Le café radical publie quatre contributions au débat de l'ancien Maire d'Evreux. Aujourd'hui, 1ère contribution :
Faire de la politique autrement, est-ce un mythe ?
Deux
phénomènes récents nous interpellent sur l'avenir et la transformation du champ
politique. D'un côté, le mouvement "Nuit debout", qui a rassemblé un
large éventail des déçus de Gauche. Sans doute à la veille d'une récupération
politique, le mouvement a tiré sa force et sa sympathie de sa désorganisation.
De l'autre
côté, "En marche"! le nom du mouvement politique lancé par Emmanuel
Macron. Mouvement citoyen ou parti politique ?
Deux
mouvements très différents mais qui ont en commun de vouloir faire de la
politique autrement, de dépasser les partis classiques pour inventer une
nouvelle manière de parler aux citoyens. Quel regard peut-on porter sur ces
deux initiatives ? Peut-on y voir une réponse à la crise démocratique que nous
vivons ?
Comme pour
beaucoup d’actions, seul le temps nous dira si c’est un vrai changement dans la
société ou un feu de paille médiatique. Par ailleurs, on est toujours enclin à
critiquer ceux qui agissent. Pourtant, ils prennent des risques en s’exposant
et donc on ne peut que saluer leur engagement, quelle que soit la forme (si
elle est pacifique et légale). On devrait les saluer surtout en comparaison de
ceux qui ne font rien, qui restent spectateurs et qui ont un avis définitif et
péremptoire sur tout…« y’a qu’à…il
faut qu’on ».
Ceci dit, vu
d’aujourd’hui et avec mon regard à distance (par mon expérience comme par mon
éloignement géographique), je ferai les remarques suivantes :
« Nuit Debout » :
Il y a un
côté spontané et désintéressé qui donne une certaine sympathie de prime abord.
Pourtant, les discours sont très critiques et on y trouve beaucoup de citoyens
issus des mouvements alternatifs/altermondialistes autour du slogan bien connu
« un autre monde est possible » (ce que je crois d’ailleurs…enfin
j’espère).
Les
participants trouvent là un lieu et un moment de rassemblement de tous ceux qui
expriment une opposition ou une déception face à La Politique et à la politique du gouvernement en particulier.
C’est assez facile de rassembler sur un discours CONTRE car chacun est contre
quelque chose ou mécontent d’autre chose. Mais s’il fallait construire des
propositions, un programme…ces gens ne pourraient pas trouver d’accord et le
mouvement n’y survivrait pas.
J’entendais
une participante (très à Gauche) qui disait sur un média : « je suis là, car il faut que le
gouvernement entende le Peuple ». Certes… mais force est de constater
que le Peuple vote à Droite et à l’Extrême-droite (dans une proportion des
2/3 !). Le Peuple aujourd’hui, hélas, il ne vote pas pour PLUS de Gauche.
D’ailleurs, à la différence de certains pays (Grèce, Espagne, Portugal), la
gauche de la Gauche ne profite pas du décrochage électoral des Socialistes.
Enfin…une
fois ces quelques éléments posés, si ce mouvement voulait peser dans le débat
et dans les décisions pour le pays, il aurait fallu qu’il trouve un débouché
politique…d’où certains groupes ou leaders qui essayaient de l’attirer et de le
récupérer.
« En Marche » :
D’abord
Emmanuel Macron s’est réclamé de la Gauche qui, globalement, n’a pas l’air
séduite par son initiative. Plus prolixes sont quelques ténors de Droite (P.
Gattaz du MEDEF, JP. Raffarin, F. Bayrou, A. Juppé ???) y ont trouvé
intérêt.
Pour
l’instant, je pars du principe de la sincérité de sa démarche et qu’il ne
s’agit pas d’une vile manœuvre pré présidentielle ce qui irait à l’inverse de
l’affirmation sur « la politique autrement ».
