jeudi 5 avril 2012

Bossi c'est fini !

 Bossi père et fils, inculpés pour corruption
C'est un coup de tonnerre dans la vie politique italienne, mais elle doit nous servir aussi de leçon, le chef et créateur de la Ligue du Nord, Umberto Bossi vient de démissionner pour le motif incroyable de corruption avec la N'drangheta, la mafia calabraise.
Rappelons qui est Umberto Bossi pour mesurer la hauteur du scandale.
Certes, toute comparaison politique est hasardeuse et il est difficile d'expliquer à un public français la politique de l'autre coté des Alpes. La politique est le fruit de l'histoire et de la culture des peuples. Mais nous en avons toujours des leçons à tirer, la politique ce sont les petites et les grandes histoires de l'humanité. Umberto Bossi se situe à l'extrême droite de l'échiquier politique, mais il représente une extrême droite qui n'a que peu de choses à voir avec notre extrême droite française liée à Vichy, ni avec l'extrême italienne, marquée par le fascisme.
Au départ la démarche d'Umberto Bossi est régionaliste. Il crée la ligue lombarde, défend l'autonomie puis l'indépendance de sa région. Il va créer par la suite la Ligue du Nord  en faisant alliance avec un parti piémontais. Il va revendiquer la création de la Padanie (c'est à dire de la région du Pô, région la plus riche d'Italie)...Cet État du Nord sera celui des gens qui travaillent  contre  les gens du sud qui sont, au mieux des fonctionnaires représentant le pouvoir tentaculaire de Rome, au pire  des assistés feignant, vivant des fruits de diverses magouilles et de travail au noir. Voilà qui les séparent du mouvement fasciste classique qui se référait à la Rome antique et à la grandeur italienne.
Difficile aussi de comparer avec l'extrême droite française. En fait cette bande de fous furieux, auprès de qui Marine Le Pen passerait pour une laxiste  invétérée, a obtenu une réussite politique à qui rendrait jaloux tous les stratèges du Front National. Il  a participé au gouvernement de Berlusconi, et il est à la tête de mairies importantes dans le Nord. Le racisme, l'exclusion, la haine du sud et de l'étranger et des homosexuels sont leur viatique politique et leurs propos les conduiraient devant les tribunaux en France.
Umberto Bossi aurait pu passer pour un rigolo... mais il est devenu ministre, par la grâce de Berlusconi qui s'est montré prêt à toutes les compromissions pour garder le pouvoir et se protéger de poursuites judiciaires... une protection qui appairait totalement vaine aujourd'hui, mais c'est un autre problème... Car les institutions ont quand même réussi à sauver la République Italienne.
Bossi a malgré tout réussi à imposer sa vison complètement décalée et réactionnaire de la vie politique. Le fait même d'avoir été ministre soulignait que son point de vue pouvait être pris en compte... C'est ce à quoi la France a jusqu'à présent échappé grâce au cordon sanitaire que Chirac avait imposé à la droite française qui permettait de tenir le Front National à l'écart. Le parti de Bossi a réussi dans le Nord des scores à faire pâlir d'envie le Front National, réussissant à gérer de nombreuses villes ...
Mais voilà que le voile se déchire. Ce même parti poussait les hauts cris lorsque Roberto Saviano, le grand journaliste italien (Roberto Saviano vit depuis 4 ans sous la protection de la police Italienne pour avoir dénoncé la mafia) a déclaré dans une émission télévisée (Vieni via con me) au succès immense qu'il était certain du financement de la Ligue du Nord par la N'drangheta a été contraint aujourd'hui à la démission.
Pour mémoire, ce que j'écrivais autour de l'ouvrage et du film de Roberto Saviano il y a trois ans : vous pouvez lire en cliquant ,. Pour information, Le combat continue est le nom de l'ouvrage traduit en français, qui reprend les entretiens tenus pendant cette émission qui a eu un immense succès en Italie référence du livre en tapant   Mais je m'égare, je reprends le fil du récit...
Donc, reprenons vite fait. Que fait Roberto Saviano, la référence des opposants de gauche à la mafia dans une émission de télé suivi par des millions de spectateurs (le nombre de spectateurs a dépassé ceux d'un match de foot avec le Milan AC, c'est dire !) ? Il dit : il y a des liens entre la ligue du Nord et la mafia du Sud ? Comment dire ? C'est comme si on disait que Marine Le Pen était financée par Guérini et le socialisme marseillais... ? Non, c'est pire ! Donc là dessus, forcément, réaction de Bossi qui hurlent à l'infamie et au scandale .. et voilà ! Six mois après, le scandale éclate et Bossi démissionne ! Déflagration chez les membres de la Ligue, leur héros, le fils de leur héros vont passer devant la justice ... et pas seulement, avec le fait que, comme le déclarait Roberto Saviano, ce ne sont pas des victimes de la mafia qui les auraient corrompus à l'insu de leur plein gré, mais c'est eux-mêmes qui sont allé chercher auprès de la N'drangheta ... avec pour but un enrichissement personnel parallèlement à un enrichissement du parti, mais les suites judiciaires nous en apprendront davantage.
Mais il faut aller bien au delà de la critique d'une idéologie d'extrême droite délirante. Bien sur, le repli sur soi ne protège de rien et même pas de soi-même. Bien sur, les idéologies racistes, sexistes et xénophobes sont lamentables, même si elles se voilent derrière la phraséologie du "tous pourris" qui n'est souvent que la frustration de ceux qui ne veulent arriver au pouvoir que pour leur propre satisfaction. Bien sur la participation à la politique berlusconienne était déjà la reconnaissance d'un corruption interne profonde... et tous ces éléments pèsent sur toutes les démarches populistes et sur leur absence de perspective... Mais au delà, l'exemple italien doit nous éveiller sur le poids que peut prendre la délinquance financière sur la politique en Europe. La Liga Nord, était l'un des partis les plus puissants d'Italie. Soyons vigilants. Défendons la République, le progrès et la démocratie.
Enfin, un dernier mot pour rendre hommage à Roberto Saviano ! Comme je le dis à chaque fois, la République, c'est le courage et il n'est pas d'autre voie que le courage républicain pour s'opposer aux puissances financières.

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