La Loi Carle est passée ce lundi 28 septembre. Pour expliquer un peu ce que c'est, je me reporte à l'explication donnée par Jean-Marcel Bouguereau sur son blog.
Imaginez que sous prétexte que les transports collectifs dans votre commune soient défaillants vous bénéficiez par la loi du remboursement par votre municipalité de vos frais quotidiens de taxis, vous trouveriez ça scandaleux ! Ou de vous faire financer une clinique privée voisine parce que les soins dispensés par l'hôpital public paraissent insuffisants ! Ce n'est guère différent de la loi qui discutée hier à l'Assemblée qui n'est que la resucée, version light, d'une loi obligeant l'ensemble des municipalités, à financer, sans accord préalable, la scolarité des élèves fréquentant une école privée hors de leur commune de résidence.
Le café radical reproduit in extenso l'intervention de la députée radicale Sylvia Pinel à l'Assemblée Nationale.
La proposition de loi qui est portée, ce jour, aux débats de notre Assemblée, est à la fois technique et profondément symbolique. Permettez-moi de m’attarder sur ces deux aspects. En 2004, le Sénateur Charasse avait déposé un amendement au Sénat, dont l’intention initiale était d’ « éviter que les maires de certaines communesrurales encouragent les enfants d’âge scolaire à fréquenter les écoles privées des communes avoisinantes », pour lesquelles ils ne payaient pas de contribution. L’application – dirais-je abusive – de cette disposition aboutit, à l’inverse, à rendre obligatoire une ancienne « possibilité » de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.
Le texte, aujourd’hui soumis à notre examen, vise à mettre fin à un flou juridique né de cette interprétation de l’article 89 de la loi du 23 août2004 nous disent les promoteurs du texte qui vont même jusqu’à proclamer qu’avec lui, sera mis un terme à une inégalité de traitement entre les établissements publics et privées sous contrat d’association.
C’est malheureusement faux !
Ce texte porte en lui deux écueils majeurs : la proposition de loi, si elle réduit le déséquilibre né de l’art 89 de la loi du 13 aout 2004 est loin de le combler. Le second écueil vient précisément du fait qu’il sanctuarise ces inégalités. Par ailleurs, je me permets d’évoquer à cette tribune d’autres « déséquilibres » entre le public et le privé sous contrat.
Les établissements publics et privés sous contrat d’association remplissent des missions de service public, c’est un fait. Je note néanmoins que les premiers sont les seuls à le proposer gratuitement, et ce depuis les lois Ferry. Je note également que parmi les deux, seuls les établissements privés pratiquent la sélection des élèves. Entre une école gratuite et une payante, entre une école de toutes les filles et fils de la république et une école de certains, devrait-il y avoir un traitement identique de la part des pouvoirs publics ? Je ne le pense pas. Devrait-on faire courir à notre école publique une course à handicap ? Je pense que c’est celle-là, au contraire que l’on doit privilégier. Ces éléments pourraient, à eux seuls, justifier que l’obligation de financement par les communes de résidence ne s’applique que pour les établissements publics. Les modalités de ce texte sont techniques, et même rendues plus complexes encore si l’on ajoute la dimension des EPCI, des RPI, le mécanisme de calcul des contributions…
Ses implications sont, elles, éminemment symboliques. Imaginez, cher collègues, un village rural français. Ce dernier vient de voir son école fermée, par manque d’élèves, par désengagement de l’Etat aussi. Voila qu’il serait obligé, sur ses deniers, de financer l’école, privée de surcroît, du village voisin. C’est la triple peine ! Il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté d’enseignement, j’y suis comme vous profondément attachée, mais il s’agit de nous interroger sur les orientations que l’on veut donner au service public français de l’éducation. « Il ne faut pas rallumer la guerre scolaire » nous disent les initiateurs du texte. Je souscris. Dans ce but, évitons donc les réformes qui soufflent sur ces braises. Une solution simple et – pour le coup – vraiment équilibrée serait de supprimer purement et simplement l’article 89, afin de revenir à la situation antérieure à la loi d’août 2004 et de ne pas remettre en cause le principe de libre administration des collectivités locales. Les débats parlementaires m’ont également permis de noter l’absence d’un terme, devenu tabou : dans les textes, dans les rapports, dans les argumentaires, il n’est jamais fait mention de la laïcité. Si la « laïcité positive » consiste à occulter la laïcité, il faudrait songer à changer cette épithète. L’article 1 de notre constitution ne pose-t-il pas que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » ?
Ce texte constitue pour les Radicaux de Gauche la dernière attaque contre le principe de laïcité. Après la reconnaissance, en catimini, de l’équivalence des diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholique et – je n’y reviens pas – sur le dramatique discours de Latran.
Dramatique, tant il est une insulte à la laïcité. Pour nous, l’instituteur remplace avantageusement le curé, dans la transmission du savoir et dans l’éducation citoyenne de nos enfants.Or l’on constate que petit à petit, loi après loi, le gouvernement déconstruit, saccage notre bel édifice républicain, au mépris de nos valeurs, au mépris de l’histoire et des luttes qui ont permis son établissement. Sous des vernis technicien, cette proposition de loi nous montre – s’il le fallait - qu’aujourd’hui encore, la République reste à construire. C’est précisément au nom de cette conception de la République, laïque et sociale, solidaire et humaniste, que nous demandons l’abrogation pure et simple de l’article 89 de la loi d’août 2004 et le retrait des autres articles de cette proposition de loi.
