mardi 12 juin 2018

Un coup de frein au populisme ?

Municipales partielles en Italie, 

des résultats encourageants 


Sans doute depuis quelques années la situation politique en Italie est aussi inquiétante que difficile à expliquer ... et était-elle jusqu'à ce week end de plus en plus inquiétante et de plus en plus difficile à expliquer. Mais ce dimanche avait lieu les premières élections organisées depuis la terrible alliance entre l'extrême droite de la Ligue du Nord et le mouvement 5 étoiles lancé par Beppe Grillo. Alors, comme la situation est délicate, je me permets de la décrire en marchant sur la pointe des pieds. 
Luigi di Maio, successeur de Beppe Grillo à la tête
du mouvement 5 étoiles. Il gère ce que jamais 
le fondateur de son mouvement n'a eu à envisager :
la réalité du pouvoir. 11 jours après son investiture
au gouvernement, son parti est marginalisé alors
qu'il représentait il y a encore quelques mois
1/3 de l'électorat.
Tout d'abord pour signaler que les municipales en question ne concernent pas toutes les villes d'Italie. Je ne me risquerais pas à expliquer pourquoi, mais ce qui est sûr c'est que de nombreuses communes ont été concernées par ce vote, mais pas toutes. En fait, des élections municipales ont lieu chaque année en Italie constituant autant de test pour l'équipe au pouvoir. En principe donc, du Nord au Sud de la péninsule, une commune sur 5 était concernée.
Tout le monde attendait ce premier test dans une situation tendue dont je rappelle les enjeux. 
Après plusieurs années de pouvoir du centre gauche Matteo Renzi, élu grâce au rejet de Berlusconi, une élection générale a eu lieu en mars qui a porté en tête la coalition de centre-droit menée par la Ligue du Nord avec plus du 1/3 des voix. Derrière, avec un peu moins d'1/3 des voix arrivait le mouvement 5 étoiles, que l'on a tendance à qualifier de populiste ... même si le problème, c'est qu'il y a des tas de sorte de populisme, et qu'on n'est pas bien avancé pour autant. Disons que ce mouvement amalgame des gens qui, s'ils étaient français, se reconnaîtraient dans Mélenchon, dans Macron, dans la droite comme dans le Front National .... voire un peu dans les Verts. Vous suivez ? 
Bon, si vous ne suivez pas, faites demi-tour, relisez le paragraphe précédent, je vous attends. 
Je reprends maintenant pour les retardataires. Donc, a fini par arriver ce qui apparaissait comme improbable, voire comme impossible : une alliance entre la droite les 5 étoiles et l'extrême-droite. 
Bien, que signifiait cette alliance, et sur quelle base politique se faisait-elle ? 
Tout d'abord, je précise pour tous ceux qui sont intéressés, que bien souvent les alliances entre la droite et la prépondérante ligue du Nord se réfèrent au centre-droit ... ce qui est hallucinant ! J'ai souvenir des réactions provoquées par un fait divers qui illustreront mon jugement mieux qu'un long discours. Ainsi, peu avant les élections de mars, à Macerata, un jeune homme a vidé deux chargeurs de son pistolet automatique sur un groupe de personnes de couleur. Il venait disait-il d'entendre à la radio qu'un Nigérian venait d'être arrêté à la suite d'un meurtre atroce d'une jeune habitante de sa commune. Pour en dire un peu plus l'assassin présumé est un dealer d'héroïne, visiblement lié à la mafia et la victime était une consommatrice. 
Luca Traini, le jeune homme qui avait tiré dans la foule après avoir sillonné la ville pendant deux heures à la recherche de victimes, avait le symbole des bataillons nazis tatoué sur sa tempe, et l'on a retrouvé à son domicile un exemplaire de "Mein Kampf", une bibliothèque à la gloire de Mussolini et des tenues paramilitaires. Il avait été candidat pour la ligue du Nord et gardait des photos où il serrait la main de Matteo Salvini, nouveau leader de la Ligue du Nord. 
