Il y avait
beaucoup d'attente autour du comité directeur du parti radical de gauche.
Convoqué pour le 15 novembre, d'une manière on ne peut plus statutaire, il
était la première réunion des instances depuis le speed dating de Montpellier[1],
où l'on avait fait se rencontrer les deux branches du radicalisme, frères
ennemis depuis un demi-siècle, c'est à dire depuis la naissance de l'union de
la gauche en 1972.
Le chaos, le ko et le cahot.
Après le chaos
des présidentielles, lorsque tout le monde était K.O., les radicaux ont proposé
cet ultime cahot ; réunir les deux familles radicales, séparées depuis 50
ans.
Michel, réveille-toi ! Ils sont devenus flous. |
Formidable !
Proposer enfin quelque chose de positif dans un monde politique décomposé. Après
tout, les radicaux valoisiens n’étaient pas si méchants. Peu importe leur passé,
le fait qu’ils aient soutenu les pires politiques de droite sans sourciller, qu’ils
se soient rangé selon le sens du vent du côté des sarkozystes, des chiraquiens,
voire des fillonnistes. Après tout, il fallait regarder l’avenir et suivre la
mode du « et à droite, et à gauche ».
C’était là une
manière d’acter la victoire de Macron et de se frayer un chemin dans le marais
centriste.
Le seul problème
c’est que les radicaux de gauche sont de gauche. Ce qui est emmerdant avec les
militants, c’est pas tellement qu’ils se trompent, après tout ça arrive à tout
le monde, non, le problème c’est qu’ils croient à ce qu’ils disent et à ce qu’ils
font. Et tout ceux qui ont pris leur carte au parti radical de gauche, l’ont
prise par ce qu’ils étaient à gauche. Parce que, malgré les divergences légitimes
qui pouvaient exister, les radicaux de gauche défendaient l’idée d’une gauche
de gouvernement avec toutes les déclinaisons locales que cela suppose.
La pilule est
effectivement difficile à faire passer et l’on comprend que la direction du prg
ait préféré mener discrètement les négociations visant à la fusion des deux
branches radicales plutôt que d’en parler aux militants.
Les militants sont à gauche et ... à gauche
Ainsi, alors que
le prg ne proposait rien de moins que sa propre mort, a-t-il évité tout
déballage et tout débat entre direction et militants.
Le comité directeur
réunit les représentants de chaque fédération avec la direction et les élus. Ce
15 novembre était l’occasion unique de se faire entendre avant une fusion
prévue début décembre.
La direction
avait joué classiquement le coup en laissant les opposants à la fusion s’exprimer
avant de passer à autre chose et notamment à un vote où ils seraient
marginalisés. Mais les choses ne se sont pas passées exactement comme ça.
La faute tout d’abord
aux valoisiens et aux déclarations publiques de leurs dirigeants assurant que
dans la future formation la double appartenance serait possible. Cette double
appartenance a un sens tout à fait particulier chez les radicaux de droite. Cela
veut dire tout bêtement rester à l’Udi tout en adhérant au nouveau parti.
On sait que les
valoisiens ne sont pas des enfants de chœur. Il n’empêche qu’affirmer la
nécessaire affiliation politique à l’Udi à quelques semaines de la fusion est
plus qu’une incorrection vis-à-vis des radicaux de gauche.
A Montpellier, en
septembre, lors de discours touchants, les valoisiens disaient souhaiter la
fusion pour s’émanciper de l’Udi.
Il y a deux raisons
qui peuvent expliquer l’apparent retournement de veste des dirigeants
valoisiens, et qui ne sont pas contradictoires. La première c’est que la
pression politique entre centristes et valoisiens est si forte que ces derniers
doivent rassurer leurs troupes et les intérêts particuliers de leurs
représentants. La deuxième est que, devant la faiblesse de la direction du prg[2],
les valoisiens peuvent avancer en parfait cynisme et mépris des opposants.
