mardi 12 juin 2018

Comment sauver nos centre-villes ?

La ville, c'est la vie ! 

Salle pleine au Mata Hari à Evreux pour parler revitalisation
des centre-villes. Timour Veyri avait invité Hervé Le Bras, le
grand démographe et Martial Bourquin, sénateur dont le
projet de loi sera prochainement présenté.
Timour Veyri, patron des socialistes de l'Eure, avait mis les petits plats dans les grands pour parler d'un sujet crucial à tous niveaux : l'avenir des centres villes. En collaboration avec la fondation Jean Jaurès, il a fait venir une célébrité et un expert : Hervé Le Bras, sans doute le plus grand spécialiste français de la démographie politique et Martial Bourquin, ancien maire d'Audincourt et sénateur.
Ainsi le problème est-il national, et dépasse même nos frontières. Les centre-villes sont fragiles, mais sont encore plus fragilisés par le développement des ventes par internet, alors qu'ils se remettent difficilement du choc provoqué par le développement des grandes zones commerciales en périphérie. Ainsi, le gouvernement a-t-il lancé récemment un grand plan de revitalisation de 222 cœurs de villes, dont ont d'ailleurs bénéficié Evreux, Vernon et Louviers. Une autre action est menée sur le plan législatif. Actuellement Martial Bourquin travaille avec un sénateur de droite sur une proposition de loi qui sera prochainement soumis au Sénat.
Bien entendu, si le problème de la vitalisation du centre-ville touche la France entière, à Evreux la situation est catastrophique, conséquence d'une suite d'erreurs commises par la droite ébroïcienne, tout d'abord avec la création de la zone franche sur les hauteurs de la ville, le tout amplifié par un soutien aux grandes surfaces et notamment à la zone Mc arthur Glen dont les commerces n'avaient pas besoin. 
Protestation des commerçants à Louviers contre la conduite
des travaux. S'il suffisait de refaire des trottoirs pour
revitaliser un centre-ville, ça se saurait. Pour supporter les
désagréments dus aux travaux, les commerçants demandent
simplement à être consultés et, en option, d'être sûrs que les
travaux seront utiles. S'ils  sont aux premières loges, les 
questions soulevées par les commerçants sur la 
revitalisation du centre concerne finalement toute la ville 
A Louviers aussi, la situation est très mauvaise. Il n'est qu'à se promener en ce moment dans le centre-ville pour constater le nombre de commerces fermés, et parler un peu avec les commerçants pour entendre leurs plaintes. C'en est au point que certains  commerces ont dû licencier, cependant que les travaux réalisés sans concertation continuent de soulever les plus grandes inquiétudes. On retiendra aussi l'autorisation d'ouverture de centre-commerciaux le dimanche. A force de frapper sur des économies fragilisées, surtout au nom d'un projet mal conçu de revitalisation du centre-ville. Bref, comme on dit : ni fait, ni à faire. 

