samedi 29 septembre 2012

Mon intervention au congrès ... et des propositions qui décoiffent

Mon intervention au Congrès 2012 du parti radical de gauche
Le temps des radicaux 


congrès du prg 2012 au parc floral
Nous avons deux ministres radicaux au gouvernement, plus une figure emblématique avec Christiane Taubira. Nous avons un Président reconnu. Nous avons un groupe au Sénat, nous avons obtenu à l’arraché un groupe à l’assemblée nationale malgré les barrages socialistes. Nous avons un programme, justement baptisé « l’audace à gauche ». Nous avons une Histoire, nous avons une culture ! Nous avons une identité. Il ne nous manque quasiment rien pour être un vrai parti. En tant qu’organisation, ce serait une faute impardonnable que de passer à coté de cette chance.


Nous n’avons d’autre choix que d’être audacieux et responsables. En toutes circonstances, nous ne devons, nous ne pouvons nous montrer hostiles au gouvernement que nous avons contribué par les élections à porter au pouvoir.. Nous savons que la vie politique est plus rude pour les partis de gouvernements, mais nous savons que c’est là même que nous gagnons en crédibilité.


L’erreur cependant serait de nous comporter systématiquement comme une courroie de transmission du pouvoir, et d’apparaitre comme un courant externe du PS. Nous ne sommes pas socialistes, comme nous ne sommes pas verts et encore moins communistes, mais au-delà de ces définitions négatives, nous sommes radicaux, et il faut faire savoir ce que cela veut dire.


 Il faut être absolument moderne. Arthur Rimbaud, la radicalité
en pratique.
.
Mes chers amis, à l’heure où les conservatismes poussent comme des champignons, je vous engage à être absolument moderne, pour reprendre la formule d’Arthur Rimbaud.

Bien sur, il n’est pas question au nom de notre chère modernité, de laisser tomber nos valeurs et encore moins notre identité. Le monde bouge et, dans ce contexte, l’humanisme qui nous constitue, ne peut pas laisser la place au repli sur soi, ou au respect des traditions.



Le film de Visconti et le livre de Tomasi de Lampedusa
ont marqué le XXe siècle. Dans cette ouvrage, la
formule :  se vogliamo che tutto rimanga come è, 
bisogna che tutto cambi (Si nous souhaitons que tout 
reste en l'état, il faut que tout change). Une réflexion
profonde sur le réformisme qui va bien au delà de la
défense conservatrice des intérêts.
Être radical, c’est prendre les choses à la racine, et nos racines prennent source dans le combat pour la liberté et la recherche de la vérité, contre les dogmatismes, les absolutismes. Or, ce n’est un secret pour personne, nous sommes dans un monde qui bouge, celui même où pour détourner une formule de Tomasi di Lampedusa : il faut que tout change pour que nous restions nous-mêmes. Cela veut dire que dans ce domaine notre politique doit être offensive, audacieuse, sous peine d’être vouée à l’échec. Or, justement, parce que les socialistes portent le poids de la responsabilité de la gestion gouvernementale, nous devons avoir l’initiative des idées neuves, et de l’ouverture d’esprit alors que la tendance générale est à la défensive dans l’ensemble des partis et de la population face à un monde qui fait peur, qui se restructure dangereusement et où le risque est omniprésent. 

Prenons l’exemple de deux thèmes qui nous sont chers : l’Europe et la laïcité.

Sur l’Europe, nous sommes encore dans les conséquences du vote de 2005. Ceux qui ont voté contre trouvent la confirmation de ce que l’Europe n’est pas une bonne chose et qu’ils ont eu bien raison puisque l’Europe ne va pas bien, refusant bien logiquement toute responsabilité quand au délitement politique de l’Europe… cependant que ceux qui ont voté pour voient s’écrouler l’édifice européen et le renforcement des égoïsmes nationaux, dans une période où, précisément, la solidarité s’impose chaque jour d’avantage au niveau du continent.
Nous restons encore dans cette terrible logique du « sauvons l’Europe » … cette formule, je l’ai faite mienne, mais je me lasse de cette attitude défensive. Nous avons perdu le combat sur le référendum, mais la question de l’Europe se pose plus que jamais. Nous voyons bien que face aux logiques du système financier bien décrites dans la motion d’Hervé Causse, un pouvoir politique fort est indispensable, qu’il est le fondement d’un projet économique construit, et que derrière l’enjeu du maintien de la Grèce dans l’Euro se pose aussi la question du maintien de l’Euro lui-même, et enfin de compte du maintien de l’Europe au-delà d’un statut de coopération entre États qui nous conduirait à une impuissance tragique face aux enjeux réels du monde et une réelle et définitive mise en danger.. Il ne faut pas sauver l’Europe, il faut poursuivre la construction du projet Européen. Il faut notamment parler de la Turquie dont plus personne ne parle… parce que Sarkozy l’a honteusement écarté, ce qui nous coûte cher au niveau de l’Histoire.

