dimanche 15 avril 2012

Pas fraîche ma campagne ?

La campagne est ennuyeuse ...Ah bon, vous trouvez  ? Mais vous attendez quoi d'une campagne, au fait ? Vous attendez quoi d'une campagne, en fait ? Pour tout dire, mon caractère de coureur de fond m'interdit de m'ennuyer dans une  campagne. La démocratie est toujours une  fête, et je suis toujours heureux lorsqu'on vote ! Par dérision, je disais à une  époque, que si j'étais président de la république, j'instaurerais  une  élection tous les dimanches. Façon  poule au pot d'Henri IV !  Quel beau rituel que celui de la République en action, celui  qui agite et qui rythme nos cités certains dimanches. Bien sur, il y a le foot tous les dimanches, et tous les  matchs ne se valent pas, les spectateurs le savent. Mais la démocratie est aussi une fête parce qu'elle dresse le  portrait  croisés  de nos volontés, de nos attentes, de nos  illusions et de nos déceptions. Lors du passage de Manuel Valls à Louviers, c'est à peu près la seule question que j'ai eu l'occasion de lui poser : Alors, ennuyeuse cette campagne ? Qu'est ce que tu en penses ? 
La réponse a été assez cinglante ! En football, pour reprendre la métaphore, le but des entraîneurs n'est pas que le match soit beau, il est que leur équipe gagne ! Le directeur de campagne de François Hollande s'était peut être senti visé, mais il m'a rappelé que depuis qu'il faisait de la politique, il avait toujours entendu la même chose ... et de me rappeler la campagne de 1981.
Le rapprochement est  intéressant. C'est vrai que vu de loin, 1981 était le remake de 1974, avec les mêmes protagonistes, et pour ceux qui attendaient le renversement de la société ... l'annonce que c'était déjà foutu. 
On peut dire ce qu'on veut, mais le vrai protagoniste de toute campagne électorale, c'est l'Histoire, et pas  les directeurs de communication ou les amuseurs de tel ou tel camp. 1981 portait en lui la fin des illusions d'une union de la gauche porteur d'un socialisme avenir de l'humanité ! Il était effectivement le rejet d'une politique giscardienne incapable de répondre  à la réponse diffuse d'un peuple toujours en attente, même s'il ne savait pas ce qu'il attendait.  Mais il fallait montrer que la société était capable de bouger et de remettre en cause le socle de l'organisation politique issue de la guerre d'Algérie. La gauche était seule capable  de réaliser cette attente, même si celle-ci était mal exprimée.
En quelque sorte, 1988, en a été la confirmation. L'aspect innovant de la campagne était qu'il s'agissait de la première réalisée dans le cadre d'une cohabitation. Président de droite, premier ministre de gauche issu de la cohabitation. Mais en fait, il n'y avait pas vraiment de nouveauté là non plus et le seul fait marquant a été le coup de Jarnac  d''Ouvéa, réalisé par le Dr Pons et Charles Pasqua ! Un film retrace l'événement, L'ordre et la morale, réalisé par Mathieu Kassovitz, il faudrait que j'aille le voir.
L'affiche du film paru en 2011
Après, il y  eu la campagne de 95, avec la  trahison Balladurienne, et le retour inespéré du candidat Chirac, c'est vrai que c'était marrant, et très typique des querelles de légitimité de la droite, qui s'est ridiculisée en permettant à la gauche de reprendre du poil  de la bête, mais je ne sais  pas si tout cela a été profitable à la démocratie. 
2002 a été le cauchemar des démocrates. Pas seulement par le résultat. Je me souviens d'un moment difficile de ma propre existence, à la mi-avril, ou sur une route longue que j'avais à faire en voiture, je me suis tapé les discours des 12 candidats à la présidence  de  la République.  Je me suis demandé dans quel pays je vivais. Une surenchère terrible, à la suite d'un fait divers monté de toute pièce par tf1, les candidats s'étaient lancé dans une course sécuritaire entre Chirac, Le Pen, Mégret, Chevènement et Bayrou que j'ai entendu à la suite. Pas de doute tout cela amenait tout droit au résultat du 21 avril... Inattendue cette campagne, c'est sur et par sa forme et ses résultats, mais pas fraîche, ça non !
Alors, bien sur, il y a eu 2007 !
Deux candidats de rupture ! Rupture avec les appareils, car Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy avaient tous deux réussi à s'imposer face aux vieilles barbes, rupture dans leurs vies personnelles puisqu'ils auront été les premiers cocus révélés à se présenter au destin suprême, ce qui était la marque incontestable de leur modernité, au delà de la génération dont ils étaient porteur (la mienne, ndlr, ils sont nés la même année que moi) qui étaient celle amenée à la politique par mai 68. Des trouvailles, de la bravitude au travailler plus pour gagner plus, et le lâchage en règle de Ségolène par l'appareil qui ne lui avait toujours pas pardonné. On peut rajouter la montée  de François Bayrou comme marqueur supplémentaire de la présence d'une nouvelle génération.
Et voilà, nous y sommes. 2012 sera probablement à 2007 ce que 1981 a été pour 1974. Une revanche, la fin des illusions ... Forcément, la fin des illusions, c'est moins amusant que l'enthousiasme onirique ... Ça laisse de la  place à Mélenchon, un peu ! Mais le fait essentiel est surtout que la campagne a été longue, et qu'à force on s'y répète. Oui, ils ont tous le même âge, le mien, sauf qu'ils ont pris cinq ans de plus ... et je serais le dernier à pouvoir leur reprocher !
Pour ce qui est du discours usant, je ne parle pas tant de Hollande, après tout en campagne que depuis les primaires, mais je parle évidemment du candidat Sarkozy qui, malgré tous ses efforts pour se contredire, reste quand même l'épuisant bateleur de foire, au discours de plus en plus inaudible et dont le talent s'use inéluctable, n'ayant jamais cessé d'être en campagne depuis son élection ...  La victoire de Hollande sera d'abord la défaite du sarkozysme ! En soi, c'est un sujet de satisfaction largement suffisant !


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