Voilà le contexte. L'avantage d'avoir invité Martial Bourquin, c'est que celui-ci a pu faire part de son expérience d'homme de terrain et d'homme de loi. Si à Evreux comme à Louviers le centre ville et le commerce souffrent, le phénomène n'est pas local mais national. L'un des phénomènes les plus marquants du développement commercial de ces dernières années a été la création de grandes surfaces en périphérie. Ce modèle est aujourd'hui dépassé par la livraison internet et révèle ses conséquences désastreuses des points de vue écologique et social. Grandes surfaces laissées à l'abandon, quand elles sont supplantées par d'autres, plus neuves. 
Le projet de loi propose d'agir là où ça fait mal. Il y a deux points essentiels : la fiscalité et l'aménagement des zones. 
Si les zones s'implantent à l'extérieur des villes c'est parce que le prix du m² est moins élevée, et parce que la fiscalité est moins lourde.  Le m² est moins cher parce qu'on ne vit pas et qu'on ne construit pas sur ces terrains jusqu'alors destinés  à l'agriculture. Il faut donc en surenchérir le coût et c'est ce que prévoit le projet de loi en contraignant les aménageurs de zone à payer leur remise en état pour l'agriculture et en leur faisant payer des taxes équivalentes à celles que payent les commerçants du centre des villes qui verraient, eux leurs taxes diminuées. 
Très belle idée à la vérité, qui ferait le contraire de ce qu'avait fait Debré à Evreux qui s'était débrouillé à créer une zone franche (la zone des Longs Buissons près de la Madeleine) qui a fait fuir du centre d'Evreux non seulement les commerces mais aussi notaires, avocats et surtout professions médicales. Une catastrophe sur laquelle il est difficile de revenir en l'état actuel des choses. Espérons que les propositions de bon sens proposées par Martial Bourquin seront retenues. La première étape sera le passage de la proposition de loi au Sénat. 
Reste que la loi ne peut pas tout résoudre. Martial Bourquin a su rappeler ce qu'il a pu faire en tant que maire de d'Audincourt, une commune de 15.000 habitants à proximité de Montbéliard. Bien sûr, chaque situation est différente et Audincourt n'est pas une ville-centre, à l'image d'Evreux ou Louviers. Mais il est sûr que ces communes ont des leçons à tirer de l'expérience d'Audincourt, même si, à Louviers comme à Evreux, l'action de la gauche au pouvoir n'a fait qu'entériner les pratiques municipales de Martial Bourquin. 
Louviers, par exemple a réussi a amener des habitants dans le centre ville grâce à une politique ambitieuse de logement sous la municipalité de Franck Martin. Cela a été possible grâce à la détermination du maire mais aussi par le fait qu'il a géré la ville pendant plusieurs mandats parce qu'une politique du logement se mène sur le long terme. 
Mais la vitalité d'un centre-ville ne dépend pas seulement de l'habitat. 
Il faut aussi que la politique municipale soit, bien sûr attentive,  au commerce. 
Ainsi le contre-exemple donné à Evreux où la création d'une zone franche à la périphérie de la ville a vidé le centre-ville de ses médecins, professions notariées et autres avocats qui ont préféré s'installer là où ils pourraient payer moins d'impôts, soulignant ainsi les effets pervers de la mesure de défiscalisation. Autre mesure, le fait de mettre fin à l'aménagement de zones de transports en commun.  
A Louviers, le maire a permis l'ouverture de grands magasins le dimanche, privant ainsi de clientèle le centre-ville à un moment clé. Mais la vitalité du commerce ne dépend pas que de l'attention portée au commerce lui-même.
Le rôle de la municipalité est essentiel. Si le maire sait être à l'écoute des commerçants, des habitants, s'il est capable d'insuffler une logique de confiance, s'il est surtout dans une volonté d'animation, c'est à dire de donner une âme à sa ville, alors le cœur de ville vivra, et ce bien davantage encore qu'en refaisant le macadam. La ville doit avant tout être un lieu de vie et de culture, le reste viendra à la suite. 
Au delà du conseil à suivre, la question du centre sera une question centrale lors des prochaines échéances électorales partout où le coeur des villes montre des signes de faiblesse, voire d'extinction.

On notera l'importance donnée au rôle du maire par Martial Bourquin au détriment de celui pris par l'intercommunalité.
Image tristounette de la "fête de Louviers", désespérément
vide de chalands, malgré un temps magnifique. C'est comme
si Priollaud faisait tout pour ternir l'image de notre ville. Il
y a urgence à agir
Étrange pour le maire d'Audincourt, commune elle même située au cœur d'une agglomération, mais après tout, pourquoi pas. Son action en tant que maire d'une commune sans doute riche a sans doute permis de mener une politique efficace et appréciée. Au delà de l'animation de sa ville, et du poids de l'animation culturelle, il a notamment eu une initiative très intéressante en faisant racheter par la ville des commerces à l'abandon pour les relouer à vil prix à des nouveaux commerçants. L'exemple a été mis en parallèle avec celui de Mme Coussens, commerçante historique d'Evreux, placée devant l'incapacité de revendre son activité depuis trois ans, ce qui situe l'état du marché. Elle a alors décidé de reprendre l'affaire qu'elle avait décidé de céder et d'en louer une partie à des start-ups en mal de locaux. Voilà donc le paradoxe : permettre à l'activité économique de repeupler et d'animer le centre des villes, une expérience à suivre, à n'en pas douter, menée par le biais de l'initiative privée, mais cohérente avec les actions publiques menées par ailleurs.
Pour autant, même s'il faut vanter les volontés municipales, en particulier lorsque les communes ont les moyens matériels et humains pour agir, il ne faut pas négliger, loin de là les intercommunalités. D'abord parce que, même si le cœur de la cité touche d'abord la commune, sa vie a un retentissement sur l'ensemble des collectivités alentours. La cohérence de l'action et la coopération face à ce type de problème est indispensable et a donné des résultats, notamment à Louviers et à son agglomération, où l'activité commerciale est devenue une compétence intercommunale par la volonté de Franck Martin tout en donnant des résultats intéressants, malgré quelques oppositions. 
Ce qui est certain, c'est que la situation économique et commerciale dans la zone de Louviers a connu une magnifique embellie grâce à l'action de Franck Martin ... mais que la politique de Priollaud remet gravement en question. En témoigne la première étude de l'Insee qui place Louviers en phase de recul récent 
Une étude aussi récente qu'inquiétante pour Louviers : la ville et son
agglomération sont victimes d'un décrochage récent. Vivement demain,
comme disait l'autre. Louviers a besoin d'un bon maire










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