Si la Turquie avait fait partie de l’Europe, ou avait eu la perspective d’en faire partie, les suites du printemps Arabe n’auraient absolument pas été les mêmes. Redéfinissons le projet européen et intégrons la Turquie dans le projet. Il faut parler du monde.

Il faut bien sur parler du projet fédéral, il faut être les porteurs de l’Europe, dans une période où les négociations intenses empêtrent le gouvernement et où les démagogies du front de gauche occupent l’espace politique au côté de la tendance nationaliste du Ps, que certains (je me demande pourquoi) appellent sa gauche … m’enfin !


Sur la laïcité. Là non plus il ne faut pas être défensif. Bien sûr, la laïcité, c’est la gauche, c’est la République, c’est les radicaux. C’est nous ! Nous en sommes fiers ! N’empêche que là aussi ce que nous défendons de la laïcité doit être modernisé. La laïcité que nous avons voulue, s’est imposée dans la société française. C’est un combat que nous avons gagné. S’il faut à présent se battre pour la laïcité, le combat n’est pas le même.

Le combat n’est pas le même : on n’en est plus à nous battre contre une église qui a fondé l’État et se confond avec lui. Ce combat contre l’évidence politique et sociale de la légitimité et de la tradition n’est pas le même que de permettre tous types d’expression religieuse à la condition qu’ils ne remettent pas en cause les droits de la femme et de la personne, qu’ils ne justifient pas l’oppression des peuples …

Dominique Wolton, sa réflexion sur le modernisme et les
communauté impose une autre vision de la laïcité
L’ennemi n’est pas le même. Effectivement notre combat pour la laïcité passe par la lutte contre toutes les formes de racisme, par  la lutte pour le droit à l’avortement et à la dignité, par la lutte  pour le mariage des homosexuels, c'est-à-dire par tout ce qui fait qu’on ne se retrouvera pas aux cotés de Marine Le Pen, des catholiques intégristes ou de l’Ump pour  mener un combat défensif aux conséquences incertaines. Ainsi donc, je l’ai dit, le combat laïc doit non seulement exclure toute forme d’intrusion de la religion dans le domaine politique, mais il doit aussi intégrer les logiques communautaires où s’organisent d’autres types de pouvoir. Dominique Wolton précise qu’à vouloir rejeter les identités, on favorise le communautarisme et l’on sait à quel point ce qu’on appelle les réseaux sociaux engendre ce type de comportement. La laïcité doit s’intégrer dans les logiques communautaires, dans la vie associative, dans les quartiers, dans la vie de la cité, lieu de la politique de proximité. La laïcité doit conquérir le quotidien, c’est à mon avis son nouveau combat et sans doute les radicaux ont, grâce à leur implantation locale des atouts à ce niveau là. Au-delà de l’action concrète, la laïcité doit aussi évoluer théoriquement. Renforcer l’identité dit Wolton, il a raison, est un moyen d’éviter le communautarisme.. Et Tobie Nathan dit « l’identité est un projet ». Parler d’identité, reprendre le principe d’enracinement de la philosophe Simone Weil, ne pas laisser ce terrain à la droite, à l’extrême droite, aux fanatismes, et défendre la réciprocité de l’individualité et de l’universel. Tel est à mon sens le combat de la laïcité moderne.
Photo illustrant Ethno -roman, le dernier ouvrage de  Tobie Nathan,
inventeur de l'ethno-psychiatrie. Sa réflexion
sur l'histoire des individus et la manière dont celle-ci croise
nos cultures impose une nouvelle façon d'agir politiquement.

J’ajoute un dernier exemple qui nous distingue des Verts, et notamment parce que nous sommes impliqués dans l’action locale, et porteurs d’une démarche pragmatique. Les pieds sur terre, même si nous avons le nez dans les étoiles. Nous avons des valeurs, nous aimons la nature, cela nous a valu quelques accointances avec les Verts, mais jamais nous ne ferons de la nature ce paradis perdu dans lequel l’homme ne serait qu’un pêcheur éternel.  Nous revendiquons une nature domestiquée et respectée par l’homme, qui sait qu’il ne peut se construire en dehors d’elle, qui sait ce qu’il lui doit, mais qui ne doit pas s’y soumettre. Parce que la nature de l’homme c’est le refus de la soumission. Pétrole, énergie nucléaire, gaz de schiste même, aucun débat ne doit être éludé, mais jamais il ne doit être question de soumettre à l’idéologie de la décroissance, toute une part de l’humanité qui n’a pu jusqu’à présent tirer bien-être et profit de ce que la croissance a pu nous apporter faisant de nous les privilégiés de l’humanité. Nous devons sur tous les points nous distinguer d’un débat idéologique pour poser les bonnes questions, celles qui débarrassent des a priori et des préjugés, celles qui permettent des réponses durables.

