Et j’aurai en outre l’honneur d’y défendre un beau programme innovant, nourri de notre doctrine traditionnelle, audacieux et réaliste, radical autant qu’il se peut mais ouvert sur le monde.
Je ne reviendrai pas ici sur les trente propositions que contient notre livre. Vous aurez tout loisir de le lire en détail, de le faire lire, d’en assurer en quelque sorte la publicité et j’espère que rien ne vous y décevra. Ce livre est marqué si j’ose dire à l’ADN radical. Je n’insisterai que sur quatre des idées qu’il renferme parmi les plus importantes.
Vous ne serez pas étonnés d’y retrouver en tout premier lieu notre engagement de toujours en faveur d’une Europe fédérale. La sérieuse crise monétaire que nous traversons n’est en réalité qu’un symptôme du mal dont nous souffrons : pas assez d’Europe Bien sûr qu’il faut un gouvernement économique permanent. Bien sûr qu’on doit revenir sur l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. Bien sûr que nous devons créer un Fonds Monétaire européen donnant, sur la base d’emprunts obligataires de l’Union, des droits de tirage aux Etats à la mesure des attaques qu’ils subissent sur leurs dettes souveraines. Bien sûr encore que nous aurons à sortir du dogme de l’euro fort, sauf si le système de Bretton Woods était rebâti et ne permettait plus aux deux premières puissances économiques, les USA et la Chine, de tricher avec la valeur de leur monnaie.
Economie et monnaie donc, mais aussi diplomatie et défense, traitement des grands problèmes et grands travaux environnementaux, harmonisation par le haut des minima sociaux, aide au développement, création d’un Ministère européen de la recherche, sur tous ces grands sujets une Europe intégrée, fédéralisée, avec des institutions clarifiées et un gouvernement responsable pourra enfin défendre nos intérêts communs dans un monde globalisé.
Autre idée qui est bien dans le prolongement de l’action des anciens radicaux qui ont inventé l’impôt progressif et donc concrétisé l’idéal de justice sociale, nous souhaitons une grande réforme fiscale où seraient réunis dans un impôt global, l’impôt sur le revenu, la C.S.G. assise sur tous les revenus, mais également les charges sociales qui, non progressives et même plafonnées, constituent l’impôt le plus injuste pour les citoyens les plus défavorisés.
En instituant une progressivité dans l’impôt sur les sociétés et en asseyant les charges sociales des entreprises non plus sur les salaires mais sur la valeur ajoutée nette, nous aurons redonné une orientation équitable à notre fiscalité qui ne se lit plus aujourd’hui que comme une interminable liste de privilèges.
Je veux également appeler votre attention sur une proposition capitale, celle de la constitution d’un pôle public de l’énergie. Nous avons combattu la privatisation de GDF. Nous n’acceptons pas qu’au moment même où toutes les grandes puissances mondiales reprennent en main leur politique énergétique et mettent des stratégies nationales pour garantir la pérennité de leur approvisionnement, la France soit le seul pays qui désarme et privatise ce secteur et laisse quelques grands groupes lui dicter le prix du gaz payé par les ménages pour financer les dividendes des actionnaires.
La politique énergétique de la France doit servir les intérêts de la Nation. L’Etat doit la reprendre en main, coordonner l’action de nos grands groupes gaziers, pétroliers et électriques et remonter dans le capital de ces entreprises grâce à un grand emprunt énergie.
Je le dis avec force parce que les autres candidats n’en disent rien : c’est la seule solution réelle pour continuer de produire les énergies traditionnelles à un prix qui préserve le pouvoir d’achat des Français. Et c’est la seule solution pour décider une fois pour toutes ces grands groupes à s’engager résolument dans la recherche et le développement des énergies alternatives alors que tous les acteurs des filières actuelles du pétrole et de l’électricité se coalisent pour les étouffer. Il ne suffit pas de dire qu’on veut sortir du nucléaire à une échéance donnée, il faut avoir un acteur public de l’énergie suffisamment puissant à la fois pour régler la question du traitement des déchets et pour faire émerger de nouvelles sources d’énergie.
Enfin, les radicaux ne seraient pas eux-mêmes s’ils considéraient le grand chantier des libertés comme un travail achevé. Au-delà même des violentes attaques portées par le pouvoir actuel contre les règles républicaines, il reste beaucoup de libertés à conquérir. Notre société change et c’est notre responsabilité d’accompagner ce changement et même de l’anticiper. Ainsi rien ne devra s’opposer dans un pays tel que le nôtre au mariage homosexuel ni à l’homoparentalité par adoption. L’actualité nous indique aussi que notre pays est en attente d’une réponse législative à la question du droit de mourir dans la dignité. C’est un engagement très ancien des radicaux ; cette campagne nous permettra de le mettre au centre du débat.
