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Jérôme Cahuzac. Son mauvais comportement n'a rien révélé
de nouveau en ce qui concerne les rapports entre le pouvoir,
et ceux qui devraient être ses serviteurs. Démocratie, liberté
de la presse, indépendance de la justice sont les meilleurs
remparts contre les excès. Cela s'appelle la République.
Ce n'est pas elle qui est en crise.
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de nerfs !
Je voulais parler de l'affaire Cahuzac. Moins horrifié par les délits de notre ancien ministre du budget que par toute une série de commentaires, allant des larmes de Gérard Filoche, aux propos convenus de la droite parlementaire en passant par les appels pathético-démagogiques de Mélenchon, rabatteur de voix pour le Front National.
En fait, j'ai l'impression que c'est "Le mystère français", l'ouvrage d'Hervé Le Bras et d'Emmanuel Todd qui donne les meilleures clefs pour comprendre ce qui se passe dans notre société.
C'est vrai qu'on entend des choses incroyables. "J'ai mal à ma République" ai-je entendu au cours d'un débat interne ! A quoi je réponds que ma République à moi va très bien. Ma République a permis que les méfaits de Cahuzac soient connus, soient dénoncés, et que Cahuzac soit soumis à l'opprobre et contraint à la démission. Les alternatives à la Républiques ne sont pas nombreuses. Elles sont dans un monde dominé par les militaires ou les robots. Le monde dominé par les militaires, la dictature, est le contraire d'une protection contre la corruption. C'est juste un monde qui refuse toute opposition. Or, que serait devenue l'affaire Cahuzac dans ce monde là ? Rien du tout. On n'en aurait même pas entendu parler.
Pour ce qui est du monde dirigé par des robots, il ne s'agit pour l'instant que d'un fantasme. Le pouvoir est une production spécifiquement humaine, présent dans toutes les sphères de la vie sociale. Le pouvoir d'un individu n'a de frein que dans la soif de pouvoir de ses concurrents mais surtout dans le refus de soumission des citoyens. De ce point de vue, la réaction de la société française est plutôt bon signe.
Reste un fantasme plus grave encore qui serait celui d'une société absolument vertueuse. Une société qui sélectionnerait ses dirigeants en fonction uniquement de leur savoir et de leur vertu. Utopie me direz-vous ? Que nenni ? Cette société existe... C'est le Vatican ! Bref, on sait aussi qu'elle n'est pour personne un exemple de moralité ni de bonne gestion ... Passons !
La République c'est la séparation des pouvoirs et l'existence de contre-pouvoirs. En cela l'affaire
Cahuzac ne correspond ni à une mise en danger de la République, ni à une crise. Elle démontre toute l'efficacité du système, la liberté de la presse, sa capacité de dénonciation, d'indignation, le niveau d'exigence de la population et la vitalité des contre-pouvoirs.
En cela, même si elle touche le plus haut niveau de l'Etat, l'affaire Cahuzac est infiniment moins grave que l'affaire Guerini, qui révèle une organisation certes localisée, mais révélatrice d'un système gangrené, mettant sous sa coupe presse, contre-pouvoirs, et instituant pour plusieurs générations une dérive mafieuse du pouvoir. Là non plus, nous n'en avons pas encore vu le bout, mais les conséquences risquent d'être beaucoup plus lourdes pour la République.
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Il y a un mystère français. Pour le percer,
il faut chercher les clefs à l'intérieur du livre. |
Vous me direz : cela nous emmène loin du
mystère français, le livre d'Hervé Le Bras et d'Emmanuel Todd.
Pas tant, je trouve, car il y est question de ce besoin très français d'exister par la catastrophe. L'une des démonstrations du livre tient en ce que dans un ensemble de contradictions, la France, ces trente dernière années, a continué à exister, à s'éduquer lors même que l'on s'acharne à dire que les trente glorieuses ont laissé la place aux trente piteuses ...
Les banques s'empiffrent mais la Sécurité sociale tient le coup.
Le niveau d'éducation n'a cessé de s'élever, la France est toujours en demande d'égalité, de liberté et de République, indépendamment d'une tendance lourde à une droitisation de la société. Hervé Le Bras et Emmanuel Todd démontrent, dans cet ouvrage qu'il faut lire, pourquoi Mélenchon, porte-parole d'un monde perdu, ne peut faire qu'alimenter le moulin du Front National, porteur d'un discours plus moderne, reliant individualisme et frustration.
Reste un point sur lequel je souhaite conclure :
la 6e République.
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Mélenchon voit la crise, comme Luther voyait le diable ... Elle lui donne les raisons de sa propre existence. Las, Luther a réussi à révolutionner la réligion, quand Mélenchon ne se bat que pour un monde disparu. |
La 6e République est une revendication du parti radical de gauche qui a, c'est vrai, été reprise par Arnaud Montebourg en son temps et que Mélenchon tente de récupérer, tout en finesse, comme à son habitude ...
L'originalité de la revendication radicale, c'était de proposer de construire une Constitution cohérente, en dehors de toute crise. La 5e République a été construite sur mesure pour permettre au Général de Gaulle de mettre fin à la guerre d'Algérie. On est loin du projet d'une République moderne, s'appuyant sur l'Europe pour mettre en oeuvre un développement économique respectueux de l'environnement. Or, la proposition radicale s'appuie sur une proposition de consensus. Elle serait la première constitution qui serait bâtie sur la Raison, et non à la suite d'une crise.
C'est effectivement tout le contraire du projet de Mélenchon, qui reprend le thème de la 6e République en criant à la crise, en l'invoquant à l'image de Luther qui voyait le Diable au fond des latrines ...
Mélenchon oublie simplement que c'est lui qui serait laminé en premier par la crise, laissant le Front National et l'extrême droite tirer les marrons du feu.