C’est pour toutes ces raisons que les députés radicaux de gauche et apparentés voteront contre cette proposition de loi.
Imaginez que sous prétexte que les transports collectifs dans votre commune soient défaillants vous bénéficiez par la loi du remboursement par votre municipalité de vos frais quotidiens de taxis, vous trouveriez ça scandaleux ! Ou de vous faire financer une clinique privée voisine parce que les soins dispensés par l'hôpital public paraissent insuffisants ! Ce n'est guère différent de la loi qui discutée hier à l'Assemblée qui n'est que la resucée, version light, d'une loi obligeant l'ensemble des municipalités, à financer, sans accord préalable, la scolarité des élèves fréquentant une école privée hors de leur commune de résidence.
Le café radical reproduit in extenso l'intervention de la députée radicale Sylvia Pinel à l'Assemblée Nationale.
La proposition de loi qui est portée, ce jour, aux débats de notre Assemblée, est à la fois technique et profondément symbolique. Permettez-moi de m’attarder sur ces deux aspects. En 2004, le Sénateur Charasse avait déposé un amendement au Sénat, dont l’intention initiale était d’ « éviter que les maires de certaines communesrurales encouragent les enfants d’âge scolaire à fréquenter les écoles privées des communes avoisinantes », pour lesquelles ils ne payaient pas de contribution. L’application – dirais-je abusive – de cette disposition aboutit, à l’inverse, à rendre obligatoire une ancienne « possibilité » de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.
Le texte, aujourd’hui soumis à notre examen, vise à mettre fin à un flou juridique né de cette interprétation de l’article 89 de la loi du 23 août2004 nous disent les promoteurs du texte qui vont même jusqu’à proclamer qu’avec lui, sera mis un terme à une inégalité de traitement entre les établissements publics et privées sous contrat d’association.
C’est malheureusement faux !
Ce texte porte en lui deux écueils majeurs : la proposition de loi, si elle réduit le déséquilibre né de l’art 89 de la loi du 13 aout 2004 est loin de le combler. Le second écueil vient précisément du fait qu’il sanctuarise ces inégalités. Par ailleurs, je me permets d’évoquer à cette tribune d’autres « déséquilibres » entre le public et le privé sous contrat.
Les établissements publics et privés sous contrat d’association remplissent des missions de service public, c’est un fait. Je note néanmoins que les premiers sont les seuls à le proposer gratuitement, et ce depuis les lois Ferry. Je note également que parmi les deux, seuls les établissements privés pratiquent la sélection des élèves. Entre une école gratuite et une payante, entre une école de toutes les filles et fils de la république et une école de certains, devrait-il y avoir un traitement identique de la part des pouvoirs publics ? Je ne le pense pas. Devrait-on faire courir à notre école publique une course à handicap ? Je pense que c’est celle-là, au contraire que l’on doit privilégier. Ces éléments pourraient, à eux seuls, justifier que l’obligation de financement par les communes de résidence ne s’applique que pour les établissements publics. Les modalités de ce texte sont techniques, et même rendues plus complexes encore si l’on ajoute la dimension des EPCI, des RPI, le mécanisme de calcul des contributions…
Ses implications sont, elles, éminemment symboliques. Imaginez, cher collègues, un village rural français. Ce dernier vient de voir son école fermée, par manque d’élèves, par désengagement de l’Etat aussi. Voila qu’il serait obligé, sur ses deniers, de financer l’école, privée de surcroît, du village voisin. C’est la triple peine ! Il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté d’enseignement, j’y suis comme vous profondément attachée, mais il s’agit de nous interroger sur les orientations que l’on veut donner au service public français de l’éducation. « Il ne faut pas rallumer la guerre scolaire » nous disent les initiateurs du texte. Je souscris. Dans ce but, évitons donc les réformes qui soufflent sur ces braises. Une solution simple et – pour le coup – vraiment équilibrée serait de supprimer purement et simplement l’article 89, afin de revenir à la situation antérieure à la loi d’août 2004 et de ne pas remettre en cause le principe de libre administration des collectivités locales. Les débats parlementaires m’ont également permis de noter l’absence d’un terme, devenu tabou : dans les textes, dans les rapports, dans les argumentaires, il n’est jamais fait mention de la laïcité. Si la « laïcité positive » consiste à occulter la laïcité, il faudrait songer à changer cette épithète. L’article 1 de notre constitution ne pose-t-il pas que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » ?
Ce texte constitue pour les Radicaux de Gauche la dernière attaque contre le principe de laïcité. Après la reconnaissance, en catimini, de l’équivalence des diplômes délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholique et – je n’y reviens pas – sur le dramatique discours de Latran.
Dramatique, tant il est une insulte à la laïcité. Pour nous, l’instituteur remplace avantageusement le curé, dans la transmission du savoir et dans l’éducation citoyenne de nos enfants.Or l’on constate que petit à petit, loi après loi, le gouvernement déconstruit, saccage notre bel édifice républicain, au mépris de nos valeurs, au mépris de l’histoire et des luttes qui ont permis son établissement. Sous des vernis technicien, cette proposition de loi nous montre – s’il le fallait - qu’aujourd’hui encore, la République reste à construire. C’est précisément au nom de cette conception de la République, laïque et sociale, solidaire et humaniste, que nous demandons l’abrogation pure et simple de l’article 89 de la loi d’août 2004 et le retrait des autres articles de cette proposition de loi.
C’est pour toutes ces raisons que les députés radicaux de gauche et apparentés voteront contre cette proposition de loi.
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