lundi 14 octobre 2013

Marcel Gauchet et l'individu ...


Marcel Gauchet à la fondation Jean-Jaurès. Il était là pour
parler du développement de l'individualisme et
accessoirement de comment la gauche devait en tenir compte.
Après le premier tour des  cantonales de Brignoles, le Front
National était dans toutes les têtes

le Front National expliqué au politique

Quand on va voir un penseur, on sait qu'on va en prendre pour son grade. sinon, ce n'est pas un penseur !
Rien à voir avec du masochisme. Il s'agit bien plutôt d'aller chercher un angle de vue différent pour éclairer notre quotidien, et d'amener à la lumière toutes nos parts d'ombres, toutes cette connerie douillette, ces préjugés, des idées reçues qui aident à survivre...

Marcel Gauchet était hier l'invité de la fondation Jean Jaurès. Le thème : la gauche et l'individualisme. Rien à voir, bien sur, avec le Front National. Il était pourtant dans toutes les têtes à la suite des élections à Brignoles sans parler du sondage annonçant que pour la première fois le Front national serait en tête si les élections européennes avaient lieu dimanche prochain. Il était dans toutes les têtes, parce que lorsqu'on parle d'individualisme, qu'on en explique les causes, sa modernité, on est obligé de mettre le phénomène en référence avec le Front national, tel qu'il est... et que cet adversaire politique doit bien être apprécié avec les lunettes d'aujourd'hui pour être clairement identifié.
Pour Marcel Gauchet l'individualisme est le grand phénomène de nos sociétés européennes modernes.
Carte de France des émeutes en 2005. Pour violentes et
soudaines qu'elles aient été, elles n'étaient rien d'autres au
départ que la réponse à une bavure policière reconnue depuis
et le revendication d'entrer dans la République. Le phénomène
n'a pas eu de suite.
L'Etat social et la société de consommation sont les deux éléments nécessaires à l'individualisation. C'est un phénomène de droit au sens où il n'y a en droit que des individus également libres.
Au fond pour l'électeur du Front National comme pour l'émeutier des banlieues, qui peuvent exceptionnellement être les mêmes, il y a la demande de sa reconnaissance en tant qu'individu. Le vote Fn est un acte de désobéissance. Dans ce cadre, on comprend pourquoi toute la stratégie visant à le présenter comme un parti fasciste, qui devrait être interdit, n'a pour effet que de le faire grimper dans les sondages. 
Le vote Fn est l'un des moyens permettant à l'individu de s'affirmer au même titre que le port de la burka ou que les gestes de défis adolescents.

Marine Le Pen et son père. Il s'agit bien d'autre chose que de
la transmission du flambeau nationaliste qui s'est éteint. On est
là dans un système de revendication sans projet, qui n'a pour
seul moteur que la rancœur perpétuelle.
Dans ce cadre, les discours culpabilisants ou culpabilisés  expliquant que c'est parce que le gouvernement et les politiques ne font pas ce qu'il faut que le front national monte dans les sondages tapent à coté de la plaque quand ils ne cherchent pas, dans le cas du Front de gauche ou de l'extrême gauche notamment à tirer profit de la situation.
Or, précisément, ce qui fait que le Front National récupère l'essentiel de la contestation sociale, vient du fait qu'il n'a pas de programme, pas de cohérence. Ce n'est pas ce que l'électeur lui demande. ainsi les partis faisant référence à une structuration de pensée ancienne, à une cohérence d'organisation sont rejetés, à partir du moment où ils ne peuvent s'appuyer sur un individu. La montée de l'individu a pour corollaire le rejet de l'organisation au profit des réseaux. D'où, notamment le succès des "indignés" (Marcel Gauchet : j'adore ce mot, accompagné d'un large sourire), mais plus précisément, Marcel Gauchet explique comment la construction d'organisations s'avérait nécessaire face à une société hiérarchisée, impliquant de la part de ses opposants la capacité de se soumettre à un contre-système de même type. L'organisation a laissé de fait sa place aux réseaux, or le premier intérêt des réseaux est qu'on peut y adhérer et s'en séparer quand on le veut.

Pour Marcel Gauchet, la demande essentiel de l'individualisme est la substitution du politique par le juridique. Il s'agit bien sur d'une utopie. Elle aussi la revendication essentielle du néo-libéralisme. Mais cette demande se ressent très naturellement par la violence exercée vis-à-vis des institutions et de leurs représentants auprès de qui l'on se permet tout et à qui l'on reproche tout parce qu'ils ne représentent plus la société et ne sont que des individus à qui l'on peut tout reprocher et en particulier d'être de vouloir être moins égal que d'autres.
Marcel Gauchet cependant précise qu'une société d'individus est malgré tout une société. Il balaye un certain nombre d'identités reçues concernant notamment le communautarisme et la mondialisation.
Le communautarisme n'existe pas, notamment en France. On peut avoir quelques réactions identitaires, mais , à part quelques rares exceptions, aucune communauté ne s'exprime de manière unie. Pour lui, d'ailleurs, seule la mafia remplit ce rôle. Pour le reste, on a des individus qui utilisent le groupe pour s'imposer.
Pour ce qui est de la mondialisation, elle est pour lui, le contraire de l'impérialisme. La mondialisation est la conséquence de la multiplicité des intervenants et des échanges dans l'ensemble du globe. Il précise d'ailleurs que contrairement à une idée reçue, on ne peut pas parler de Nation dans la mesure où les Etats se sont imposés un peu partout et peuvent servir de médiateur dans l'ensemble du commerce mondial. On est, là aussi, dans le réseau.





Aucun commentaire: