2e contribution au débat de Michel Champredon
Le 14 Juillet, l'histoire a
semblé se répéter, dans l'effroi et la stupeur. Un assassin a mis à mort plus
de 80 femmes, hommes et enfants, venus assister au feu d'artifice à Nice.
Quelques jours plus tard ce fut le lâche attentat en l’église de Saint-Etienne
du Rouvray en Seine-Maritime.
Le Président de la République a rappelé l'importance de l'unité nationale
et a prolongé l'état d'urgence de six mois. De son côté la Droite a déclenché
des polémiques politiciennes, donnant un spectacle lamentable au monde et sans attendre
la moindre période de deuil. Au-delà de ces attentats sanglants, c'est une
tentative de déstabilisation de nos sociétés occidentales qui se joue. Quelle
réponse donner ? Quelle proposition politique ? A quel niveau ?
Ces attentats
sont terribles car on prend conscience, une fois de plus, que chacun aurait pu
être au mauvais endroit au mauvais moment. On imagine la souffrance des
familles touchées. A cette occasion, nos autorités, Président, Premier
ministre, Ministre de l’Intérieur, furent à la hauteur des évènements. Elles
ont pris les mesures qu’il fallait. Pour autant, on ne va pas à chaque attentat
dire « on renforce les dispositifs »…Jusqu’où va-t-on renforcer les
choses ? Ne sont-elles pas déjà à leur maximum ?
Alors, que faire ? La question est facile à poser mais il est
plus compliqué d’y répondre. Chacun y va de sa proposition, voire de sa posture
plus ou moins intéressée. Pour ma part je pense que la réponse est triple et
simultanée :
1 - Développer un Récit national et fonder un nouveau Pacte républicain
A des
problèmes de société, religieux et culturels, la réponse ne peut pas seulement
être technique et sécuritaire quant à l’épaisseur des mailles du filet qu’il
faudrait chaque fois resserrer davantage. Il faut parler aux Français de leur
pays, de ses valeurs, de son histoire. Il faut, comme disent les philosophes,
écrire un « Récit national » républicain et démocratique, laïc et
universel. La société de consommation et la mondialisation galopante nous
ont fait perdre le sens des choses, le sens commun, le sens de notre société
humaine. Il faut « armer idéologiquement » (tant pis si c’est un gros mot pour certains) les Citoyens
français et donner un sens à la Nation. Le rôle de l’Ecole, de la Culture et
des Médias est dans ce cadre essentiel.
Mais le rôle
de la parole publique l’est tout autant, le discours de nos dirigeants, ceux
qui sont au pouvoir comme ceux qui sont dans l’Opposition. La force d’un Récit national est d’autant plus
éducative et percutante qu’elle est portée par tous les responsables politiques
républicains. Force est de constater que, tout en laissant un espace maximum à
la démocratie, nous manquons d’unité nationale. Ce n’est pas limiter la liberté
d’expression que d’éviter les postures politiciennes sur les sujets essentiels.
Ce Récit national doit permettre de fonder
un nouveau Pacte républicain qui intègre un Pacte d’intégration. Il faut
donner un sens vivant à l’idée de République et développer la culture de
l’engagement.
En
a-t-on le temps ? C’est une réponse éducative qui prend du temps.
Nice, Promenade des Anglais juste après l'attentat |
Oui car ces
problèmes du terrorisme, on en a sans doute pour une génération. Ce n’est pas
un problème passager qui va se régler de lui-même. Il faut donc parler droits
et devoirs des citoyens, état de droit, culture, laïcité, éducation aux religions.
Il faut assumer notre mode de vie, notre ouverture sur le monde, notre
histoire, notre Laïcité, les afficher, les défendre et répondre à chaque fois
que ces valeurs sont remises en cause.
