Il y a encore peu de temps, on avait cru l'Italie sortie
d'affaires avec l'éjection de Berlusconi du pouvoir ... un vieillard qui avait
réussi le tour de force de réunir toutes les forces allant du centre droit à
l'extrême-droite il y a une dizaine d'années.
Berlusconi avait l'image d'un vieux filou ayant baigné dans
des tas d'affaires et ayant réussi à s'imposer face à une gauche impuissante,
incapable de marquer une ligne claire entre une logique politique et une autre
gestionnaire, façon Tony Blair pour parler comme dans le temps ou Emmanuel
Macron pour parler nouveau monde.
Berlusconi avait créé un fort rejet dans le pays. Son
comportement provocateur cachait mal une incapacité à agir, et, de fait, plus
ça allait et moins, en évoquant le personnage, on parlait politique. Ses frasques sexuelles ou ses liens avec la mafia prenaient le dessus. Bref ce qu'on
peut appeler intérêt public sans parler de projet politique, était loin des
préoccupations et on se demandait comment les italiens avaient pu porter un type
pareil à leur tête.
Le rejet de Berlusconi
Il y avait une telle colère dans le pays qu'on s'expliquait
sans peine la naissance d'un nouveau mouvement populiste, balançant entre
l'extrême droite et l'extrême gauche, anti-tout en quelque sorte ... façon
anarchistes de droite ou fasciste de gauche ... Le mouvement qui à coup de
manifestations géantes organisées autour du très populaire comique Beppe
Grillo, dont le mot d'ordre était « vaffanculo » que je ne me hasarde
pas à traduire mais que les lecteurs auront fait d’eux-mêmes.
Bref ! Une fois débarrassée de Berlusconi, la gauche
italienne prit le pouvoir et au sein de la gauche italienne, après quelques
remous, c'est Renzi, jeune personnalité, maire de la plus belle ville du monde
(Florence), qui s'imposa et tâcha d'imposer une politique cohérente, surfant
entre les attentes populaires et les démarches identitaires qui marquait un
pays impatient.
Comment décrire Renzi, ce beau jeune homme ambitieux ? Ben
voilà, je ne suis pas le premier à le dire, mais ce Renzi c'était simplement du
Macron avant l'heure ou du Blair un peu après l'heure. C'est à dire
pro-européen, moderniste, humaniste peu porté sur le social, persuadé que le bon sens
était celui des affaires et qu'il finirait forcément par l'emporter.
Matteo Renzi, entre Blair et Macron
Bon, disons-le tout de suite, rien ne s'est passé comme prévu.
Matteo Renzi |
On ne sait pas jusqu'où ira Macron et le macronisme en
France, mais il est sûr que le régime parlementaire italien, même dans le cadre
de bouleversements politiques profonds, a empêché que Renzi ne s'impose au cœur
de la vie politique italienne comme Macron a pu le faire en France. Ce n'est
pas faute d'essayer. Renzi a balayé les vieilles barbes comme d'Alema, et même les
barbes naissantes comme Letta, il a ensuite
organisé un référendum constitutionnel visant à limiter le nombre de députés et
le pouvoir du Sénat et là ... manque de pot, il a perdu les élections avec des
conséquences terribles sur la politique italienne et la gauche en particulier. Je suis sur que cet exemple est bien présent dans la tête du président de la République française, mais c'est une autre histoire.
Première conséquence, perte de crédibilité d'un leader déjà
contesté, deuxième conséquence : éclatement de la gauche italienne en une
multitudes de micro-partis, une maladie qu'on ne retrouve quasiment nulle part
en Europe ... sauf en France... mais c'est une autre histoire ! Quoique ...
quoique ce qui rapproche la
France de l'Italie sur ce sujet, c'est la certitude qu'un grand
parti permettrait de répondre aux grandes interrogations du pays.
Rappelons-nous que le Parti Démocrate (celui dont Renzi, d'Alema et Letta
notamment sont issus) est l'émanation du parti communiste italien ayant fait
son auto-critique et décidant de se transformer en parti réaliste de centre
gauche, s'alliant avec tous les démocrates progressistes du pays sur un modèle blairiste en quelque
sorte. C'est une vision qui a marché ... un certain temps.
C'était jusqu'à ce que Berlusconi ne
tente quelque chose qui, vu de France, semble jusqu'à présent abracadabrant
:allier toute la droite du centre droit jusqu'à l'extrême droite. Alors, on me dira
: "oui, mais en Italie, l'extrême droite n'a rien à voir avec l'extrême
droite française ... " et on aura raison : elle est bien pire. D'abord,
comme je ne cesse de le répéter, c'est l'Italie qui a inventé le fascisme, qui
l'a diffusé à travers l'Europe, avec sa variante tragique en Allemagne, et qui
l'a subi pendant plus de 20 ans, c'est à dire trois générations. 20 ans de
pouvoir, ça laisse des traces, une culture, des références et en particulier
dans les sphères les plus recluses du pouvoir, mais c'est une autre histoire.