Et justement, à
propos de faiblesse, il y a eu lors de ce fameux comité directeur, un épisode
pour le moins inattendu avec l’affirmation d’une divergence de taille.
Ainsi, Guillaume
Lacroix, premier vice-président, soumettait-il au vote une remise en cause de l’actuelle
présidence du parti tout en se défendant de vouloir faire un coup d’état.
... Mort de rire !Même pas drôle
Enfin, tout le monde ne rigolait pas. À vrai dire Jean-Michel Baylet, qui avait
installé la présidence actuelle pour lui succéder, voyait l’édifice s’ébranler,
et Sylvia Pinel sentait le danger. À la tribune, les deux adversaires côte à côte
se donnaient du vouvoiement et du Monsieur le vice-président et du Madame la Présidente … Pour dire,
on était en toute fraternité radicale !
Il y eut donc un
vote qui donna à une courte majorité le maintien de la présidence actuelle, une
présidence divisée, affaiblie, qui affronte dans les pires conditions la fusion
entre les radicaux.
Alors, alors, on
en aurait presque oublié l’essentiel du débat. Les radicaux de gauche, le
radicalisme va-t-il mourir ? Va-t-il mourir après une absorption de la
gauche par la droite radicale qui après se trouvera elle-même absorbée par l’Udi ?
Du droit de mourir dans la dignité
On peut, on doit
craindre le pire, même si la crainte n’évite pas le danger. Il y eut un autre
vote lors du comité directeur, qui donna une large majorité à la proposition de
fusion qui devra être officialisée …
Une large
majorité, certes, mais pas une quasi-unanimité, comme Guillaume Lacroix s'est empressé de le dire après avoir loupé son coup. Surtout que rapidement quelqu'un a transformé la quasi-unanimité en unanimité tout court. Bon, soyons sérieux il y a eu 1/4 à plus d'1/3 des participants à voter contre la fusion, ce qui fait une forte minorité. Pourquoi une telle imprécision ? Tout bonnement parce la direction n'a pas voulu compter les opposants. Quel dommage !
On sait aussi, lorsqu’on est sur le terrain, que soit les adhérents rejettent la fusion, soit ils s’en vont … et l’on peut penser que le départ des militants fasse partie du calcul de la présidence actuelle du parti. Quelle misère pour un parti qui a fait du droit de mourir dans la dignité une de ses principales revendications.
Il n'empêche, le congrès début décembre doit se prononcer pour ou contre la réunification. Or, comme l'ont démontré la présidentielle et tous ses préliminaires, en matière de démocratie, rien n'est joué. En votant contre la fusion, on peut encore sauver le radicalisme. C'est tout l'enjeu !
On sait aussi, lorsqu’on est sur le terrain, que soit les adhérents rejettent la fusion, soit ils s’en vont … et l’on peut penser que le départ des militants fasse partie du calcul de la présidence actuelle du parti. Quelle misère pour un parti qui a fait du droit de mourir dans la dignité une de ses principales revendications.
Il n'empêche, le congrès début décembre doit se prononcer pour ou contre la réunification. Or, comme l'ont démontré la présidentielle et tous ses préliminaires, en matière de démocratie, rien n'est joué. En votant contre la fusion, on peut encore sauver le radicalisme. C'est tout l'enjeu !
[1] Les journées d’été du
radicalisme ont eu lieu en septembre à Montpellier. Il s’agissait de faire se
rencontrer dans une ambiance policée et aimable les deux familles radicales. On
a fait ça très vite et très rapidement pour éviter les débats inutiles et, hors
des débats qui fâchent, chacun en a gardé un bon souvenir.
[2] Qui, du prg ou des
valoisiens a proposé le rabibochage entre les deux formations ? Et si c’était
le prg, en état de faillite financière, qui l’avait proposé, se rendant ainsi
pieds et poings liés à leurs adversaires d’hier ? On comprend que dans
cette situation, qui n’est qu’une hypothèse, on ne se place pas dans la
meilleure des situations pour négocier.
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