jeudi 21 septembre 2017

Montpellier suite : c'est grave docteur ?

Fin de la décentralisation  

Tant qu'on ne parle que de mesures partielles s'attaquant aux modes de
gestion des collectivités, on a du mal à réaliser que la France retombe
dans son vieux travers névrotique : la méfiance chronique de la liberté
locale en provenance de l'un des Etats les plus centralisés du monde
De tous les ateliers des journées de Montpellier, c'est celui consacré à la décentralisation qui a eu le plus de succès. 
En fait, entre les annonces concernant la fin des emplois aidés, la baisse des aides aux collectivités, la mort programmée de la taxe d'habitation, la répartition des compétences entre Régions et Département, la reprise en main de l'Etat, et ce dans une absence totale de précaution à l'approche de l'élection sénatoriale, laisse présager le pire : 

La recentralisation est en marche. 

Le débat était passionnant, chacun avait des choses à dire. J'ai écouté attentivement, avant de me rendre compte que j'avais laissé passer mon tour. Dommage pour moi et pour tout le monde. Il me semblait important de revenir sur un point essentiel : la décentralisation est la grande œuvre du gouvernement d'union de la gauche de François Mitterrand. Il s'agissait d'une réforme profonde qui a suscité pas mal de réticences et beaucoup de débat. En gros, la droite gaulliste y était clairement opposée. On entendait des choses comme le fait qu'on allait reconstituer des baronnies. Il est vrai que la Normandie, par exemple, a eu à subir le poids politique de Lecanuet député maire de Rouen, président du conseil général, président de la Région, sans parler des à-côtés. Mais justement, il faut considérer que la limitation du cumul des mandats a été une suite logique de la décentralisation, qui voulait éviter de donner trop de pouvoirs aux élus locaux.
Tout cela ne doit pas faire oublier l'intérêt historique de la décentralisation, même si cela n' intéresse les français que de manière secondaire. 
La décentralisation a fini par s'imposer. Elle s'est même tellement imposée qu'elle s'est inscrite dans la constitution, à la suite d'ailleurs de l'impulsion qui lui a été donnée par le gouvernement Raffarin. De fait, depuis 1981, malgré le choc qu'a pu représenter pour l'Etat français l'acceptation de sa propre de dé-centralisation, toutes les mesures se sont traduites par un renforcement des pouvoirs locaux. C'était bien la reconnaissance de l'intérêt et de l'efficacité de la décentralisation dans l'action publique. 
Citons comme principaux éléments outre le fait que l'Etat français dès 1982 reconnaissait l'existence des Régions, départements et communes comme collectivités autonomes, créait une fonction publique territoriale facilitant la mobilité et la formation des personnels des collectivités avant d'inscrire la décentralisation dans la constitution, de redessiner le pouvoir des communes grâce à l'intercommunalité ... Bref, la décentralisation s'inscrivait jusqu'à il y a peu comme un mouvement irréversible.
On ne sait pourquoi on est revenu en arrière. Bien sûr, Sarkozy a dénoncé en premier la gabegie des deniers publics et la mauvaise gestion des collectivités. 
Cela ressemblait alors à une mauvaise plaisanterie. De fait, l'Etat a renoncé progressivement à énormément de ses prérogatives pour les confier aux collectivités locales. Forcément, cela a eu pour conséquences d'alléger les charges de l'Etat et d'alourdir celles de collectivités. On doit aussi reconnaître que, par exemple la qualité des équipements notamment scolaires, des collectivités s'est grandement améliorée, notamment en ce qui concerne les lycées et les collèges. J'y vois la conséquence bénéfique d'une politique de proximité où les élus rendent des comptes aux usagers et aux électeurs. Fini les lycées-caserne, qui ont fait les plus beaux slogans de ma jeunesse contestataire mais qui n'existent plus aujourd'hui. 