L'extrême-droite italienne n'est pas encore fasciste, au sens où elle
n'organise pas de défilé comme du temps de Mussolini, mais elle a un discours
violent, effrayant, effarant, qui arrive à prendre le dessus. Nous y
reviendrons. Bref, en banalisant l'extrême-droite, la droite italienne sous
l'emprise de Berlusconi a réalisé ce que la droite française n'a pas osé faire,
Chirac y ayant mis un frein en 1997 puis en 2002.
Les conséquences en sont terribles.
Le populisme de Beppe Grillo
La première c’est que, comme il était prévisible, le démarche berlusconienne a porté la vulgarité au pouvoir. Le projet politique étant limité à la dénonciation de la gauche, toutes les dérives imaginables et celles qu’on n’osait imaginer se sont produites. Les soirées bonga-bonga du président (partouzes géantes) n’en sont qu’un épiphénomène même si en terre catholique on peut être surpris qu’elles aient été admises par l’électorat. Il y avait beaucoup plus grave, corruptions généralisées, dénonciations des juges et de la presse, liens accrus avec la mafia etc. Heureusement, l’Italie a gardé un cadre démocratique … mais face à ce pouvoir corrompu de la droite, l’opposition qui s’est développée d’une manière généralisée a été le développement d’un populisme de bric et de broc s’appuyant sur la personnalité de Beppe Grillo, comique de la veine politique proche de Coluche mais allant beaucoup plus loin que celui-ci.
Il a créé son propre parti, le mouvement 5 étoiles, et
celui-ci s’est développé au point d’être une référence politique majeure, raflant
plusieurs villes dont Rome, Parme et Turin.
Le parti s’est appuyé sur une idéologie écologiste
(rappelons l’aspect crucial de l’environnement en Italie, et du rôle de la
mafia dans tous ce qui concernait traitement des déchets et de l’eau), s’opposant
à tous les grands projets, dénonçant une classe politique corrompue (et c’est
vrai qu’en Italie, et en particulier sous Berlusconi il y avait de quoi faire)
et le rôle de l’Europe. Reste que, ce qui, dans la dénonciation cimentait un
parti reliant toutes les sensibilités de l’échiquier politique s’est trouvé
fort dépourvu quand l’heure des responsabilités est venue. Ainsi, par exemple,
la nouvelle maire de Rome, donc ville éternel au pouvoir intérimaire, dont le
dernier maire avait été salué main tendue par les fascistes, après avoir aussi
été une ville de gauche ... bref, je suis déjà trop long … disons simplement
que la maire 5 étoiles de Rome n’a pas mis trois mois a être mise en cause pour
incompétence, favoritisme et affairisme … ce qui a certes affaibli le parti 5
étoiles, mais ne l’a pas dissous. On notera d’ailleurs que c’est sur le sujet
très sensible du ramassage des ordures ménagères que la nouvelle maire a montré
son incompétence après s’être fait élire sur ce thème.
On aura presque tout dit sur la mouvement 5 étoiles quand on
aura signalé que Beppe Grillo a décidé de s’en démettre et a laissé la place à un jeune successeur Luigi di Maio.
Une extrême-droite qui ferait passer le Front National pour un parti de gauche (je plaisante)
Vous trouvez ça compliqué ? Vous avez raison. Les italiens aussi trouvent ça compliqué. Mais ils doivent choisir.
Ce qu’il y a de terrible dans la situation italienne, c’est
que, en l’absence de projet économique, politique, tout le monde déteste tout
le monde et en particulier au sein de la classe politique. On se plaint certes
de cette situation en France mais, comme on dit, chez nous, c’est de la petite
bière. Bien entendu aussi, lorsqu’on n’a pas de projet, ce sont les questions
liées à la sécurité et l’immigration qui dominent. On entend en ce moment en Italie
des choses incroyables. Ainsi, lors d’un fait divers Luca Traini a tiré sur un
groupe de réfugiés faisant plusieurs blessés et a fait le salut fasciste
italien avant de se faire arrêter. L’assassin avait été candidat pour la Ligue du Nord, un parti plus
ouvertement raciste que le Front National et dont le dirigeant, Salvini considère l’Euro comme un crime contre l’humanité.
Bref, tout ça pour dire que ledit Salvini a osé déclaré que s’il y avait ce
genre de geste qu’il a à peine condamné, c’était de la faute des réfugiés qui
étaient trop nombreux.
La note radicale et les "vignette"
C’est ce qu’illustre magnifiquement la vignette que je vous reproduis et qui est issu du quotidien- Ils détestent tous Renzi - Non, non, ils détestent tous D'alema - Non, non ! Le plus détesté, c'est Di Maio - Pour moi, le plus détesté,reste Berlusconi - On peut tourner dans tous les sens, la seule qui ne soit pas trop détestée est Emma Bonino - Et alors, qu'est ce qu'on y fait dans ces élections |
Enfin, je me permets de terminer sur une note optimiste. Il y a dans ces élections à venir (le 4 mars) une note radicale, avec Emma Bonino, personnalité de dimension internationale, image de la ténacité et de l'intégrité. Je me permets de lui souhaiter toute la réussite ... même si, je l'admets, les sondages même s'ils ne sont pas mauvais, ne lui permettent pas d'espérer une victoire.
Nous le saurons bientôt.
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