Jean Louis Destans définitivement député. La gauche et l'intéressé sont soulagés. N'empêche, au regard du droit électoral, la décision du conseil constitutionnel est tout à fait justifiée. |
Les rumeurs les plus folles ont couru, au point que lorsque j'avais vu Laurent Sodini, directeur de cabinet de Jean Louis Destans, c'est à peine si j'avais osé lui demander comment ça se passait le recours de Nicolas sur l'élection législative de 2012.
Tel en est il de la rumeur, qui court, qui court, qui répand l'inquiétude ... et puis voilà, ceux qui donnaient pour certaine l'invalidation de l'élection de Jean Louis en sont pour leurs frais.
Je me permets de revenir sur l'événement, ô, brièvement. D'abord pour rendre hommage à Jean Louis, qui a vécu une épreuve difficile avant de voir sa victoire couronnée et ensuite pour rendre hommage à la façon dont le droit électoral finit par s'imposer.
On a tellement glosé sur le conseil constitutionnel, sur sa partialité, sur sa composition peu compatible précisément avec cette partialité, qu'il convient de rappeler que la plus haute instance juridictionnelle française ne fait pas n'importe quoi et que le jugement ne se fait pas en fonction des amitiés ou groupes de pression.
Jean Pierre Nicolas, candidat de l'Ump, a fait un recours. C'est son droit et c'est tout à fait logique quand on perd de 39 voix. Dans ce cas là, comme dans tout recours, on accumule argumentaires sur argumentaires, arguments sur arguments, et dans ce combat juridique, on met toutes les forces de son coté. C'est en fait la bataille électorale qui continue et qui charge l'adversaire de toutes les turpitudes. Il a utilisé ses collaborateurs, il a distribué des tracts injurieux, il y a eu des procurations qui n'ont pas été bonnes, et tout, et tout.... mais le conseil constitutionnel, comme toutes les instances juridictionnelles en matière de contentieux électoral pèse et soupèse, met en rapport, demande des documents supplémentaires, ce qui d'ailleurs, dans le cas du contentieux Destans Nicolas, a prolongé d'autant la décision du conseil constitutionnel.
Et finalement, la décision tombe.
J'ai jugé utile de vous transmettre la décision du conseil constitutionnel que vous pourrez lire ci-dessous, en en cliquant sur là si vous voulez l'avoir en entier. C'est une lectuer très intéressante. Elle refait vivre sous des aspects très pointilleux l'aventure d'une élection, tout d'abord, mais surtout elle permet de bien saisir la manière dont les choses sont jugées. La France est un beau pays, la démocratie est une belle chose, malgré ses inperfections.
Allons, place au Conseil constitutionnel. bonne lecture !
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : « l’électeur ne peut signer lui-même » ; qu’il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement ;
2. Considérant, d’une part, que le requérant met en cause des votes constatés par de simples croix sur les listes d’émargement ; qu’il résulte de l’instruction que deux votes constatés par de simples croix sur les listes d’émargement dans les communes de Conches-en-Ouche et Le-Mesnil-Hardray ne peuvent être tenus pour régulièrement exprimés ;
3. Considérant, d’autre part, que M. NICOLAS soutient que les signatures figurant sur les listes d’émargement, en face du nom d’un même électeur, présentent, dans de nombreux cas, des différences entre les premier et second tours qui établissent que le vote n’a pas été émis par l’intéressé ; que quatre-vingt-sept des électeurs en cause ont reconnu formellement avoir voté en personne lors des deux tours de scrutin ; qu’il résulte par ailleurs de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote dont il s’agit, que, dans la plupart des cas, les différences alléguées ne sont pas probantes ou correspondent, soit à l’apposition d’un paraphe à la place de la signature de l’électeur, soit à un vote par procuration, soit à la circonstance que l’électrice a utilisé tour à tour son nom de famille et son nom d’usage ; qu’en revanche, neuf votes, correspondant à des différences de signature significatives, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés ;
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4. Considérant que le requérant fait également état de nombreuses procurations comportant des irrégularités formelles diverses ; qu’il résulte de l’instruction que, parmi celles qui ont été effectivement utilisées par le mandataire lors du second tour du scrutin, onze doivent être regardées comme viciées par des irrégularités substantielles ; qu’il en va ainsi des irrégularités tenant à l’absence de signature du mandant, sans que l’impossibilité de signer soit attestée par l’autorité devant laquelle la procuration a été établie, ou à l’impossibilité d’identifier cette autorité, ou encore à l’absence de signature de cette dernière, sans qu’il soit possible d’affirmer que ces omissions procéderaient de pures erreurs matérielles n’ayant pu prêter à conséquence ; que, par suite, onze suffrages ont été exprimés dans des conditions non conformes aux articles R. 72 et R. 75 du code électoral ;
5. Considérant que M. NICOLAS soutient ensuite que neuf procurations ont été acheminées tardivement et distribuées après le scrutin du 17 juin 2012 ; qu’il résulte de l’instruction qu’une procuration a été acheminée tardivement dans la commune de La Haye-Saint-Sylvestre et qu’une procuration a été bloquée à la poste dans la commune de Romilly-la-Puthenaye ; qu’ainsi, deux électeurs ont été indûment privés de leur droit d’exprimer leur suffrage ;
6. Considérant que M. NICOLAS soutient enfin qu’un électeur a voté par procuration, dans la commune de Barc, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 76-1 du code électoral qui prévoient que « le défaut de réception par le maire du volet d’une procuration fait obstacle à ce que le mandataire participe au scrutin » ; qu’il résulte de l’instruction que, si une procuration avait été régulièrement établie au bénéfice du mandataire admis à voter, l’absence de réception en mairie du volet de la procuration faisait obstacle à la participation du mandataire au scrutin ; que, par suite, le vote ainsi exprimé est irrégulier ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de déduire vingt-trois voix tant du nombre de suffrages obtenus par M. DESTANS, candidat proclamé élu de la 2ème circonscription de l’Eure, que du nombre total de suffrages exprimés, et d’ajouter deux voix au nombre de suffrages obtenus par M. NICOLAS ; que l’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à quatorze ;