2 - Développer les réflexes individuels de
sécurité collective
Dans le même
temps chacun doit comprendre qu’il a un rôle à jouer dans la sécurité
collective. Il faut que les citoyens signalent les faits ou propos qui peuvent
être compris comme l’annonce d’un passage à l’acte. Sans tomber dans une
société de délation généralisée, chacun peut être témoin d’une scène et
regretter après l’attentat de ne pas avoir prévenu pour permettre aux services
de police et de justice de prendre les décisions qui s‘imposent.
3 - Agir partout contre l’Islamisme radical
Dans le même
temps, il convient de multiplier les actions pour neutraliser, enfermer,
expulser (selon la nature des faits) tous ceux qui agissent ou tiennent des
propos dans un rôle public contre la Démocratie, les Droit de l’Homme, les
femmes, les homosexuels pour ne citer que les thèmes ou personnes les plus
souvent attaqués. Il faut neutraliser les lieux d’enseignement du radicalisme
dans certains locaux collectifs, publics ou privés.
Il faut agir
simultanément sur toutes les dimensions. Concernant les mesures de sécurité en
Europe et dans nos villes : renforcement de la coopération entre Etats,
surveillance des foyers de radicalisation, expulsions des personnes
indésirables et n’ayant aucune légitimé à rester… Concernant les
Djihadistes : action pour « déradicaliser » les jeunes
concernés, dispositifs d’alerte pour prévenir les jeunes qui se radicalisent et
soutenir les familles…
Par ailleurs, les attentats récemment
perpétrés à Bruxelles ont fait naître un débat en France sur les phénomènes de
radicalisation au sein de quartiers sensibles. A Droite comme à Gauche,
certains soulignent que le cas Molenbeek n'est pas un problème strictement
belge et qu'il existerait des zones similaires sur notre territoire.
Le ministre
de la Ville, Patrick Kanner, dit qu’il y a cent quartiers en France (sur
1 500 dits « prioritaires »), ayant potentiellement les mêmes
caractéristiques que Molenbeek. Il le dit car ses services (les préfets) ont
tenu la statistique. La polémique porte sur le « politiquement
correct » : faut-il le dire au risque de faire peur à la
population ? A quoi sert l’information une fois délivrée…à part alimenter
l’Extrême-droite ?
Sur le fond,
à la différence de la Belgique semble-t-il, nous avons en France une action des
Pouvoirs publics dans les quartiers populaires (la politique de la ville,
depuis 1981). Même si tout n’est pas réglé, ces quartiers n’ont globalement
jamais été abandonnés à eux-mêmes. Il serait intéressant de faire l’addition du
nombre de milliards investis depuis 40 ans… Je vois immédiatement ce qu’on peut
me renvoyer… «tout cet argent pour être
le pays d’Europe qui alimente le plus les départs vers le Djihad ! »
Certes ! Mais je réponds…qu’est-ce que cela aurait été si nous n’avions
pas eu cette action ?
Et la vie associative et l‘éducation ?
Oui il faut
toujours miser sur l’éducatif, mais on ne parle pas du même public. Ceux qui
sont aujourd’hui intégristes voire terroristes ne sont pas
« rattrapables » par l’éducation et la vie associative de terrain. Ils
ont franchi le stade d’une extrême gravité. Il faut des dispositifs et des
professionnels particuliers pour les traiter. Je me demande d’ailleurs, si ceux
qui sont « récupérables », sont majoritaires ou minoritaires ?
Néanmoins,
pour éviter des dérives plus nombreuses, il ne faut pas laisser de côté le
terreau social, et recréer des « têtes de réseaux associatives » pour
structurer l’action sociale dans les quartiers, développer les
« adultes-relais » pour servir de référent à des jeunes en perdition
et alerter les services à temps…
C’est par la
conjugaison de réponses diversifiées, tant dans le domaine de la guerre
internationale, de la surveillance des réseaux sociaux, de la prévention dans
nos quartiers, de l’éducation, de la répression des groupes organisés mais
aussi par la valorisation et un nouveau sens donné à notre idéal de vie…que
nous parviendrons à surmonter ce défi qui est posé à nos sociétés occidentales.
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