Christiane Taubira à Evreux, lors de l'inauguration de la place Aimé Césaire entre Michel Champredon et Franck Martin, alors maires d'Evreux et de Louviers. |
J'ai connu Christiane Taubira en 2002. Je m'étais précipité à Paris sitôt connue sa candidature. Je tenais à faire la campagne de la candidate du parti radical de gauche.
Cette campagne a été bouleversante. Elle a été bouleversante dans son essence même, puisqu'elle a permis la confrontation de personnalités nouvelles, elle a été bouleversante par son résultat puisque pour la première fois dans l'histoire de la 5e République elle a amené l'extrême droite au deuxième tour. Enfin, c'est une période qui m'a marqué personnellement, puisque ma mère venait de subir une attaque et avait due être hospitalisée en avril 2002, juste au début de la campagne officielle.
Je garderais
à jamais le souvenir de la route qui me conduisait de l'hôpital
de Grenoble où elle venait d'être hospitalisée, à la station de
ski de La Plagne où je devais rejoindre ma nouvelle petite famille
recomposée. La radio vomissait un flot insupportable de discours sécuritaires,
portés par l'ensemble des candidats. C'était la carte de la
sécurité que Chirac avait sorti comme atout-maître et dans laquelle
s'engouffraient les Le Pen, Chevènement, Jospin, Mégret dans un
sinistre concours au prix du Père Tape-dur[1].
Seule dans
ce concert d’appel à la remise en cause des
principes de la justice et de la protection des mineurs, Christiane Taubira
appelait à la République du respect et à la citoyenneté.
Seule dans ce
concert d’appel à la remise en cause des
principes de la justice et de la protection des mineurs, Christiane Taubira
appelait à la République du respect et à la citoyenneté.
Elle était
venue à Louviers[2],
où une salle pleine l'avait accueillie, éberluée par ses qualités
d'oratrice. Plus tard d’ailleurs, lorsque je l’avais ramenée chez elle en
voiture, elle m’avait raconté, son goût pour les mots, la poésie, le plaisir qu’elle
avait à apprendre des poésies par cœur, et à se les réciter ... ces mots qu’elle
suçait avec gourmandise et sensualité, bref, tout ce qu’on a retrouvé magnifiquement
lorsque la magnifique Christiane s’est opposée aux vieilles badernes
réactionnaires au sujet du mariage pour tous.
Voilà, tout est
dit. Peut-être mal dit, mais c’est dit. Cette campagne, je ne l’ai jamais regrettée.
Elle m’a fait connaître une figure majeure de la politique, même si dans la
suite immédiate de la campagne, personne n’aurait pu dire ça. Il faut voir ce
que j’en, ce que les radicaux ont entendu d’avoir soutenu Taubira. Les
désaccords ont même sonné à l’intérieur du prg.
Plus tard, en
dépit des désaccords avec elle sur l’Europe et sur ses accointances avec
Montebourg, je n’ai jamais regretté cet engagement. Je continue toujours de
penser que le pire dans ce type de situation est de ne pas s’engager.
"Nous voulions changer la vie, mais la vie nous a changé", phrase référente du film d'Ettore Scola mort ce 19 janvier. C'eravamo tanto amati, nous nous sommes tant aimé en français. |
Je pense qu’effectivement,
elle a raison de démissionner. Question de respect des institutions. Comme l’avait
dit avec délicatesse Chevènement : un ministre, ça démissionne ou ça ferme
sa gueule. Or, Christiane avait déjà beaucoup parlé. Je considère pour ma part
que je n’ai pas les éléments pour trancher sur le sujet de la déchéance de
nationalité. Je persiste à penser qu’il s’agit d’un désaccord politique mineur,
parce que, contrairement à la mousse faite autour de la sécurité en 2002, le
risque est bien réel. Je persiste à penser que si l’on était d’accord avec le
Président de la République au lendemain du 13 novembre, on ne peut pas le
lâcher trois mois plus tard même si je comprends qu’il y ait débat.
N’empêche, je
persiste : à la suite des catastrophiques Pascal Clément, Michel Mercier,
Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, en dépit de certains autres qui ont fait le
job, Christiane Taubira a été la meilleure ministre de la justice de la 5e
République après Robert Badinter. Quoi qu’il advienne, j’aurais apprécié ses
qualités humaines et ses capacités de travail et la nécessité d’une telle
personnalité dans le monde politique. Et je reste content, d’avoir à mon faible
niveau participé à son éclosion.
[1] La
télévision relayait jusqu’à la nausée les images de Paul Voise, un retraité
agressé à Orléans et qui démontrait que la France vivait en grand état d’insécurité.
Les études menées par la suite, tant par la police que par la presse critique
ont amené les plus grands doutes sur la réalité de l’agression
[2] Marrant
d'ailleurs comme Louviers avait joué un rôle clef dans cette campagne
puisque c'est là que Besancenot avait tenu à lancer la sienne, devant son vieux
lycée avec Pierre Vandevoorde, son vieux prof d'allemand.
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