Il nous faudra également organiser les libertés nouvelles que donne Internet et trouver un juste équilibre entre les nécessités de la réglementation et la libération du potentiel formidable qu’apportent les nouveaux outils de communication.
La vieille question du droit de vote des immigrés aux élections locales lorsqu’ils sont établis en France depuis cinq ans au moins devra être à nouveau posée car elle est inséparable de notre vision d’une nouvelle politique de l’immigration non-répressive, non-stigmatisante et assise sur le principe du co-développement avec les pays d’origine.
Ne craignons pas non plus de préconiser la légalisation de l’usage des drogues douces, non par je ne sais quel dogmatisme libertaire (si cet oxymore à un sens), mais pour la raison simple que la prohibition de ces drogues produit exactement le même effet dans notre pays que la prohibition de l’alcool en Amérique du Nord dans les années 20.
Ce rapide survol du vaste sujet des libertés nouvelles ne serait pas complet si je n’appelais pas à la suppression du conseiller territorial et à un approfondissement de la décentralisation qui viendrait enfin accroître et clarifier les compétences des collectivités territoriales.
Europe, fiscalité, énergie, libertés, telles sont quelques-unes des spécificités du message radical dans la campagne qui s’ouvre. J’en ai beaucoup d’autres et notre échange permanent, comme mes rencontres de terrain nous permettront aussi d’élaborer de nouvelles réponses à des sujets que, dans son état actuel, le programme que nous avons voulu concis n’a pas encore traités.
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Plus généralement, je voudrais vous dire quelle est l’inspiration commune à toutes ces propositions et quel sera mon état d’esprit au long de la campagne qui s’annonce rude.
Je sais que je vais être confronté à des forts en thème, à des premiers de la classe, à des gens que je décrirai, qu’on me pardonne, comme des spécialistes des idées générales. Je ne redoute pas du tout ce débat.
D’abord, je l’ai dit, je suis fier d’être d’un autre monde, d’un monde où l’on ressemble aux gens qu’on entend représenter, d’un monde où l’on n’a aucun mépris pour le peuple et où on le croit capable de comprendre même les problèmes plus complexes, d’un monde où la proximité de l’élu, sa capacité d’empathie, sa connaissance de la terre et des hommes sont plus importantes que son omniscience. Je veux donc bien assumer, et même je revendique, le rôle de celui qui s’exprime dans un langage que tous les citoyens peuvent comprendre.
Ensuite, je constate une situation de fait que je trouve très préjudiciable à notre pays. Jusqu’à 1974 et l’élection de Giscard d’Estaing, la France a été dirigée par des hommes et des femmes issus de la Résistance. Ils avaient malheureusement rencontré l’Histoire ; en retour, celle-ci les avait forgés. Ceux-là même qui avaient dû faire la guerre ont créé l’Europe pour organiser la paix. Quel que soit le bord politique et l’appréciation partisane, nous étions dirigés par de grands hommes.
Cette puissante source politique qu’avait été la Résistance s’est évidemment tarie pour l’essentiel. Elle a été, hélas, remplacée par l’école nationale d’administration. Je comprends bien qu’on puisse être fier de la formation très élitiste de nos hauts fonctionnaires et de leur capacité à diriger de grands services administratifs.
Je comprends moins en quoi l’ENA qualifie ses anciens élèves pour diriger de grandes entreprises publiques ou privées, pour occuper après parachutage de nombreux mandats électifs ou pour gouverner le pays en envahissant –ministres et collaborateurs– à peu près tous les grands ministères. Et puisque nous parlions tout à l’heure des déficits publics, je crois qu’on peut voir aujourd’hui où nous a conduits l’omnipotence des hauts fonctionnaires spécialistes de la comptabilité publique.
Finalement, si je dois apporter au débat la sensibilité particulière d’un radical, résolument girondin, méfiant à l’égard de ce qu’Alain appelait « le pouvoir anonyme des bureaux » soucieux de la liberté des entreprises privées mais aussi des problèmes quotidiens de leurs salariés, je le ferai très volontiers.
