mercredi 7 février 2018

Ma réponse à Louis-Marie MARTIN


Louis-Marie MARTIN, lui aussi ex-prg et avec qui j’ai partagé quelques beaux moments, quelques bisbilles et des divergences marquées m’a interpellé ainsi sur facebook  « C'était il y a quelques jours sur le mur de Diégo je crois, je posais la question qu'est ce que vous entendez par "Gauche" quelles valeurs y mettez-vous ? Ce serait sympa de répondre ».

Du coup, un peu énervé, façon Saint-Ex au Petit Prince, je lui ai répondu ça, tant l'exercice me semblait impossible: « Comminatoire[1] Louis-Marie ! Tu veux faire la police façon bolcho... et toi qu’entends-tu comme valeur de gauche ? Qui souhaites-tu exclure de ton champ ? »

Je pensais ainsi avoir répondu non pas à la question de Louis-Marie, mais au problème qu’il posait. J’ai réfléchi, et je me suis dit que non. D’où ma décision de me lancer dans l’aventure et de tenter de répondre à la question de façon succincte, compréhensible, et réaliste. Bref, ce type de défi qu’on se lance sans savoir si l’on a quelque chance de pouvoir relever. Après tout, ce sera au lecteur de juger. Tant pis pour Louis-Marie, tant pis pour moi.

1)       à ta question :" qu'est ce que vous entendez par "Gauche" quelles valeurs y mettez-vous ? Ce serait sympa de répondre."...  je ne répondrai pas.
Tout d’abord parce que je ne peux répondre qu’en mon nom propre, pas au nom du parti des Radicaux de gauche dont je m’honore de faire partie, et encore moins au nom de Diégo qui te répondra s’il le souhaite. Ainsi je ne réponds pas à la question « quelles valeurs y mettez-vous ? », « mais quelles valeurs y mets-tu ? »
La pensée radicale du philosophe
Alain "personne ne peut penser à
ta place"
2)       Comme tu le soulignes toi-même par ailleurs, « il y a des gens qui placent Macron à Gauche, donc de Macron au NPA le champ est un peu large ». Je m’enorgueillis d’avoir visité à peu près toutes les familles de la gauche, des radicaux de gauche à l’ultra gauche[2] en passant par l'anarchisme, le trotskysme sans parler de sympathies diverses, voire, je le concède, de flirts essaimés au fil des ans. Je tire et j’ai toujours tiré une conclusion de tout cela : je n’ai, je n’aurai jamais aucun rôle de police politique ou de police des mœurs : pour être à gauche, il suffit de se sentir à gauche. Je reprends la formule d'Alain, le maître radical "personne ne peut penser à ta place". Je n’ai pas vocation à exclure telle ou telle personne de ce qu’on appelle la gauche. Je sais qu’il y a des gens à gauche avec qui je ne m’allierais jamais comme  je sais aussi qu’il y a des gens à droite avec qui je peux m’allier, mais c’est une autre histoire.
3)       J’ai organisé à Evreux un banquet républicain sur le thème « le radicalisme est-il l’avenir de la gauche ? ». Tu aurais dû venir, et tu aurais pu en débattre avec nous, on était soixante. Conformément à notre démarche, le débat était ouvert à tous et cette question est naturellement venue sur la table. Voilà la manière dont j’y réponds sans vouloir engager qui que ce soit d’autres :
a.        La notion de droite et de gauche est essentiellement républicaine. C’est la République qui a fondé ces notions de droite et de gauche, en plaçant d’un côté de la nouvelle assemblée ceux qui voulaient défendre le du droit de véto et  de l’autre côté (à gauche) ceux qui refusaient le pouvoir absolu du roi.
Ainsi se sont retrouvés autour d’une question historique clivante
·         à droite ceux qui voulaient défendre une société de privilèges

·         à gauche ceux qui défendaient les principes de liberté, d’égalité et de fraternité au cœur d’une société du mouvement (même s'ils ne formulaient pas comme ça).

