mardi 27 février 2018

Tonya, reviens ! ... Tout est pardonné.

Un  hommage à tous les talents massacrés


Qui se souvient de Tonya Harding ?... En fait, tout le monde ! Plus précisément, tous ceux qui avaient plus de 15 ans en 1994 se souviennent de Tonya Harding en ce qu'elle a changé définitivement le statut télévisuel du patinage artistique. 
A quelques semaines des jeux olympiques de Lillehammer, Nancy Kerrigan sa collègue, elle aussi sélectionnée pour avait été victime d'une attaque à coups de barre de fer dans ses vestiaires. On ne tarda pas à arrêter le mari de Tonya Harding, et quelques comparses... et la représentation du monde du patinage artistique s'écroulait. Ainsi, de ce monde d'image, d'exhibition  de la grâce, ce monde à part du sport, qui des commentaires béats de la télé noir et blanc de Léon Zitrone était passé aux béatitudes colorées de Nelson Montfort, tout s'écroulait. 
Le patinage artistique apparaissait pour ce qu'il 
était : une terrible compétition où certains se croyaient tout permis. 
Nancy Kerrigan, dernière image de la grâce
innocente avant l'agression.
On sut que Tonya Harding avait été interdite de patinage artistique et on n'en parla plus. De toute façon Nancy Kerrigan, même vite remise de son coup au genou, ne remporta pas les jeux olympiques. On se doutait que contrebalançant une certaine indulgence des jurys, le fait d'avoir subi une terrible agression était traumatisme très handicapant à six semaines des compétitions.
On n'en parla plus jusqu'à ce que 20 ans plus tard, un cinéaste américain n'eut l'idée de faire un film sur l'extraordinaire personnalité à l'origine du fait divers.
Effectivement, si vous restez béat devant un triple axel, ou même un double, si vous êtes fascinés par le travail amenant aux glissements esthétiques ou la magie et la puissance des sauts et récupérations, ce film risque de vous décevoir. 
Rien de tout cela dans ce film extraordinaire cependant, qui ressemble plus au baroque des frères Cohen, au cynisme de Ken Loach, voire au délire des films de Lautner dialogués par Audiard... Sauf qu'on y rit d'autant plus jaune qu'on sait que l'histoire est tragiquement vraie.
Le tragique, contrairement à ce qu'on peut penser sans trop connaître la situation ne provient pas de ce qui est arrivé dans les vestiaires à Nancy Kerrigan. En quelque sorte, Tonya Harding le dit bien : "mais qu'est ce qu'elle a celle-là à pleurnicher pour un malheureux coup de barre de fer sur ses petits genoux ?" ... 
Effectivement, cette réflexion choquante extraite du début du film prend toute sa dimension lorsqu'on découvre le destin terrifiant de Tonya Harding. 
On la voit enfant remise dès 4 ans à son destin glacé par sa mère terrifiante, tenant de la Cruella des 101 dalmatiens. La prédatrice n'aura d'ailleurs eu pour seule qualité que de percevoir les extraordinaires qualités de sa fille. Pour le reste elle exerce sur sa fille une domination effroyable qui amènera celle-ci directement dans les bras d'une brute imbécile qui va la battre, et sera même incapable de bénéficier à un titre ou à un autre du talent de son épouse. Bref, une suite d'horreurs menant du burlesque au tragique de ce qu'un idiot imagine le scénario incroyable de cet attentat mené contre Nancy Kerrigan, et rendant de ce fait Tonya Harding définitivement inapte à accéder à ce statut de star du patinage artistique que pourtant, personne n'aurait autant mérité autant qu'elle. 
On retiendra d'ailleurs de ce film que les seuls talents sont du côté des femmes, elles seules se donnant les moyens de se tirer de leurs terribles conditions sociales, soit par leur talent, soit par leur capacité à exploiter ce talent (la mère) ou le valoriser (la magnifique entraîneuse, par ailleurs seule capable de bienveillance dans ce film désespéré). 
On peut regrettera aussi que le talent des patineuses et celui de Tonya Harding en particulier soit complètement occulté... C'est qu'on ne peut pas parler de tout ... et on a tant l'occasion d'évoquer la grâce, le talent et les qualités sportives exceptionnelles des patineuses et patineurs dont les amateurs viennent d'être régalés lors des derniers jeux olympiques. N'empêche, on se doute que l'oxygène de la pauvre Tonya entre une enfance massacrée, une adolescence occultée et une maturité écrabouillée était précisément dans ce qu'entraînement après entraînement elle a réussi à construire face à l'hostilité du milieu, des jurys et des convenances d'un monde dont elle n'avait aucun atout pour maîtriser les codes. 
En attendant, comme un teasing, voilà en version française puis en version orginale les bandes annonces de ce terrible film dont je sais ne pas avoir su rendre le centième de ce qu'il vaut.










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