lundi 2 avril 2018

J'ai adoré mai 68

La jeunesse française cherchant sa place
a su se retrouver dans l'image audacieuse
et généreuse de Cohn Bendit
Hommage soit rendu à José Alcala qui me permet de parler (un peu) de mai 68. 
Je dois avouer d'ailleurs que c'est à reculons que j'ai lu le post de sa caméra diagonale. Je voulais tout sauf m'engager dans une leçon sur une histoire vieille d'un demi-siècle, même si je m'en souviens comme si c'était hier. 
Pourtant, parce qu'il est subjectif, parce qu'il se revendique comme tel, le post de José est sans doute ce qu'on peut écrire de mieux sur le sujet; à la manière d'ailleurs dont France inter retrace la période par une suite de témoignages successifs aussi poignants que significatif du dernier événement marquant de notre histoire. 
A dire vrai les jugements sur mai 68 m'énervent, qu'ils relèvent du panégyrique comme de la condamnation. Ils ne sont pas à la hauteur du temps qui passe et de l'émotion qu'il dégage.
Mais justement, malgré son titre, le témoignage de José Alcala m'a épaté. Il présente une suite d'images entre l'émigré espagnol, engagé à 19 ans dans la télévision d'Etat déconcentrée et chargé de commenter des événements auxquels personne ne comprenait rien. 
J'avais 13 ans et j'habitais à Mont-Saint-Aignan à un kilomètre de la fac. J'allais au lycée à Rouen, et j'ai assisté à la montée en charge de la révolte de la jeunesse française. J'avais nettement le sentiment de vivre un moment privilégié.
Pour la grande majorité des français, il n'y avait
qu'une chaîne en noir et blanc, ringardisée par
cette célèbre caricature ... qui était aussi un appel
à la modernité
A vrai dire, les privilèges étaient partout. Il faisait beau, il n'y avait pas d'école. Les gens se parlaient partout, tout le temps. Ils parlaient de la révolution, de leur désarroi, de la jeunesse, de leurs attentes, les gens se parlaient de tout. J'ai vu mon père chanter l'internationale toute fenêtre ouverte, c'était la première et la dernière fois. J'ai vu  un drapeau rouge brûler à côté d'un drapeau bleu blanc rouge ... c'était au cirque d'hiver de Rouen sur le boulevard du Boulingrin, aujourd'hui disparu. A 13 ans, j'avais un regard d'enfant fasciné par l'héroïsme des grands frères, de ma grande sœur, et je savais qu'il était normal que je ne comprenne rien, puisque, eux, comprenaient tout. Ce n'est que bien plus tard que je compris que personne ne comprenait rien.
En mai 68, tout le monde était fou. La société était folle, folle d'espoirs et de générosités. Quelques années après l'invention du rock and roll et du twist, la société française, encore honteuse de la guerre et de la collaboration n'avait offert à sa jeunesse que la blessure invisible de la guerre d'Algérie. Sans

Le mouvement contestataire s'est limité à la jeunesse un peu
partout dans le monde. Seule la France a connu une grève
générale de plusieurs semaines. 
doute est-ce là l'une des raisons profondes du fait que la société toute entière se soit engagée derrière une révolte qui ne s'est pas limitée, comme ailleurs dans le monde au milieu étudiant. 
Mai 68 était un hymne à la liberté à la jeunesse bridée. Derrière le désir de révolution, ce formidable élan collectif, se cachait bien sûr les attentes individuelles d'une jeunesse en mal d'éclosion. On allait retrouver ses espérances dans un fatras mélangeant insatisfactions et idéaux généreux, tout ce qui, dans les années et décennies suivantes allait construire notre monde complexe et contradictoire. 
Je me permets de garder, au delà de souvenirs personnels que je dévoilerai au fil du temps, deux images emblématiques. 
La première est celle de la France entière a s'unissant en proclamant "Je suis Charlie", héritage précieux de l'esprit de mai, enfant d'Hara Kiri hebdo, organe de Mai 68. 
La deuxième, moins idéologique, plus technique est celle de la télé couleur. Eh oui, José Alcala le spécifie bien. Mai 68 est l'époque de la télé à une seule chaîne et en noir et blanc. 
C'est ce monde univoque que la jeunesse a rejeté, ouvrant la voie aux révolutions technologiques à venir. La société de marché a été la plus forte à répondre à des attentes que les révoltés eux mêmes ne soupçonnaient pas, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles frustrations. 

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