Je vous propose donc mes chers amis de reprendre en main le projet radical, celui que nous sommes les seuls à porter. Parce que nous n’avons pas la lourdeur de fonctionnement du parti socialiste, parce que notre histoire, notre identité sont beaucoup plus saines, parce que nous sommes plus naturellement ouverts aux débats.

D’immenses chantiers attendent la France dans l’Europe et dans le Monde qui évoluent très vite. Les programmes sont dépassés avant que le texte ne sorte de l’imprimerie. Mais ce qui est pérenne, c’est notre capacité à comprendre, à saisir le présent pour construire l’avenir. Les radicaux doivent accueillir les intellectuels, doivent leur permettre de s’exprimer et de permettre un débouché politique.

C’est à cette condition que nous deviendrons un parti incontournable. L’audace à gauche est notre seul programme, c’est un beau titre, il faut continuer de lui donner corps.

J’ai déjà parlé de nos principes sur la laïcité, sur l’humanisme, sur la nature, sur l’Europe la finance, l’euro et ses déclinaisons politiques … ce sont là d’immenses chantiers où nous devons nous préparer à penser autrement d’ici quelques années et qui se résume dans cette idée utopique, généreuse qui nous amène à prôner, bien que nous n’en parlions plus guère : la 6e République.

Simone Weil, l'une des plus grande philosophe
du 20e siècle. Issue d'une famille juive agnostique,
elle suit l'enseignement du radical Alain. Elle s'est
engagée aux côtés des Républicains et a fini sa
réflexion par un ouvrage catholique sur
l'enracinement. Elle est décédée en 1943 à Ashford.
Elle avait 34 ans.
Projet, essentiel parce qu’il s’agit vraiment de sortir de ce bricolage institutionnel, nous devons continuer à être le fer de lance de la modernité. Nous avons été suivi par Montebourg et les Verts, au point qu’il y a confusion … mais il faut marteler les initiatives nouvelles, tout en continuant à dire l’importance de la concomitance entre élections présidentielles et législatives et suppression du poste de 1er ministre. Je rajoute une autre idée  relative à la représentation nationale.


Celle-ci  est très mal assurée dans notre République. Est-il normal que des candidats qui font 18 % des voix, ou 10 %  à l’élection présidentielle soient quasi-absents de l’assemblée nationale. Je ne le pense pas. Bien sur, une assemblée sans facho, ça peut faire plaisir… Mais ça me semble un mauvais calcul. On ne peut pas appeler ça la représentation nationale. On peut bien sur ajouter un peu de proportionnelle. Cela me semble insuffisant.

On sait aussi que le Sénat n’est pas représentatif de la Nation. Depuis longtemps, et même si, tout un ensemble de circonstances ont valu à la gauche d’y être majoritaire. Alors proposons une réforme audacieuse du mode de scrutin.

Est-il normal que seuls certains élus locaux aient le droit de vote ? De distinguer les « grands électeurs » du reste de la Nation ?  Ce mode de scrutin est archaïque.

Si le Sénat représente les territoires, tous les territoires, alors tous les citoyens doivent avoir le droit de vote. Parce qu’ils y habitent. Qu’il n’y ait plus grands et petits électeurs.  Voilà qui flaire son 19e siècle, sa hiérarchisation censitaire  et se trouve  coupé de la réalité. Comment voulez vous que les citoyens s’intéresse à la vie du Sénat ?

Je propose la chose suivante : désigner les représentants de l’assemblée nationale par scrutin de liste, et désigner les représentants du Sénat par circonscription, de même manière que sont actuellement désignés les députés. Il s’agit là, j’en ai bien conscience d’une proposition radicale. Elle mérite qu’on y réfléchisse.

Ce qui nous est indispensable, pour rester des acteurs de l’Histoire, conditions pour être un vrai parti, c’est d’agir sur les événements avant que ceux-ci n’agissent sur nous.  Sur ces chantiers, nous avons besoin de tous. Des forums participatifs, des think tanks ouverts avec des invités que l’on souhaite prestigieux. L’avenir du radicalisme repose dans le débat.

A nous de le lancer.


Voici venu le temps des radicaux !





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