samedi 16 janvier 2010

loi sur la burqa, le point de vue du parti radical de gauche


Contribution du Parti Radical de Gauche

aux travaux de la mission parlementaire sur la pratique du port du voile intégral

L’Assemblée nationale a installé, avec le soutien du gouvernement, une mission d’information sur le port de la burqa en juillet 2009. Cette mission est présidée par le député du Rhône André Gérin qui avait le premier demandé sa création et elle est composée de 32 membres (17 UMP, 10 PS, 1 PRG, 2 GDR, 2 NC). Chantal Robin-Rodrigo, députée des Hautes-Pyrénées, représente le PRG dans cette mission et dès son installation elle avait insisté sur le fait qu’il était urgent de réagir car « les choses se dégradent dans nos quartiers, le communautarisme prend parfois le dessus » ; il s’agissait pour elle « d’une cause commune, celle de la défense des valeurs de laïcité et d’égalité homme-femme ». La presse fait état de notes ou rapports des services de police indiquant pour les uns le chiffre de 367, pour les autres 2000... Mais le nombre importe peu à nos yeux : n’y aurait-il qu’une seule burqa en France que cela devrait interroger notre République.

La burqa est à l'origine le vêtement traditionnel des tribus pachtounes en Afghanistan. Ce long voile, bleu ou marron, couvre complètement la tête et le corps, un grillage dissimulant les yeux. Cette tenue est devenue aux yeux du monde le symbole du régime des talibans en Afghanistan qui l'ont rendue obligatoire. En France, le port du niqab est plus courant que celui de la burqa. Il s'agit d'un voile sombre qui tombe jusqu'aux pieds et qui couvre le visage à l'exception des yeux.

Le port du voile intégral en France comme la burqa ou le niqab est une pratique inspirée de l’idéologie talibane ou du salafisme, elle n’est pas une manifestation générale de l’islam contrairement à ce que voudraient faire croire certains extrémistes.

Si, aujourd’hui, nous acceptions le port du voile intégral comme l’expression d’une tradition ou d’une pratique religieuse acceptable en République, nous ouvririons une brèche difficile à refermer dans les principes fondamentaux de la République. Allons-nous, ensuite, accepter que des horaires soient aménagés dans les piscines municipales uniquement pour les femmes ? Pouvons-nous accepter que des femmes (influencées ou non par leurs compagnons) refusent de se faire soigner par des hommes médecins, allons-nous accepter des lieux réservés aux hommes et d’autres pour les femmes ? Peut-on tout accepter au nom d’une pratique religieuse ? La réponse des Radicaux de Gauche est non car, si la République respecte toutes les religions, aucune religion ne saurait prétendre gouverner la République et imposer des principes ou des valeurs qui seraient contraires aux principes républicains ou aux principes de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

La pratique du port du voile intégral quand bien même elle serait librement consentie – ce qui reste à prouver – constitue pour les radicaux de gauche un signe d’aliénation des femmes, un déni que nous ne pouvons accepter. C’est grâce à la loi que les femmes ont accédé à l’instruction, grâce à la loi qu’elles se sont émancipées de leur mari, c’est grâce à la loi que la parité en politique a été accordée, grâce à la loi qu’elles ont gagné la liberté et le droit de disposer de leur corps, grâce à la loi que l’égalité professionnelle à été consacrée. Depuis 1946, le préambule de la constitution proclame : "la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme" (art.3).

Même si nous avons conscience que notre société a encore beaucoup de progrès à faire, nous ne pouvons accepter que certains -qui s’abritent derrière une conception traditionnelle du rapport hommes-femmes - cherchent à saper les acquis de notre République. Le port de la burqa ou du niqab renvoie à une image inacceptable des femmes, un désir de restreindre leur liberté, de les enfermer, une atteinte à la liberté des sexes, à l’égalité et à la fraternité. Chacun et chacune est respecté dans ses croyances et ses différences à partir du moment où chacun respecte la loi commune, est-il utile de rappeler ici les principes de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 inscrits dans l’article 4 (La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi) et dans l’article 10 (Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi). La laïcité garantit la liberté religieuse, la liberté de conscience et permet par la neutralité de l’espace public que chacun puisse vivre en harmonie avec l’autre mais elle est fondée sur les principes de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Le port de la burqa ou du niqab nous interpelle aussi car il renvoit au débat sur la revendication de droits différenciés et fait écho à la montée des communautarismes qui ont malheureusement été trop encouragés par certains responsables politiques de premier plan. Il est urgent de donner un coup d’arrêt aux dérives communautaristes qui sont contraires à notre identité républicaine. La citoyenneté se définit par l’appartenance à la communauté politique. En France elle est liée à l’idée de démocratie et elle s’inscrit dans l’histoire de la construction de la Nation héritée de la révolution de 1789. Le citoyen a des droits et des obligations qui obéissent au principe d’égalité indépendamment de ses appartenances particulières ou de ses convictions. Accepter que certaines fractions de la communauté nationale s’affranchissent de la Nation ostensiblement en se réclamant de règles différentes de la loi républicaine au motif qu’elles appartiennent à des communautés qui auraient des droits et des revendications particulières c’est accepter que l’on démonte tout l’édifice républicain bâti depuis 1789 et de revenir à l’Ancien Régime, voir au-delà. Face aux inégalités, aux fossés qui se creusent entre les quartiers difficiles et le reste du pays, nous ne pensons pas que la réponse soit à rechercher dans l’affirmation du repli sur soi ou dans le communautarisme. Le communautarisme est contraire à notre histoire, à nos principes humanistes, à notre attachement aux valeurs d’égalité et de fraternité. Nous ne pouvons tolérer que sous couvert de liberté individuelle on conteste les lois et les principes de notre République.

