au moment où tout le monde est en vacances.
Cette date a pris cependant pour moi un relief particulier, bien au delà de la date de mon anniversaire. Après tout, au bout de 60 ans, on finit par être habitué à ce genre de célébration amicale, même si ça fait toujours plaisir. En fait, quasiment jour pour jour, cette date correspondait à un autre anniversaire : celui des cent ans de l'entrée en guerre de la France en 1914.
Des journalistes expliquaient cyniquement que le grand succès des commémorations du débarquement de juin 44 étaient précisément dû au fait que celui-ci avait eu lieu en juin, c'est à dire à un moment où les gens sont encore mobilisés par la vie sociale. Ainsi le débarquement de Normandie a toujours plus de succès que le débarquement de Provence. 
Le café du Croissant à Paris.  Jean Jaurès y fut assassiné
le 2 août 1914, à la veille de l'entrée en guerre de la France
Question de période ... sans doute un peu. Il n'empêche : plus je vieillis, plus je me sens proche de cette période dont je n'ai pas senti qu'elle m'appartenait jusqu'à une date récente. C'est le temps qui passe qui me démontre que je lui appartiens.

Je suis né 40 ans après la guerre. Ce qui, à 20 ans, me semblait une éternité me semble un temps relativement restreint. 40 ans, c'est rien du tout, même si, dans 40 ans, je ne serai peut être pas en état d'en parler. Après tout, mai 68, que j'ai vécu à l'âge de 14 ans a durablement marqué mon existence ... et je suis capable de retracer cette période comme si c'était hier, lors même que je n'ai rien compris lorsque je l'ai vécu ...
Mais tout cela n'explique pas pourquoi je me sens de plus en plus proche de ces guerres qui s'éloignent dans le temps. Comment je me sens proche de la guerre de 14, proche de ce qui a pu être vécu en 39/40 ... Et pourtant !
Je renie pas l'impact de la guerre d'Algérie, dont l'influence a considérablement modifié mon mode de vie. Mais tout cela n'a rien à voir avec ce que je ressens de plus en plus profondément vis à vis des guerres et notamment de celle de 14.
La guerre de 14, passée par armes et bagages, c'est à dire, classée, rangée, je n'en ai retenu longtemps que l'attrait qu'elle avait eu dans le déclenchement involontaire de la Révolution Russe, que je pensais avoir une influence déterminante sur mon existence.
En fait, j'étais de cette génération de la pierre qui roule. De celle qui pensait maîtriser son destin, simplement parce que de qui pesait sur ses épaules était infiniment moins lourd que ce qu'avait eu à supporter les générations précédentes.
Nous avons cru que le monde nous appartenait, lors même qu'il n'appartient à personne. Il y a 70 ans, le  découpage du monde entre les grandes puissances à la fin de la guerre a été porteur de cette paix que l'on a appelé guerre froide. Ce découpage s'est notamment appuyé sur l'étouffement des peuples en leur assurant la protections de grandes puissances qui se révèlent incapables d'assurer à présent cette charge, et  qui ne sont plus en mesure d'assurer un projet pour la planète. Seule l'Europe est un espace de paix et montre que celle-ci reste la solution moderne des conflits, malgré toute la difficulté que cela entraîne.
Cependant, la guerre est partout, Palestine, Syrie, Ukraine même, et notre modèle peine à s'imposer. La guerre de 14/18 pour être le contraire d'un modèle, n'en est pas moins le socle sur lequel notre monde s'est construit. Ainsi, non seulement il a établi des vainqueurs, des vaincus, et des constructions étatiques passant parfois au travers de l'histoire. Tous les modèles qu'il a construit sont à présent fragilisés, ce qui, au bout d'un siècle n'est finalement pas surprenant. 100 ans, c'est long pour tout le monde. Mais ce qui a finalement réussi à s'imposer au cours du siècle, c'est l'idée que la liberté, l'égalité, la fraternité au bout du compte, impliquaient le refus de la guerre, de l'oppression, de la colonisation. A ce titre, nous n'avons pas encore parachevé la mission de la grande guerre. Sans doute laisserons nous cette tâche aux générations à venir, sans jamais oublier ce que nous ont laissé les enfants de 14/18, qui ont connu avant 30 ans la souffrance extrême, l'humiliation, la soumission, la blessure et la mort sans savoir ce que tout cela allait apporter au monde.

1 commentaire:

Sylvia Mackert a dit…

on ne sait pas à quoi sert tout ça, on parle parfois aussi de destin ou "grand plan divin", que les choses doivent arriver pour qu'on avance dans le bon sens, et si cette guerre a servi à préparer la paix et l'Europe d'aujourd'hui, c'est au moins "un bon côté" de tous ces sacrifices humains.

Je me dis s'il n'y avait pas eu les guerres, mes grand-parents ne seraient jamais venu dans ma ville natale, ma mère n'aurait pas connu mon père et je ne serais pas née.

Et je pense à un péplum, l'exode, où Moïse doit libérer le peuple d'Israël de l'esclavage en Egypte et qu'un israélite meurt dans les bras de Moïse en disant "je regrette que Dieu n'ait pas exaucé ma prière de pouvoir voir le libérateur avant de mourir", il n'avait pas conscience que c'était le cas et qu'il est justement mort dans ses bras en plus. Il l'avait vu avant de mourir.

parfois on ne comprend rien à ce qui se passe et peut-être que tout cela nous dépasse ?