Etre radical, c’est être
progressiste
Depuis 1973, le terme de crise n'a pas quitté le devant de
l'actualité. Il serait vain par ailleurs de nier que nous vivons des temps
difficiles. Pour autant, au delà des horreurs qui nous bouleversent, des nouvelles
qui nous affligent, des catastrophes qui nous glacent, le monde des affaires,
du commerce, continue de vivre sa vie, même si cela ne fait pas vendre que de
le dire. La presse, les relais d'opinion et les politiques le savent bien, qui
alimentent chacun à leur manière, ce vent mauvais qui souffle sur la France , sur l'Europe et sur
le Monde.
J'étais en Italie lorsque, parmi les horreurs revendiquées par
Daesh, le prêtre de la banlieue de Rouen a été égorgé par deux abrutis. Quelle
n'a pas été ma surprise d'entendre la radio dire que Daesh s'attaquait à la France catholique, à Rouen
même, la ville aux cent clochers célébrée par Victor Hugo.
Mais c'est le contraire qui s'est passé !
Rouen, et encore moins sa banlieue, n'est en proie à une ferveur
religieuse. La foi y est marginale. la bigoterie absente. Malgré l'horreur de
l'acte, on est loin de la barbarie organisée du 13 novembre, sans parler du 11
septembre 2001. Il faut par ailleurs souligner, que le pari sécuritaire
consistant à maintenir la Cop
21, le championnat d'Europe de football et le tour de France a été gagné. Daesh
est contraint de s'appuyer sur des individualités isolées, des brutes
suicidaires pour commettre ses abominations. Cela ne fera pas revenir les
enfants et familles participant à la fête du 14 juillet à Nice, ni les jeunes
qui ne demandaient qu'à profiter de la douceur d'une soirée parisienne le 13
novembre dernier, ni les policiers, militaires, prêtre ou simples individus qui
ne demandaient qu'à respirer, mais il faut le dire : la police a fait un
travail aussi remarquable que difficile. Et la pratique de Daesh, pour
abominable qu'elle soit, est d'abord un aveu de faiblesse, à l'image de la
situation militaire de l’État Islamique.
Un mot, un seul au sujet de la Syrie , juste pour rappeler que la révolte
syrienne, hélas avortée, et qui continue de se transformer en massacre,
s'intégrait dans ce qu'on appelait alors le printemps arabe. On a laissé, on
laisse, les démocrates s'y faire massacrer. Pas un de ceux qui essaient de
mettre sur le même plan l'action occidentale et celle de Poutine en soutien aux
dictateurs, n'a levé le petit doigt ou fait preuve de la moindre sympathie
envers la population, dont une grande partie constitue le flux des réfugiés.
Or, si nous ne soutenons pas partout dans le monde le principe de
la liberté, à quoi servons-nous et quel est notre avenir ?
Parce qu'il faut bien parler d'avenir.
S'il est un domaine où le terme de crise n'est pas galvaudé, c'est
celui de l'Union Européenne. Le Brexit, le "Turxit" dont on parle
trop peu, arrivent comme les terribles déclinaisons du référendum perdu de
2005. Les optimistes ont beau dire que le départ de la Grande Bretagne
permettrait enfin à l'Europe de poursuivre son développement, rien ne
justifie cet acte de foi. Les raisons obscures du coup d’État raté, marquent la
fin d'une Turquie tournée vers l'Europe et ses exigences de liberté.
Or, la dictature, le cynisme politique est le contraire de ce
pourquoi nous nous battons, de ce pourquoi nous, les radicaux, sommes
engagés.
Un mot a significativement disparu du vocabulaire politique, c'est
le terme de progressiste.
Or rien n'est plus progressiste qu'un radical.
Être progressiste, ce n'est pas avoir une confiance aveugle en
l'avenir, c'est au contraire le refus de la fatalité. C'est le refus des réactions
hystériques à chaque attentat, comme celle qui consiste à réclamer la peine de
mort pour ceux qui ont choisi de se faire exploser. C'est le refus de laisser
l'Europe et la démocratie se défaire. C'est le rejet de tout ce qui s'oppose à
la liberté. C'est la défense de l'humanisme.
Parce que le progrès, c'est ça. Une création humaine, collective,
rien d'autre.
C'est la réponse humaniste à la bêtise, parce qu'on sait qu'en
période de crise, les âneries qui prêtent habituellement à rire, peuvent se transformer
en atrocité lorsqu'elles prennent le pouvoir.
D’ailleurs, et c’est d’une logique mathématique, le terme
progressiste s’estompe et les vieux réacs reprennent du poil de la bête.
Être progressiste nous distingue de toutes les formes de la Réaction. De celles de la droite, bien sûr, de
son conservatisme douillet, pour qui tout projet collectif est suspect. Mais
être progressiste nous distingue aussi des écologistes et de leur foi en la
nature. Nous préférons mille fois la nature humaine, avec ses écueils et avec
son génie. Nous savons que la réponse à la crise environnementale ne pourra
venir que d'un projet humain et collectif et non d'une identification à une
nature bonne par nature qui n'a jamais existé. Enfin, l'idée de progrès
implique la rationalité et l'intelligence comme première des valeurs, avec une
remise en cause permanente, bref, le contraire des écueils socialistes et
communistes considérant le paradis sur terre comme une évolution inéluctable de
l'humanité, là aussi conduisant aux pires erreurs et horreurs de
l'Histoire.
Oui, le terrorisme, le repli sur soi, la montée des
obscurantismes, l'affaiblissement de l'Europe, tout cela est indéniable. Mais
que cela ne nous empêche pas d'avoir confiance en l'avenir, de défendre l'idée
de progrès, parce que nous devons garder confiance en l'humanité.
Nous vivons un de ces hoquets de l'Histoire, qui, de
l'Inquisition à la
Restauration n’ont pu empêcher la marche en avant de
l'Humanité. N'oublions pas non plus que les avancées les plus impressionnantes
en la matière ont eu lieu à la suite de la terrible régression de la
deuxième guerre mondiale et du massacre organisé des camps de la mort.
Simplement, face à la
Réaction , les humanistes, les radicaux, les progressistes ne
doivent pas baisser les bras. Il faut se battre sans arrêt pour la liberté,
l'égalité, la fraternité et la laïcité, ces idéaux Républicains dont on voit
qu'ils ne sont jamais acquis même s'ils nous sont une évidence.
Il faut se battre pour l'humanité. Il faut se battre pour le progrès.
Ne rien lâcher.
Fier d'être radical et progressiste.
Olivier Taconet
Président de la fédération de l'Eure
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