Le choix de Christiane |
La candidature radicale avait fini par s'imposer à la suite d'une erreur stratégique de Lionel Jospin. Celui-ci, souhaitant garder un réservoir de voix important pour le deuxième tour, avait laissé s'imposer une candidature verte (Noël Mamère), une candidature communiste (Robert Hue) et la candidature de Chevènement. Il ne restait pas d'autre choix pour les radicaux que de présenter leur propre candidat.
Ce fut une candidate. Elle était députée, elle était connue des parlementaires, mais à part ça, personne ne la connaissait.Elle avait été députée européenne, élue sur une liste radicale, mais n'avait pas sa carte. Le choix Christiane avait fini par s'imposer à la suite de nombreuses hésitations. Je me souviens encore de l'article de Thierry Jeantet paru dans "Le Monde" à quelques jours du dépôt officiel des 500 signatures : il faut sauver le soldat Taubira et mon ami Gery Brasseur, me rappelait la semaine dernière le dépôt de ces 500 signatures au Conseil Constitutionnel, sous les crachats et les insultes des militants mégrétistes venant déposer les signatures de leur candidat, et accueillant la première candidature d'une femme de couleur à la présidence de la République Française. A ce demander dans quel pays nous vivions !
Et d'ailleurs, après une si sale campagne, où justement Christiane avait su défendre la voix de la liberté face à tant de candidats ayant peur de leur ombre et de celle de l'intolérrance, la France a connu le plus grand cataclysme électoral de l'histoire de la 5e république, avec un duel entre Chirac et Le Pen, la gauche étant éliminée au 2e tour... (Que n'y eût il les primaires à l'époque !). C'était le 21 avril 2002.
Or, une grande partie de la gauche a eu tendance depuis lors à faire porter le chapeau de cette catastrophe aux radicaux en général et à Christiane en particulier.
Photo souvenir lors de l'inauguration de la rue Aimé Césaire Christiane Taubira avec Franck Martin et Michel Champredon, les maires radicaux de Louviers et d'Evreux |
Lorsque Jean-Marc Ayrault l'a nommée ministre de la Justice, il s'est sans doute agi de la plus grosse prise de risque dans la composition du gouvernement et bien peu, même ceux à qui cette nomination faisaient plaisir, ne s'attendaient à ce choix. Christiane Taubira est radicale dans l'esprit, mais sa totale indépendance a fait que même au parti radical de gauche, parti recordman de la largesse d'esprit, on n'a pas pu la garder. Elle a donc été nommée ministre sans pression, sans le filet d'un parti pour la défendre, juste dit-on par la confiance de Jean-Marc Ayrault qui a pris ce risque.
Le débat sur le mariage pour tous a permis de rappeler la classe phénoménale de Christiane Taubira. Sans doute un effet inattendu de l'argumentation lamentable de la droite. |
Or depuis sa nomination, Christiane Taubira travaille, défend les libertés, pèse son poids face à personnalité très forte et populaire qu'est Manuel Valls, et défend avec intelligence tous ses dossiers.
Le domaine de la justice est l'un de ceux qui a le plus progressé depuis le changement de gouvernement, même si Christiane Taubira, du fait qu'elle n'était soutenue par aucun parti ni aucun courant semblait la plus menacée du gouvernement.
Et puis, nous avons eu le débat parlementaire sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, un projet de loi contre laquelle la droite avait décidé de faire un tir de barrage, déposant plus de 5.000 amendements et contraignant les parlementaires à un débat interminable de plusieurs jours et de plusieurs nuits.
Or, sans doute grâce à la bêtise de la droite, grâce à son acharnement à défendre une cause perdue d'avance, grâce à sa mauvaise foi, grâce à sa technique d'harcèlement, grâce à la vulgarité de l'opposition, Christiane Taubira a pu faire éclore ses extraordinaires qualités humaines, son intelligence, sa culture, son humour, son talent, sa grâce. Christiane Taubira s'est envolée.
Amoureuse des mots et de la poésie, le ministre de la justice s'est appuyé sur les muses pour démontrer la petitesse des argumentations et donner à la République et à la défense de la Justice la grandeur de sa mission. Descendante d'esclaves, fille d'une femme de ménage, ministre de la justice et enfant de la République.Elle fait découvrir des auteurs à la France entière. Elle est celle qui porte, celle qui diffuse en la coloriant, la République universelle du savoir et de la liberté.
En cadeau, après cet article louangeur, l'un des moments les plus beaux de ses interventions : le fou rire plein de grâce et d'humanité de la Ministre au parlement ... de la couleur dans la vie politique.
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