Terrible hiver, terrible automne.
Ludovic Mambas, jeune Congolais, mort parce que serveur et travaillant en terrasse le 13 Novembre 2015. Je suis Ludovic. |
Partant de Louviers, je devais prendre une personne en covoiturage. Comme il pleuvait, qu'il faisait froid, j'ai fait le détour jusqu'à Val de Reuil pour cueillir ma passagère.
Bien sur, on a parlé des événements. En route, elle m'a expliqué qu'elle allait s'occuper des obsèques de son neveu Ludovic.
Je commence donc comme ça ma rubrique tragique. J'ai vite retrouvé sa photo, et cette rubrique lui est dédié, à ce jeune homme souriant malgré une vie difficile... Les balles des kalachnikov auront eu raison de sa volonté de vivre. Quelques heures avant, j'avais parcouru sur internet, les portraits affichés des victimes ... Tous si jeunes, tous si beaux ... Effectivement, j'étais un peu chacun d'eux. Depuis, je suis Ludovic. Orphelin congolais, serveur en terrasse, assassiné en gagnant sa vie.
La place de la République n'est plus ce qu'elle était.
Après avoir vu mon ami, mon cher ami d'enfance retrouvé via Facebook, Patrick Bismuth, un type génial, devenu notamment violoniste d'ailleurs ceux qui veulent l'écouter pourront cliquer là ... Après donc avoir retrouvé mon ami bien vivant, j'ai voulu rendre visite aux fantômes. Je voulais à tout prix aller au Bataclan, m'incliner devant le temple de la musique et de la fête. Je voulais voir les terrasses, je voulais, je ne sais pas, revivre ce que je n'avais pas vécu, toucher l'inimaginable horreur. Je ne savais pas ce que je voulais faire. Marcher. Aller au Bataclan.
Je me suis arrêté Place de la République. Je ne l'ai d'ailleurs pas tout de suite reconnue. La dernière fois, elle était noire de monde. C'était la manifestation du 11 janvier qui faisait suite à l'attentat contre Charlie Hebdo. Là, la place était vide, tout, ou presque se passait autour de la statue centrale à laquelle on accédait facilement.
Je n'ai pas pu aller plus loin. J'ai fait trois fois le tour de la statue. Je croisais des gens qui faisaient comme moi. Je voyais des gens qui pleuraient. Qui essayaient de lire ce que d'autres avaient écrit. Des gens qui pleuraient doucement, qui priaient, qui essayaient de rallumer les bougies éteintes par la pluie ... et tout le monde était aussi démuni que moi.
Formule idéale pour l'infinie tristesse. Oui, ça flotte à Paris, mais on ne coule pas, jamais. |
En face le tag royal : Fluctuat nec mergitur, la devise de la ville de Paris : pour dire que ça flotte à Paris, mais qu'on ne se laisse pas abattre. Un temps idéal pour une inhumation.
J'ai ainsi revécu ces moments difficiles que j'avais vécu l'avant-veille à Louviers. Ce sentiment de vide. Pourquoi donc, ces places vides, alors qu'elles étaient pleines après les attentats de janvier. les gens ont peur, ils sont trop malheureux ? Ou se sont-ils accoutumés au malheur ? Les terroristes auraient gagné ? Les gens s'en foutent ?
Au moins en janvier, le choc avait amené une réaction à la hauteur de l'événement. Là, on est dans une situation plus dure encore. et rien ou presque ... Pourquoi ?
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Rassemblement citoyen cour de la mairie à Louviers. Elle était pleine comme jamais le 8 janvier. On est passé de 2.000 à 300 manifestants près de 10 mois plus tard. Absence totale et remarquée de la municipalité de droite qui a choisi de ne pas agir... A droite de la photo, les panneaux tenus du NPA, théoriciens de la récupération permanente en phase croque-morts. Ils n'aiment ni la République, ni la France. Que faisaient-ils là ? |
Un tagger a laissé passer la pluie place de la République et occupe l'espace. Nous n'avons rien à faire d'autre. |
J'ai renoncé à mon objectif. Trop de choses, trop d'émotions. J'ai réussi à écrire quand même ces quelques lignes et malgré tout, je fais cette promesse : la prochaine fois, je vais au Bataclan, à Charonne, partout, saluer mes frères.
[1] J'ai des
débuts d'explications, que je ne suis peut-être pas encore en état de
supporter. J'ai remarqué que les gens interviewé parlaient de colère.
Colère pour quoi ? Colère contre qui ? Un vieux slogan post soixante-huitard
disait qu'on a toujours raison d'être en colère. Ce n'était en fait que de la
récupération maoïste. La colère a pour objet de rationaliser les
frustrations ... pour autant, elle ne donne pas raison, ce serait trop facile.
Elle donne juste le temps que ça dure le sentiment d'avoir raison.
Il y en a en tous les cas qui ont historiquement
tort et qui s'entêtent. Si les maoïstes ont heureusement disparu, la rémanence
trotskyste est toujours là. Si à Louviers, l'appel lancé il y a dix mois avait
réuni plus de 2.000 personnes cour de la mairie, celui lancé dans les mêmes
conditions n'avait réuni que 300 personnes ... au point que les croque-morts
du Npa ont sortir leurs pancartes, assurant leur œuvre de
récupération permanente.
La récupération en fait n'est sans doute pas ce qu'il
y a de plus grave. Ni même l'erreur historique. Ces panneaux, réapparaissent
chaque 11 Novembre. Ils font partie du folklore et n'ont guère de sens
historique. Ils sont même une insulte à Lénine qu'ils prétendent honorer
puisque Lénine prônait le défaitisme révolutionnaire, qui pensait qu'en se
battant contre la guerre, on préparait la révolution ... et sur ce point,
l'Histoire lui a donné raison la guerre ayant malheureusement débouché sur
l'horrible dictature soviétique, préalablement au fascisme Italien et au
Nazisme avant d'en arriver notamment à la dictature militaire franquiste.
Dans ma jeunesse, l'extrême gauche valorisait le
combat antifranquiste. Personne dans ce courant de pensée politique n'a soutenu
le mouvement populaire de ceux qui se battaient contre la dictature de Bachar
El Assad en Syrie. Aucune protestation contre les massacres, les tortures, les
gazages de populations. Tout juste a-t-on entendu les gauchistes alliés au
front de gauche juste commencé à protester lorsque la France pour éviter ces
massacres a cherché le soutien Onusien pour y mettre fin. Les trotskystes
passent ainsi au soutien ouvert aux massacreurs, qui eux-mêmes ont contribué au
développement du djihadisme. On passe du pacifisme révolutionnaire au
défaitisme réactionnaire.
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