Le port du voile intégral pose enfin un problème d’ordre public et c’est sur ce point, en particulier, qu’il nous semble possible de fonder une loi. D’abord, le port du voile intégral semble inacceptable dans de nombreuses situations : à l’hôpital, où le médecin doit savoir qui il soigne, et lors des examens universitaires, où l’examinateur doit pouvoir vérifier l’identité du candidat. Ensuite, le port du voile intégrale constitue une entrave à la prévention des infractions ou la recherche des auteurs d’infractions. D’ailleurs, l’absence de réglementation relative au port de tenues dissimulant l’identité de la personne atténue considérablement l’efficacité des systèmes de vidéosurveillance. Un commerçant doit aussi pouvoir identifier la personne qui le règle par chèque ou par carte bancaire ; le policier ou le douanier, la personne qu’il contrôle ou qu’il choisit de contrôler ; la directrice d’une école ou d’une crèche, la personne à laquelle elle remet un enfant à la sortie des classes.

Si la pratique du voile intégral semble aujourd’hui mineure elle mérite d’être combattue car il ne faudrait pas qu’elle gagne du terrain.

La burqa n’est pas un vêtement religieux. Il s’agit d’un moyen de nous tester, dans le cadre d’une offensive lancée contre la République. Une démission sur ce point ouvrirait la porte à de nouvelles demandes et aboutirait à un recul de la citoyenneté, à la réduction de l’espace public laïque et républicain et à la limitation de nos libertés. Une telle logique de surenchère nous oblige à réagir avec mesure mais fermement car les défenseurs de la burqa signifient aux femmes que les droits garantis par notre République à tous ses citoyens ne sont pas pour elles, qu’ils sont plus forts que la République dont les lois et les principes ne s’appliquent pas universellement. Il est donc nécessaire d’apporter une réponse à ce phénomène qui soit un signal politique fort, fondé sur les valeurs républicaines. Les Radicaux de Gauche ne sont pas des partisans de l’inflation législative ; il convient donc à nos yeux et en premier lieu que le Parlement rappelle solennellement et unanimement le principe constitutionnel d’égalité des sexes et recherche dans la législation existante une réponse adaptée qui ainsi éviterait de stigmatiser à tort une religion trop souvent prise en otage par les extrémistes, dans un contexte politique parasité par le débat sur l’identité nationale avec tous les débordements qu’il connaît malheureusement.

En dernier recours, la loi doit être là pour rappeler des principes, celui d’affirmer que le port du voile intégral – avec tout le symbolisme qu’il véhicule – n’est pas compatible dans les lieux publics avec l’idée que nous nous faisons de l’émancipation de la femme, de la citoyenneté et de la laïcité. C’est pourquoi les Radicaux de Gauche, bien conscients de toutes les difficultés d’application qu’elle poserait, sont favorables en dernier recours à l’adoption d’une loi sobre et brève qui interdise de se présenter dans les lieux publics le visage dissimulé, s’il apparaît clairement que la voie du dialogue et de l’application de la législation existante ne permette pas d’apporter la réponse républicaine nécessaire au défi qui nous est posé par ce débat.

Pascal-Eric Lalmy

Secrétaire National

Pasc

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Y aura-t-il malgré tout un débat au "jardin de Bigard" mardi ?

Anonyme a dit…

Bien sur, il y a un débat au "jardin de Bigards", à 18h30, café radical animé par Hafidha Ouadah et la députée Chantal Robin Rodrigo, membre de la commission parlementaire sur la burqa !
A mardi soir !