La carte des nouvelles régions. Une double,
une triple absurdité si l'on excepte la réunification
de la Normandie. Au delà du massacre des identités
locales, il y a l'incapacité à donner un sens aux
nouvelles unités. Le seul argument était de vouloir
des régions plus fortes et moins coûteuses. Or, on
n'a pas donné plus de pouvoir aux Régions et les
logiques de recalibrage ont engendré des coûts
supplémentaires qui ont dépassé des économies
marginales. Triple zéro !
Alors, forcément, cela a un coût ! C'est ce coût qui semble insupportable à l'Etat aujourd'hui. J'y vois aussi l'occasion pour l'appareil d'Etat, certains parleront de l'Ogre de Bercy, de reprendre la main sur la gestion locale, la décentralisation n'ayant au fond jamais été digérée par l'Etat centralisé.  Peut-on croire que Macron, n'ayant jamais été élu local, et ayant été nourri par ledit appareil d'Etat ne fait qu'encourager le mouvement. Il n'empêche, la recentralisation a commencé bien avant.
Sous Sarkozy, je l'ai déjà dit, et sous Hollande, même à petite dose. 
Ainsi s'est on mis à parler de clarification des compétences. Une manière de dire que chaque collectivité devait rendre des comptes sur ses seules compétences. A dire vrai, cela m'a toujours semblé une absurdité. Un élu, parce qu'il est élu du peuple, doit rendre des comptes sur tout. On voit mal un élu répondre à un de ses administrés : vous avez un problème de route ? Attendez, c'est pas moi, allez voir à côté.
Je m'étais rendu compte lors des élections départementales, à quel point il était absurde pour un conseiller départemental de faire campagne sur le transport, par exemple, sachant que les collectivités qui s'en occupent sont différentes selon qu'il s'agit du mode de transports, s'il est scolaire, et encore, s'il concerne les lycées, les collèges, ou selon les types de ligne qu'il concerne. Sur ce point comme sur tous les autres, l'élus doit se débrouiller avec des responsabilités qui ne sont pas directement les siennes. On ne lui demande pas d'agir comme un fonctionnaire. L'élu a, par nature une compétence générale, et tel est le cas de sa collectivité. Là dessus, on peut aussi supprimer un échelon, le département par exemple, ou alors les communes qui seraient en fait les intercommunalités, mais il faut le dire clairement.  
Ce qui est sur, c'est que l'un des faits majeurs du recul de la décentralisation a été la création de ces nouvelles régions, sans cohérence aucune, à l'exception de la Normandie, grâce à l'excellent Bernard Cazeneuve.  Il s'agissait en fait, disait-on de faire des économies. Sauf que les économies à faire non seulement ne constituent jamais un projet politique et que d'autre part la solution était mal préparée donc coûteuse ... Sauf que cela n'était que l'annonce de ce qui se fait aujourd'hui. 
J'ai été le premier à applaudir à l'annonce de l'abolition, ou quasi de la taxe d'habitation. Même si je n'ai toujours pas compris pourquoi la supprimer pour 80 % des foyers et non 100 %. La taxe d'habitation est le plus injuste des tous les impôts. Tout le monde le sait. Encore faut-il que la suppression de cette impôts ne se traduise pas par une baisse de moyen ou d'autonomie des communes et collectivités locales. 
On sait, depuis au moins 100 ans qu'il y a trop de communes en France. C'est l'histoire des 36.000 communes. On a commencé l'intercommunalité, il faut poursuivre le mouvement, en transformant ces intercommunalités en communes nouvelles. 
Il y a des solutions. Mais celles-ci doivent avoir pour but de renforcer la démocratie de proximité et de developper l'autonomie des collectivités. Elles doivent être un projet politique avant d'être une nécessité comptable. 
J'y reviendrai. Nous y reviendrons. Tel sera le thème d'un prochain café radical sur le thème de la démocratie de proximité, qui est lourdement mise à mal.

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