Mais la troisième raison pour laquelle je ne redoute ni cette campagne ni les échanges télévisés qu’elle comportera et pas plus les compétences économiques que s’attribuent les différents concurrents, c’est que j’entends défendre une autre conception de la vie publique. Les radicaux ont toujours cru que, dans une République, la politique et la culture doivent surplomber l’économie et la technique. Hélas nous assistons depuis trente ans au renversement total de cette hiérarchie.
Aujourd’hui la décision politique serait asservie à la « réalité » économique c’est-à-dire aux lois du marché et pour être plus précis aux seules pulsions d’un matérialisme sans foi ni loi. Le dérèglement total, qui confine à la folie, de l’économie casino, de cette « économie virtuelle » qu’on ne craint pas de distinguer de l’économie réelle vient nous démontrer la nécessité d’un sursaut de la volonté politique. Ne faut-il pas être totalement fou pour inventer une locution telle qu’économie virtuelle ? Et l’on nous explique que tout serait devenu impossible, en raison de contraintes, celles de la construction européenne hier, celles de la mondialisation aujourd’hui et demain.
L’art de gouverner est devenu celui de l’inventaire des mille raisons de ne rien faire. Croyez-vous que, s’il avait écouté les économistes, les conjoncturistes, les comptables de la politique, Helmut Kohl aurait pu réunifier l’Allemagne. Non. Il a seulement imposé sa volonté politique à tous les responsables économiques qui tentaient de le dissuader de ce qu’ils jugeaient impossible. En suite de quoi, les mêmes ont qualifié l’évènement d’imprévisible simplement parce qu’ils ne l’avaient pas prévu. Je veux, en toute humilité, puiser à cette inspiration.
On pourra me donner toutes les leçons d’économie qu’on voudra, on ne m’expliquera pas comment une Europe fédérale forte ne pourrait pas se révolter contre le pouvoir d’arbitrage international d’une monnaie, le dollar, dont la valeur a été divisée par cinquante en quarante ans. Richard Nixon dont on connaît le cynisme disait et faisait dire à ses alliés européens : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème. ». Lui aussi à sa manière imposait le primat de la volonté politique même sur les règles économiques les plus communément admises.
Albert Camus fait dire à Caligula cette phrase magnifique : « Je viens de comprendre l’utilité du pouvoir, il donne ses chances à l’impossible ». L’empereur n’était pas parfait mais le constat de Camus est splendide et nous voulons remettre l’économie au service de l’homme et avoir le bonheur de tous comme objectif principal.
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Si la primaire de la gauche responsable a un sens, il est bien fourni par la nécessité de redonner l’espérance aux Français. Allons-nous les mobiliser en leur expliquant pour quelles raisons économiques complexes nous ne pouvons rien faire ? Allons-nous leur rendre foi en l’avenir en leur faisant, ce qui serait pire encore, des promesses que nous ne pourront pas tenir ? J’en prends un seul exemple, celui du financement des retraites. Chaque Français peut constater deux évolutions heureuses : les études des jeunes sont toujours plus longues et l’espérance de vie ne cesse de progresser. Chacun peut faire un autre constat douloureux celui-là : le chômage s’est enraciné et ne cessera de progresser si l’on ne met pas des bornes règlementaires fortes à la mondialisation des échanges qui traite les hommes moins bien que les objets.
Dans ce contexte, tous les Français savent et comprennent qu’un système conçu lorsque trois cotisants actifs finançaient les droits d’un retraité ne peut plus fonctionner sur les mêmes bases. On peut certes l’améliorer, mieux prendre en compte la durée du travail et sa pénibilité, ajouter, comme je le propose, une retraite complémentaire par points à la répartition traditionnelle mais c’est mentir aux citoyens que de faire croire qu’on abaissera l’âge de la retraite.
Car nous ne sommes pas en quête d’une sorte d’alternance mécanique, d’un simple changement de pouvoir. S’il faut battre la droite, ce n’est pas pour faire gagner la gauche mais pour faire triompher les valeurs de la gauche. Et dans la conception spécifiquement radicale de la politique, je veux rappeler devant vous que notre parti, héritier des lumières, s’est toujours dès sa création prononcé en faveur du progrès. Il s’est donc toujours réjoui des découvertes scientifiques et des innovations techniques qui apportaient plus de liberté aux hommes.