Jusque là ces faits bien qu'inadmissibles restent compréhensibles. Après tout, chaque communauté humaine recèle ses timbrés, que l'on se retrouve aux Etats-Unis, en Italie et bien sûr en France. Mais ce qu'il y a eu d'original en Italie a été la lenteur de la réaction politique à deux mois de l'élection et la réaction encore plus ambiguë de Matteo Salvini, qui a bien sûr dit que la fusillade était l'acte d'un déséquilibré, mais qu'après tout c'était là la preuve qu'il y avait trop d'immigrés en Italie. Aucun mot de compassion pour ceux qui s'étaient fait tirer dessus, ni même pour tous ceux qui, en Italie, du fait qu'ils avaient une couleur de peau non conforme aux yeux de fous furieux risquaient de vivre dans la terreur les mois à venir. 
Or, c'est avec ce même Matteo Salvini que le mouvement des cinq étoiles et son leader Di Maio a décidé de faire alliance sur le programme incohérent que j'ai déjà évoqué : quitter l'Euro, appliquer le revenu universel, et ... baisser les impôts. 
La première réaction à ce programme délirant est venu du président de la République Italienne, qui a refusé l'investiture du nouveau gouvernement tant qu'il n'aurait pas l'assurance que l'Italie respecterait ses engagements internationaux et européens en particulier ... ouf !
On a alors craint une crise politique terrible, avant que la nouvelle coalition ne fasse une nouvelle proposition politique. 
Il n'empêche, au delà de l'assurance que l'Italie tiendrait ses engagements économiques, le point d'accord et la ligne politique majeure tenue par Matteo Salvini, devenu ministre de l'intérieur, tient dans le rejet et la stigmatisation des migrants. 
Voilà le contexte dans lequel il faut interpréter les résultats de l'élection qui vient de se produire. Le gouvernement qui vient de s'installer est déjà mis en quelque sorte au défi. La gauche qui s'est écroulée lors des dernières élections, garde la main sur de nombreuses communes. La droite s'impose dans de nombreuses autres. Et le mouvement des cinq étoiles traduit son incohérence et son impuissance politique en s'écroulant. Un résultat inattendu surtout à si peu de distance de l'investiture gouvernementale. 
L'opinion, de même que les militants consultés, semblaient pourtant favorables à une coalition entre les deux partis populistes arrivés en tête aux législatives. Cette opinion se trouvait renforcée selon les sondages  par l'attitude ferme du Président de la République qui rejetait cette alliance .....Mais les résultats des élections amènent ce premier jugement. 
1) La gauche n'est pas morte. Cela est valable en Italie comme en France. Ce n'est pas parce qu'elle n'a pas su s'imposer dans une situation de crise, ni parce qu'elle n'a pas su trouver un discours relevant les défis de la modernité, qu'elle est morte. On s'en rend compte dans les élections locales. La population a besoin des valeurs de solidarité que la droite ne peut pas porter. Elle a besoin d'espoir auxquelles les fantaisies populistes ne peuvent répondre.
2) Une fois au pouvoir, soit les populistes s'écroulent, soit ils finissent pas s'imposer par la force. Pour l'instant, le mouvement 5 étoiles qui a commencé à se fendre, plusieurs de ses cadres ayant refusé l'alliance avec l'extrême droite, tient encore un peu ... mais alors qu'il semblait en position de force, il se révèle incapable de faire le poids face à une extrême droite cohérente et structurée par la haine. 
3) Aucun danger n'est écarté. Si ce premier coup de semonce démocratique est à prendre en compte, il s'agit plus d'une défaite de la coalition au pouvoir qu'une victoire de la démocratie. Il nous prouve certes que le pire n'est jamais sur ... mais la route est longue avant que l'Italie et l'Europe ne retrouve la voie de la raison. Les mouvements démocratiques ont du pain sur la planche, mais dans un premier temps, ils ne doivent pas avoir peur de ce qu'ils sontvet  toujours affirmer leurs valeurs. 





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