Nous en avions déjà parlé lors de la sortie remarquée de son ouvrage "La crise qui vient". En fait, Laurent Davezies s'amuse lui-même du titre, dramatisant, catastrophiste, dont il n'est pas à l'origine. Le sens du titre n'évoque pas une crise à venir, mais l'évolution de la crise qui est là, depuis 2008, et qui frappe diversement les territoires. La crise qui vient, c'est donc la crise telle qu'elle évolue, telle qu'elle nous touche et nous touchera, plutôt qu'une crise qui sera encore plus terrible que ce qu'elle est actuellement.
Je vous propose d'écouter la conférence que Laurent Davezies a faite devant les cadres territoriaux en formation à Strasbourg, en cliquant là .
L'auteur en livre un peu plus sur l'état de sa réflexion qui touche sur la répartition des richesses entre territoires, les conséquences sur la vie des habitants, la mobilité de ceux-ci (eh oui !... parce qu'ils peuvent partir les habitants, et dans le cadre d'un territoire en crise, la débauche de moyens pour les faire rester n'est pas obligatoirement intéressante).
Laurent Davezies, économiste avant d'être démographe, insiste sur le fait de l'évolution de l'emploi féminin depuis la fin de la deuxième guerre mondiale qui s'est développé sur le marché de l'emploi non qualifié, un marché où la main d'œuvre masculine a marqué un recul considérable, aboutissant lors des crises de l'emploi à un bouleversement complet des valeurs. Laurent Davezies, qui en parle dans son livre, mais pas dans la conférence ci-dessous, fait d'ailleurs un lien entre ce phénomène et la montée du front national, lorsque les hommes, référent social par excellence, se retrouve relégué à l'inutilité et à l'isolement dans un territoire en crise. Mais ce qui se passe à l'intérieur des territoires, n'est qu'une conséquence de la manière dont on considère les territoires en fonction d'une politique Nationale.
Ainsi est il question y parle des indépendantismes, forcément, qui titillent les régions riches, on y parle de la Corse, et de la réaction de Chevènement à la suite de l'assassinat du Préfet Erignac : combien coûte la corse ?
Réaction étonnante de la part de Chevènement, amoureux de la Nation tel qu'on le connaît ... car une Région qui coûte aujourd'hui peut être une Région qui rapporte demain, et qu'à tout prendre, la solidarité est une part majeure de la force des Nations.
La volonté pour les régions riches de s'affranchir ne date pas d'hier et n'est pas propre à la France. De l'anecdotique Baltimore, au Nord du Mexique, en passant par les basques espagnols, les leghistes italiens d'Umberto Bossi, et les écossais voulant profiter de la manne pétrolière (mais qui risquent d'être indépendant quand le sous-sol en sera vidé) notre monde fourmille d'exemples de velléités politiques s'appuyant sur une prétendue rationalité économique.
Pourtant, en France, les contre-exemples sont nombreux ...Si l'on avait laissé tomber la Bretagne à l'aube des années 60 pour cause de non rentabilité économique, on ne connaitrait certes pas le problème de l'aéroport de Notre Dame des Landes, mais la France serait privé de l'un de ses principaux moteurs économiques. De même, le Nord pas de Calais est aujourd'hui un territoire sous perfusion ... alors qu'il était la ressource majeure de l'économie Française d'après-guerre.
Car les territoires bougent. et quoi qu'il en coûte, le rôle de la politique est bien de leur permettre d'exister. A ce sujet, Laurent Davezies explique pourquoi il s'oppose à la notion de compétitivité des territoires qui posent une fausse problématique. La solidarité y est indispensable. Les élus défendent leurs territoires, et, comme dit Laurent Davezies, les élus se battent toujours pour ce pour quoi ils ont été élus. Or, la politique efficace n'est pas toujours dans la compétitivité des territoires lorsque ceux-ci sont en perte de vitesse.
Bref, une conférence passionnante, mais qui prendra quand même 2 heures de votre temps...
A noter aussi un piège soulevé par Laurent Davezies et qui concerne l'impact de l'emploi public dans les territoires. Tout en rappelant que le prix du service est forcément plus lourd dans les territoires ruraux, en fonction des coûts incompressibles (une classe est plus chère dans le Cantal qu'en Seine-Saint-Denis, par exemple), il souligne que les statistiques de l'Insee raisonnent en terme d'emplois publics plus qu'en terme de service. Le service de l'eau, par exemple, sera considéré comme un service public s'il est en régie, alors qu'il sera celui d'une entreprise privée en cas de délégation de service public, quand bien même le service rendu est le même.
Deux points enfin sont évoqués par Laurent Davezies, l'un touchant au cumul des mandats et l'autre aux pôles métropolitains.
En suivant la logique de son axiome "les élus se battent d'abord sur ce sur quoi il sont élus", Laurent Davezies situe bien la limite du cumul des mandats qui figent le regard de l'élu en fonction du territoire qu'il représente. le cumul a au moins cet avantage d'offrir une autre perspective à l'élu, selon qu'il est maire ou conseiller régional ou général ou représentant de la Nation.
Un autre exemple : celui du pôle métropolitain et de son mode de représentation anti-démocratique. Par nature, l'élu aura naturellement tendance à défendre le territoire qu'il représente rendant inutile, voire nuisible sa réflexion dans le cadre d'une vision supra territoriale.
Amusante perspective qui a effectivement nourri le débat des représentations à la Case, où Franck Martin avait refusé que le maire de Val de Reuil, en ce qu'il se montrait incapable de représenter autre chose que les intérêts de sa commune.
tout ceci montre la complexité et la difficulté du système de représentation à la Française qu'il convient de réformer d'urgence. Las, le recul gouvernemental en la matière est patent. Les lobbies représentant les élus locaux ont encore eu gain de cause en faisant morceler le projet de réforme si nécessaire. On se limite dans un premier temps aux Métropoles, c'est à dire à ce qui ne satisfait que quelques urgences locales (Lyon, Nice et Rouen) ... mais la nouvelle redéfinition des communes et des intercommunalités, qui sont le nœud du problème, attendront ... Jusqu'à quand ?
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