vendredi 27 septembre 2013

La vérité sur le cumul des mandats


Renaud Dély, brillant commentateur de
l'actualité et pourfendeur des cumulards
politiques ne voit pas en quoi son cumul
d'emplois au Nouvel Observateur,
à France Inter etc pose problème. La coutume,
il est vrai, est partagée par la plupart des
vedettes médiatiques nationales (Serge July,
Christophe Barbier, Laurent Joffrin...).
Leur faute n'est pas tant dans leur course
effrénée de la parole que dans l'absence de
connaissance de la pratique politique.
C’est entendu, dans quelques années, si ce n’est dans quelques mois, il n’y aura plus de cumul des mandats en France.

Je le regrette.

Je le dis d’autant plus tranquillement, que non seulement je ne cumule pas de mandat, mais en plus, je n’en possède pas un seul. J’ai bien été président d’une association de parents d’élèves, je suis président de la fédération de l’Eure du parti radical de gauche, mais à part la fierté, la responsabilité et le tracas que ces missions peuvent procurer, elles ne m’ont jusqu’à présent rien rapporté sur le plan du prestige ou de la rémunération.

Je n’aime pas les débats faussés, pas tant pour la mauvaise foi qu’ils véhiculent, mais surtout par ce qu’ils nuisent à la bonne compréhension du sujet. Le spectacle auquel nous assistons sur le cumul des mandats en est un parfait exemple.

La question du cumul des mandats intervient dans une remise en question générale du pouvoir à tous les échelons. En premier lieu, le pouvoir politique, mais aussi les pouvoirs judiciaires, médiatiques, et l’ensemble des pouvoirs institutionnels. Cette situation n’est pas saine. Non pas parce qu’il n’est pas bon de s’interroger sur la structure du pouvoir ou des institutions, après tout, nous sommes en démocratie et notre histoire est faite de ça. Mais cette remise en cause à ceci de malsain qu’elle confère à une sorte de peste émotionnelle, conséquence irrémédiable d’une perte de confiance en soi. Il est bien évident que dans ce cadre la fin du cumul des mandats ne résoudra rien. Le choix de soi-disant « vils politiciens » comme boucs émissaires est un outil contre la colère que le peuple éprouve contre lui-même et la conséquence en sera forcément néfaste et se traduira nécessairement davantage encore par un éloignement entre le peuple et les centres de décision.

La question majeure est bien évidemment celle du pouvoir, des pouvoirs et par là même celle de l’organisation des  pouvoir. Il y a en France  36.000 communes, 36.000 lieux de pouvoirs et c’est un cas unique en Europe. Ce n’est sans doute pas un hasard si cette situation se produit dans pays qui a bâti son histoire sur la centralisation du pouvoir. Cela a pour conséquence le sentiment profond que seul le pouvoir central est en lien avec l’universel, et  un mépris profond  pour les pouvoirs locaux.

Le cumul des mandats est forcément à considérer dans ce cadre. La grande erreur faite de la  presse nationale vient de  son désintérêt profond pour les responsabilités et l’action  locales. Il y a pourtant 36.000 communes et autant de pouvoirs locaux, autant d’aspirations à l’universel, de volonté d’agir pour la collectivité ... Sans doute cela est-il un peu trop pour une vision parisienne de la politique nationale. J’entends ces temps-ci sur France Inter les commentateurs politiques les plus brillants se vautrer dans le tapis sur ce sujet, dans l’ignorance précisément de ce qu’est le pouvoir local. Je note au passage que la guerre qu’ils mènent contre le cumul des mandats n’est pas pour autant ébranlée par le cumul de fonctions qu’ils exercent, émargeant dans le même temps sur de nombreuses radios, télés et organes de presse écrite concurrents sans avoir rien à y redire.

En fait, le cumul de mandats locaux est bien souvent une condition nécessaire à l’action. Jamais par exemple la création de la Communauté d’agglomération Seine-Eure autour de Louviers n’aurait été possible sans le cumul de mandat exercé par Franck Martin. La communauté d’agglomération est pourtant aujourd’hui tellement évidente qu’on a du mal à imaginer que sa création a été la conséquence d’un travail acharné mené par un élu qui avait obtenu un poids que lui avaient donné ses électeurs sur le canton sud et sur Louviers. Ce poids, il le devait à lui-même et pas à l’appareil d’un parti. La limitation, voire l’interdiction du cumul des mandats rendrait cette tâche impossible.

Voilà pourquoi les attaques contre les cumulards, cette vieille antienne anti-pouvoirs, traditions de l’extrême droite anarchisante, de celle qui justement prépare le terrain à un pouvoir dur et fort, soumettant toute initiative locale, est incongrue.

L’organisation des pouvoirs doit certes être repensée, même si celle-ci ne relève pas de l’urgence qu’on lui accorde à tort. Il n’est pas faux de penser que le Sénat, élus par les seuls élus locaux est une anomalie démocratique comme l’a dit Lionel Jospin. Si le Sénat doit représenter les enjeux locaux, qu’il soit élu par tous les citoyens, en créant des circonscriptions, laissant alors l’élection par liste à l’assemblée nationale qui serait représentée par les partis politiques. Il  ne s’agit pas pour moi de dénigrer les partis politiques, qui ont certes plein de défauts, mais qui sont indispensables à la démocratie. Le tout, en  matière de démocratie, est de tendre à l’équilibre des pouvoirs  entre partis politiques et pouvoirs locaux, notamment … et c’est pourquoi la fin du cumul des mandats donnera tout pouvoir aux partis, récompensant tous les arrivismes et réduisant à la portion congrue les représentants des pouvoirs locaux.  Une occasion loupée pour la démocratie.

Franck Martin avec Laurent Fabius à l'occasion de
la naissance du pôle métropolitain. Un parfait
exemple de la nécessité de ce que le poids politique
local permet d'obtenir face aux appareils politiques
.nationaux

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