Lorsque j’entends parler aujourd’hui de décroissance organisée, quand je vois certains brandir sans aucune précaution le principe de précaution comme une injonction régressive, quand j’entends s’exprimer certaines exigences des écologistes, quand je vois quelle complaisance certains autres candidats de gauche affichent par rapport à ces ordres-là pour de simples raisons électorales, je me demande si le progressisme est toujours aussi bien enraciné à gauche.
Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas moins écologiste qu’un autre, mes réalisations de terrain en témoignent, et je pense moi aussi que le progrès doit être maîtrisé et que la croissance purement quantitative n’est pas toujours libératrice. Pour autant, je crois qu’il est déraisonnable de tourner le dos à des recherches fécondes, en matière agricole par exemple, mais, plus grave, dans le domaine de la biologie et de la médecine, au seul motif qu’on ne pourrait pas en prévoir absolument toutes les conséquences. Mais c’est ainsi que l’esprit humain avance. Chaque solution trouvée apporte son lot de problèmes qu’il faut régler et la problématique humaine est infinie.
Voilà donc dans quel esprit, avec quel souci des valeurs radicales, je mènerai cette campagne en votre nom.
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C’est pour nous tous un effort considérable. Je suis décidé à en prendre toute ma part. Mais –permettez-moi de quitter le ton de convivialité qui est toujours celui de nos universités d’été– je n’accepterai pas que vous n’en preniez pas toute la vôtre. Nous avons tous la même opinion, très négative, sur l’élection présidentielle et sur la bipolarisation brutale qu’elle induit.
Nous savons tous que cette élection a toujours posé des problèmes à notre parti tellement son mécanisme même est étranger à notre culture du consensus et du rassemblement. Mais nous savons tout aussi bien qu’un parti, dans ces institutions et dans ce monde médiatique, ne peut durablement exister s’il n’est pas décidé à peser, directement ou indirectement, par présence ou par influence, sur l’élection présidentielle. C’est donc une étape importante qui est devant nous et elle vous concerne tous. Pour ma part, je n’ose pas imaginer ce que serait l’état de la gauche si, par malheur pour le pays, elle venait à perdre cette élection pour la quatrième fois consécutive.
Et je crois, soyons plus clairs, je sais que les radicaux peuvent apporter des voix décisives dans un scrutin qui sera, soyez-en certains, beaucoup plus serré qu’on ne le dit aujourd’hui. Cet apport sera à la mesure de la capacité de mobilisation et de la force de conviction que vous allez toutes et tous manifester dans les prochaines semaines. Je vois de l’optimisme dans vos yeux et je m’en réjouis.
Pas pour moi, je ne suis que l’instrument de votre volonté de vivre d’une existence libre. Pas pour vous non plus car je sais déjà que je n’ai aucun besoin de vous convaincre ; un radical qui voit venir une grande élection, c’est comme un militaire qui entend le bruit du canon ; il est prêt. Pas même pour notre parti et nos fédérations ; ce sont des outils, utiles certes, mais l’essentiel est ailleurs.
Vous allez agir, mobiliser, convaincre, rassembler car c’est toute la gauche qui a besoin des radicaux. C’est tout le peuple, ce grand peuple-là qui a fini par désespérer de la politique, qui a besoin de vous.
Et s’il faut aller vraiment à l’essentiel, je vous dirai qu’on ne doit jamais se contenter d’être en démocratie. C’est heureux et les révolutions de ce printemps sont là pour nous le rappeler. Mais la démocratie n’est qu’un état, le plus souhaitable. La République est plus qu’un état ; c’est un projet en perpétuelle construction, une dynamique féconde mais instable, toujours menacée par le moindre manquement à ce que j’ai appelé l’esprit public. Je crois vraiment que les principes républicains qui sont la colonne vertébrale de notre pays, liberté, égalité que nous appelons justice, fraternité, mais aussi laïcité, tolérance, progressisme, que toutes ces grandes et belles valeurs sont aujourd’hui en danger.
L’affection filiale que les radicaux montrent plus que d’autres à la République ne peut pas être une simple proclamation. Elle implique des actes car la République n’est pas une allégorie de marbre. Elle est faite de la chair des citoyens qui la composent, du sang que leurs parents ont versé et de l’esprit que nous devons insuffler pour la nourrir de nouvelles idées et démontrer ainsi que la République n’est jamais achevée.
Bref, mes amis, la République a besoin de vous. Et je veux que notre apport soit décisif. Je ne peux compter que sur votre énergie collective. J’ai confiance dans votre engagement et vous pouvez avoir la plus totale confiance dans ma détermination.
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