L'université d'été, ça sert à se retrouver, à s'affirmer, mais aussi à discuter et à trouver des idées.
Elisabeth BOYER, vice-présidente chargée de la prospective sociale, a fait une note sur la taxe carbone qu'elle a livré au débat.
Rappelons que la taxe carbone est défendue sur son principe par le parti radical de gauche. Reste à savoir comment ce nouvel impôt doit s'appliquer de manière juste (ne pas faire payer les plus pauvres en les excluant un peu plus de la consommation) et efficace (faire en sorte que ladite taxe incite, soit par la pédagogie et le coût à orienter la consommation vers des démarches moins polluante.
Elisabeth, la marraine du café radical, propose qu'on taxe les produits à la consommation en fonction de leur coût logistique. Une belle manière de lutter contre les délocalisations en orientant la consommation vers des biens locaux et la production vers des démarches locales. Ci-dessous la contribution d'Elisabeth Boyer lors de l'université d'été
... Plusieurs remarques sur la taxe carbone proposée par le gouvernement :
- d'une part elle est mal ciblée car elle regarde essentiellement la consommation en carbone des ménages et non pas celle -ô combien dommageable des grandes entreprises et des multinationales qui, sur les marchés mondiaux font circuler indûment les marchandises avec des processus complexes. Mêmes si ces dernières sont déjà soumises aux quotas européens et au contingentement des émissions de CO2, bien des exemples montrent qu'elles sont loin de payer le prix réel des transports et du CO2 qu'elles génèrent.
- d'autre part le gouvernement a choisi de faire peser la taxe carbone sur l'énergie en tant que produit consommé, alors que pour la vérité des prix, la taxe devrait à l'inverse peser sur les objets de consommation produits avec un dégagement direct ou indirect de CO2, ce qu'on est en capacité de mesurer aujourd'hui.
Appliquée uniquement sur l'énergie consommée par les utilisateurs, la taxe carbone n'est pas du tout utile à lutter efficacement contre le dumping social et écologique qui ruine, avec les délocalisations le tissu industriel national et génère une pollution mondiale sans précédent. Ceci devrait pourtant être sa première raison d'être : lutter contre les délocalisations et et reterritorialiser les productions est conforme aux principes du développement durable car ces politiques favorisent les circuits courts et valorisent les productions locales...
La cause principale des émissions de gaz à effet de serre et du CO2 vient moins de la consommation des particuliers en énergie fossile que du commerce international qui multiplie les lieux de production des marchandises et leur transport pour faire des gains de productivité et des spéculations sur les matières premières.
Si la taxe carbone était calculée directement sur le dégagement de CO2 généré par la fabrication et le transport des marchandises au moment où celles-ci pénètrent sur le territoire européen, nous pourrions mesurer les dysfonctionnements du capitalisme financier et son coût écologique.
Même remarque concernant les échanges intra-communautaires. Un exemple pour illustrer le non-sens économique de nombreux échanges de marchandise : dans nos régions forestières de l'Est, vous trouverez en masse dans les scieries de transformation des vois qui viennent de Russie, de Finlande et de Suède. Les responsables vous expliquent que c'est moins cher pour eux de façonner ce bois importé que de l'extraire des forêts locales, qu'il est moins cher d'importer des maisons en bois de Roumanie que de les fabriquer sur place avec le bois du pays. Si cela est vrai financièrement, c'est bien que quelque chose n'est pas payé : le transport, essentiellement !
Dans le domaine agricole, on observe la même logique économique dans la commercialisation des fruits et légumes, dont les prix sont parfois inversement proportionnels à l'éloignement du lieu de production, les frais de transport n'arrivant même pas à rivaliser avec le dumping social.
Si la taxe carbone s'appliquait aux produits d'importation, cette fiscalité écologique européenne créerait une nouvelle frontière douanière aux limites de l'Europe. Une mesure protectionniste, certes, mais qui forcerait les grands pays exportateurs, la Chine et l'Inde à rejoindre la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Dans les échanges intra-communautaires, une taxe carbone pourrait sur le même principe surtaxer dans les entreprises les système de production trop éclatés, ceux qui sont particulièrement coûteux en production de CO2. Dans ces conditions, les produits importés se révéleraient dans bien des cas, beaucoup moins compétitifs que ceux produits localement.
La taxe carbone voulue par le gouvernement, assise sur la consommation énergétique des particuliers, accessoirement des entreprises, prend la forme d'un impôt supplémentaire sans s'attaquer aux causes profondes des dysfonctionnement du capitalisme. C'est la raison des réactions hostiles qu'elle suscite dans l'opinion. Les Français ne comprennent pas qu'on les sollicite fiscalement au nom de l'environnement sans rien changer aux désordres du capitalisme financier que rien ne semble empêcher de prospérer.
La taxe carbone vise pour l'essentiel à faire payer aux français un surcoût sur les énergies domestiques et sur les déplacements en voiture - notamment dans les campagnes où on ne peut plus parler de transports publics, les dessertes locales ayant été fermées depuis bien longtemps ... Là encore, l'état français va faire payer au contribuable des sous-investissements en matière de transports publics, ses désengagements et son manque d'anticipation sur les alternatives aux énergies fossiles : retard des constructeurs français dans la fabrication des voitures électriques etc...On peut même prévoir que cette taxe carbone accélèrera les délocalisaitions si les ménages, accablés par l'augmentation des taxes sur le chauffage, l'essence etc ... sont contraints d'acheter les produits importés les moins chers sur le marché. Veut-on définitivement fermer toutes les usines de notre pays ? ..."
La suite, plus courte, demain ...
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