Je reste donc
en attente…des propositions innovantes qui peuvent répondre aux grands sujets
contemporains. En effet, au-delà de telle ou telle mesure concrète (faut-il 8
ou 10 dimanches travaillés dans l’année ?), il convient de répondre sur le
fond aux grandes questions de notre époque (de sa part comme des autres). Je
cite quelques problématiques en métropole : Comment refaire adhérer les
citoyens à une nouvelle Espérance européenne et dépasser le rejet actuel de
l’Union ? Comment contrarier la communautarisation de certains de nos
quartiers et villes ? Que faire pour redonner le lustre suffisant à
l’Ecole publique et ainsi tarir le nombre de parents qui s’en détournent pour
choisir l’enseignement privé ? Quelle place donner à la jeunesse dans
notre pays ? Comment lutter contre les inégalités qui s’accroissent malgré
tous les dispositifs existants ? Quel rapport entre politiques et citoyens
pour recréer la confiance indispensable en démocratie ? les sujets ne
manquent pas…
Finalement,
puisque Emmanuel Macron s’affiche de Gauche la question est : pour lui,
qu’est-ce qu’être de Gauche aujourd’hui dans une société qui a déjà atteint un
certain niveau de confort pour une grande partie de la population mais où les
frustrations se développent et où les inégalités se creusent ; une société
européanisée, mondialisée, hyper médiatisée, où les pouvoirs sont diffus et où
les marges de manœuvre des dirigeants sont étroites ?
Pour
l’instant on l’a surtout entendu prononcer des petites phrases provocatrices au
détour d’un événement, d’une manifestation, d’une conférence de presse (sur le statut
des fonctionnaires, sur les patrons dont «la
vie est plus difficile que celle des ouvriers» ou sur les 35 h etc…). Cela
ne nous dit pas précisément ce qu’il faut entreprendre. Une fois qu’on a dit
que la société était bloquée…so what ! Sur une telle affirmation, on peut
recueillir une majorité. Sur les solutions…c’est plus difficile car chacun y va
de la défense de ses intérêts.
Pour conclure
provisoirement sur ce sujet, et d’une façon générale, on a vu ces dernières
années différentes personnalités développer un discours sur le besoin de faire
de « la politique autrement » : Michèle Barzac et Michel Noir
(feu le RPR), François Bayrou (Modem), les Verts… Ségolène Royal en 2007,
certains courants au sein du Parti socialiste…qu’en est-il resté ? Hélas…peu
de chose sinon rien.
La réalité c’est qu’on a besoin de partis même si on les appelle
« mouvement ». Il faut bien une structure pour réfléchir aux projets,
aux programmes, sélectionner les futurs candidats et mener les campagnes
électorales. Si le discours anti-partis est classique, il est vain. La politique
ne peut pas se faire toute seule sur la base d’individualités.
Enfin…un des aspects positifs de ces deux initiatives (comme la pratique
fréquente des pétitions sur internet) c’est de provoquer le débat politique et
la prise de conscience sur les enjeux de notre société et certainement de
susciter de nouveaux engagements.
Le quinquennat de François
Hollande et la démocratie ?
On le sait, la
réduction du mandat présidentiel à cinq ans et l’inversion du calendrier
électoral a transformé les
parlementaires en « obligés présidentiels ». Sur cette question du
fonctionnement de la démocratie, voici deux citations particulièrement
autorisées :
Pierre Mendès-France disait « la
démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le
gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de
scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire ; c’est un code
moral ».
Quant à François Hollande, en
2006 dans son ouvrage « Devoir de vérité » : « le véritable changement doit être de l‘ordre de la pratique du
pouvoir, des modes de décision, des formes de l’action publique –et le
renouvellement doit aller jusqu’au bout (….) Aussi s’agit-il aujourd’hui non
seulement de changer de pouvoir mais de changer le pouvoir. Son exercice, ses
rythmes, son usage ».
Ainsi, on constatera que ce quinquennat n’aura pas permis de progresser sur
cette dimension. Notre président, de
fait, a plutôt opté pour un pouvoir personnel, sans doute contraint par des
critiques sur son supposé « manque de personnalité ». Du coup, il a
eu une pratique de décision personnelle voulant affirmer le rôle prééminent du
Chef de l’Etat, comme si la fonction elle-même ne suffisait plus pour s’en
convaincre.
Or notre époque qui constate un divorce entre citoyens et élites politiques
nécessite une refondation démocratique, non seulement pour renouer la confiance
entre les uns et les autres mais également pour développer une réponse face à
ceux qui veulent tuer nos démocratiques modernes.
Proposition :
Ainsi, dans le cadre de la
préparation de la présidentielle de 2017, le PRG ne pourrait-il pas lancer
une vraie réflexion sur les nouvelles formes de démocratie, le nouveau rapport
aux citoyens… être un laboratoire et ainsi offrir une nouvelle attirance
politique ?
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