Depuis deux siècles et demi, ces notions se sont universalisées et ont démontré leur pertinence au travers des époques et des lieux. Elles ont encore leur sens, et c’est pourquoi, lorsque la présidente, l’état major et le parti radical de gauche auquel j’adhérais depuis vingt ans ont dit qu’ils étaient au centre, je ne les ai pas suivis. Je ne suis pas le seul, et ceux qui ont refusé cette logique ont créé un nouveau parti : Les Radicaux de gauche.
Maintenant, tu demandes, enfin, tu ne demandes pas, tu sous-entends : allez-vous rejoindre Macron ? Je suis désolé de ne pouvoir te répondre qu’en mon nom propre même si pour moi la question ne se pose pas comme ça.
D’abord, avant de savoir si l’on doit rejoindre tel ou telle, il faut définir notre projet. Nous nous y attelons, mais, très tranquillement, comme je dis "la première chose à faire est de nous retrouver entre bonnes volontés, voir ce sur quoi nous sommes d’accord, voir ce sur quoi nous ne sommes pas d’accord et voir si nous pouvons travailler ensemble. Les exemples de création d’un nouveau parti sont assez rares dans l’histoire pour que nous puissions prendre toute précaution au-delà de notre détermination
Ensuite, et je te livre là mon analyse, il serait parfaitement idiot de rejoindre le macronisme. Macron a bousculé le cocotier de la vie politique française et continue de le secouer. Il n’a aucun besoin d’une branche supplémentaire. Si c’est pour être Macronien ou macroniste, autant rejoindre « En Marche ». Je ne sais si cette démarche sera majoritaire parmi mes amis, mais je le suppose. Tout simplement parce que je n’ai rencontré personne jusqu’à présent qui désire soutenir la démarche du Président de la République même si certains d’entre nous, dont moi, ne souhaitons pas entrer dans une démarche de critique systématique, mais dans une attitude d’opposition attentive.
6)       Macron rêve de naviguer entre deux pôles situés à l’extrême gauche et à l’extrême droite qui lui garantiraient la survie et le confort politique. Pour moi, c’est une utopie. La solution aux problèmes du monde ne se résout pas à une question technique, où il faudrait laisser les experts décider en dehors des réalités et aspirations sociales ou sociétales. La France, le monde ont besoin de politique, ils ont besoin de cet antagonisme nécessaire  créé par ces visions opposées de la gauche et de la droite, entre ceux qui veulent une société d’égaux et ceux qui voient en l’autre un danger… Entre ceux qui disent que c’étaient mieux avant et ceux qui travaillent à construire un avenir meilleur pour tous. Entre ceux qui se soucient du déclassement et ceux qui se disent que tant qu’on peut s’en sortir personnellement, il n’y a pas à s’en faire.
La figure de Pierre Mendès France. Le radical s'est toujours
placé à gauche. ça n'empêche pas que certains le plaçaient
à la droite de Guy Mollet, pourtant l'exemple même de la
posture politique des grandes déclarations sans effet.
7)       Sur l’attitude qui devrait être la notre, oui, nous estimons qu’un immense chantier s’ouvre pour ce que nous appelons « la gauche de gouvernement » (en attendant mieux, parce que le terme n’est pas très joli). Il est vrai que, loin de la gauche de la posture, la gauche de gouvernement doit encore créer son projet et sortir des antagonismes qui l’ont amené à un jeu de massacre mortifère.

8)       Ce jeu de massacre provient essentiellement de ceux qui rêvent d’une gauche pure. La gauche pure, excuse-moi, je ne sais pas ce que c’est. Je connais les valeurs que je porte, je sais pour quoi je m’engage et d’ailleurs pourquoi je me suis engagé depuis un demi-siècle. Je te dirais même qu’au-delà de moi-même classer quelqu’un de « à gauche » ou « plus à gauche » ou « moins à gauche » ne me concerne pas. Le radical Mendès France se démarque de la gauche Molettiste française à référence marxiste en s’engageant dans la décolonialisation. Savoir s’il était plus à gauche ou à droite n’a aucun sens. Il était porteur de l’histoire et du progrès alors qu’en face, dans la posture marxoïde se réfugiaient tous les conservatismes. Les camps staliniens, la Chine maoïste condamnant sa population à la famine était ils de gauche ou de droite ? Cela m’indiffère totalement. Ce qui compte pour moi c’est que les horreurs qu’ils généraient justifiait tous les combats politiques pour la liberté et l’émancipation des femmes et des hommes.
Selfie au banquet républicain à l'image de ce que doit être
la gauche : joyeuse, lucide, déterminée.
9)       Pour finir, je ferais cette citation indépassable qui justifie mon combat politique et dont je suis heureux qu’elle figure sur l’invitation de la journée du 9 février qui réunira tous ceux qui s’inscrivent dans notre démarche :


La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir.



C'est le 9 février à Paris, Théâtre Edgar (Métro Edgar Quinet)
 de 9h30 à 13 h.







Tu m’excuseras, cher Louis-Marie, et d’avoir été un peu long à te répondre et de n’avoir répondu que partiellement à ta question. L’avenir de la gauche est un débat, est un combat aussi, et tous ceux qui veulent y participer peuvent se joindre à nous.









[1] Comminatoire : qui constitue une mise en demeure, un avertissement ou une menace  ( dictionnaire culturel en langue française d’Alain Rey)
[2] l’ultra gauche est une vraie famille politique qui, de la naissance du surréalisme au situationnisme a nourri l’intelligentsia française pendant un demi-siècle et auprès de laquelle le pâle « Nouveau Parti Anticapitaliste » fait figure d’une vieille photo  polaroid au sens où elle ne peut ni être reproduite, ni être analysée et ne représente guère d’intérêt.  

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