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– SUR LES GRIEFS RELATIFS À LA CAMPAGNE ÉLECTORALE :
8. Considérant, en premier lieu, que, si M. NICOLAS soutient que M. DESTANS a fait procéder à un affichage irrégulier et présente à l’appui de ses affirmations un constat d’huissier, il résulte des pièces produites que l’affichage contesté n’a pas présenté de caractère massif ; que des irrégularités analogues ont été commises par le requérant ; que l’irrégularité invoquée est restée sans effet sur le résultat du scrutin ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que M. NICOLAS fait également grief à M. DESTANS d’avoir fait apposer des affiches en dehors de la période électorale ; qu’il est établi que, durant la campagne pour l’élection présidentielle, des affiches représentant M. DESTANS aux côtés de M. François HOLLANDE et évoquant la candidature de M. DESTANS aux élections législatives ont été apposées dans la circonscription ; que cette circonstance ne constitue toutefois pas une méconnaissance des dispositions du code électoral relatives à l’affichage pour la campagne des élections législatives ;
10. Considérant, en troisième lieu, que M. NICOLAS soutient qu’un tract injurieux à son encontre a été diffusé par voie postale ; qu’il résulte de l’instruction que la diffusion de ce tract, avant le premier tour de scrutin, ne constituait pas une manoeuvre de dernière heure à laquelle M. NICOLAS aurait été dans l’impossibilité de répondre ; que si ce tract excédait les limites de la polémique électorale, ni son origine ni l’ampleur de sa diffusion ne sont établies ; que, par suite, la diffusion d’un tel document, auquel M. NICOLAS a répondu, ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que M. NICOLAS soutient que, dans la commune de La-Bonneville-sur-Iton, un tract de M. DESTANS a été distribué en même temps que le bulletin municipal ; que cette circonstance, à la supposer établie, ne constitue pas une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, compte tenu du caractère restreint de la diffusion de ce tract et du délai la séparant de l’élection ;
12. Considérant, en cinquième lieu, que M. NICOLAS fait grief à M. DESTANS d’avoir bénéficié de la prise de position en faveur de sa candidature d’une association active dans la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, ainsi que du soutien d’au moins un élu local dans la circonscription ; que ces prises de position, qui ne se sont pas
accompagnées de pressions sur les électeurs, ne constituent pas des manoeuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
13. Considérant, en sixième lieu, que M. NICOLAS fait grief à M. DESTANS d’avoir offert à des membres de l’association des « aînés ruraux » le déplacement et l’entrée au salon de l’agriculture qui s’est tenu du 25 février au 4 mars 2012 à Paris, et de leur avoir remis un cadeau à cette occasion ; qu’il fait également grief à M. DESTANS d’avoir invité des collégiens de plusieurs collèges de la circonscription à une manifestation intitulée « opéra en plein air », organisée par le conseil général très peu de temps avant l’élection ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que la participation à ces manifestations revêt un caractère traditionnel ; que le cadeau remis aux participants à la visite du salon de l’agriculture, de faible valeur, revêt également un caractère traditionnel ; que, par suite, ces manifestations sont dépourvues de caractère électoral ;
14. Considérant, en dernier lieu, que M. NICOLAS fait grief à M. DESTANS d’avoir, dans les mois et les semaines précédant le scrutin, participé à plusieurs manifestations, cérémonies de voeux, fêtes ou inaugurations d’équipements publics et bénéficié de la diffusion d’une brochure ;
15. Considérant que les différentes manifestations en cause s’inscrivent dans l’activité habituelle des collectivités publiques, tant par leur fréquence que par les dates auxquelles elles se sont tenues ; qu’il n’est pas établi qu’elles aient été l’occasion d’une expression politique en relation avec la campagne électorale ; que, par suite, elle sont dépourvues de caractère électoral ; qu’il en va de même de la manifestation « l’Eure du business » ainsi que de celles organisées dans le cadre du projet de ligne nouvelle Paris-Normandie ; que le contenu de la brochure relative aux ambitions du département de l’Eure dans le cadre du projet du Grand Paris était sans lien avec la campagne électorale ;
– SUR LES GRIEFS RELATIFS AU COMPTE DE CAMPAGNE DE M. DESTANS :
16. Considérant que M. NICOLAS soutient qu’un des collaborateurs de M. DESTANS au conseil général de l’Eure a participé à la campagne électorale du candidat, notamment en distribuant des tracts, en contradiction avec l’article L. 52-8 du code électoral ; que le coût d’une
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voiture de location utilisée par M. DESTANS pour ses déplacements devrait être intégré dans le compte de campagne de celui-ci ;
17. Considérant que le coût de location de la voiture est intégré dans le compte de campagne de M. DESTANS ; que le grief manque donc en fait ;
18. Considérant qu’il n’est nullement établi que le collaborateur de M. DESTANS au conseil général aurait participé à la campagne électorale pendant ses horaires de travail ; que le grief tiré de ce que M. DESTANS a bénéficié, du fait de l’intervention d’un de ses collaborateurs au conseil général dans le cadre de la campagne, d’un don prohibé par l’article L. 52-8 du code électoral, doit dès lors être écarté ;
19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. NICOLAS doit être rejetée,
D É C I D E :
Article 1er.– La requête de M. Jean-Pierre NICOLAS est rejetée.
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